Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 février 2018, M. B..., représenté par Me A...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2015 de la préfète de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui accorder, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard, le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse ou, subsidiairement, de procéder dans le même délai à un nouvel examen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... fait appel du jugement du 14 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a refusé d'annuler la décision de la préfète de la Seine-Maritime du 4 décembre 2015 refusant de lui accorder le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse.
Sur la légalité externe :
2. En premier lieu, s'agissant des moyens tirés de l'incompétence du signataire de la décision contestée et du non-respect par l'administration du délai de six mois imparti pour statuer sur sa demande par les dispositions de l'article L. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... n'apporte en appel aucun élément de droit ou de fait de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif sur son argumentation de première instance. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
3. En second lieu, la décision contestée cite les dispositions du 1° de l'article L. 411-5 et de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise, en indiquant la moyenne mensuelle de ses revenus, que ceux-ci sont inférieurs au montant exigé par la règlementation. Elle comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée au regard des exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, alors applicable.
Sur la légalité interne :
4. Aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; / (...) ". L'article R. 421-4 de ce code prévoit que le ressortissant étranger présente à l'appui de sa demande : " 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, ainsi que le dernier avis d'imposition sur le revenu en sa possession, dès lors que sa durée de présence en France lui permet de produire un tel document, et sa dernière déclaration de revenus. La preuve des revenus non salariaux est établie par tous moyens ".
5. En premier lieu, pour estimer que les ressources de M. B... étaient insuffisantes, en application des dispositions, citées au point précédent, du 1° de l'article L. 411-5 et de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de la Seine-Maritime s'est fondée sur ce que le revenu mensuel moyen perçu par l'intéressé durant la période de douze mois précédant sa demande du 19 décembre 2013, évalué dans la décision contestée à 923,84 euros, était inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) net mensuel, correspondant à 1 120,43 euros. M. B... soutient que ce motif est erroné, en droit comme en fait, dès lors qu'il convenait de prendre en compte les sommes versées au titre des congés payés par la caisse Congés intempéries BTP ainsi que les indemnités journalières versées par la caisse d'assurance maladie. Toutefois, si le requérant fait valoir que la rubrique " salaires et assimilés " de son avis d'imposition sur les revenus de l'année 2013 fait apparaître la somme de 13 740 euros, soit un montant mensuel moyen de 1 145 euros, il résulte des attestations émanant de ces organismes et des fiches de paie produites que, compte tenu du montant global de 1 756,81 euros retenu par la préfète en défense pour le mois de décembre 2012, qui n'est contredit par aucune pièce du dossier, le revenu mensuel moyen de M. B... s'établissait à 1 075 euros durant la période de décembre 2012 à novembre 2013. Si, par ailleurs, il disposait depuis janvier 2011 d'un contrat de travail à durée indéterminée, il n'est en tout état de cause pas établi, ni même allégué qu'à la date de la décision contestée, il bénéficiait d'un revenu moyen stable supérieur au SMIC. Dès lors, la préfète de la Seine-Maritime est fondée à soutenir devant la cour que le revenu mensuel de 1 075 euros ne permettait pas à l'intéressé de justifier de ressources suffisantes, au sens des dispositions des articles L. 411-5 et R. 411-4, pour subvenir au besoin de sa famille et que ce motif était de nature à justifier légalement la décision contestée au regard de ces dispositions.
6. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision contestée que la préfète de la Seine-Maritime a examiné la possibilité d'accorder à M. B... le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse, alors même que la condition de ressources prévue par les dispositions du 2° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'était pas remplie. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, la préfète de la Seine-Maritime n'a, dans ces conditions, pas commis d'erreur de droit en se croyant, à tort, en situation de compétence liée pour refuser de faire droit à la demande dont elle était saisie.
7. En troisième lieu, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'opposent à ce qu'une décision de l'autorité publique porte au droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi par la loi. Cependant, il ne résulte pas des termes de la décision contestée que la préfète de la Seine-Maritime se serait méprise sur la portée de ces stipulations.
8. En quatrième lieu, M. B...invoque ses propres liens avec la France, où il vit depuis l'âge d'un an, ainsi que la durée de son mariage, célébré le 28 décembre 2012, soit près de trois ans avant l'intervention de la décision contestée. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la garde alternée de l'enfant du requérant, né le 28 mars 2006 d'une précédente union et de nationalité française, ou la modicité de ses ressources l'empêcheraient de rendre régulièrement visite à son épouse au Maroc, où le mariage a été célébré. Il n'est pas davantage établi que la tentative d'autolyse de son épouse, en décembre 2014, serait liée à leur séparation, ni que celle-ci se trouverait isolée au Maroc et dépourvue du soutien de personnes proches. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, et alors même que le délai d'instruction de sa demande a été anormalement long, la décision du 4 décembre 2015 n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Cette décision n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce décrites aux points 5 et 7, la décision de refuser d'accorder à M. B... le bénéfice du regroupement familial en raison de l'insuffisance de ses ressources, alors que son revenu mensuel net n'est inférieur au SMIC que de 45 euros serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
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N°18DA00394