Par une requête, enregistrée le 15 mai 2018, le préfet de la Somme demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M.A....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-ivoirien du 21 septembre 1992 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant ivoirien né en 1991, est entré en France le 25 septembre 2008 muni d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ". Le 14 décembre 2017, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " étudiant ". Par un arrêté du 2 février 2018, le préfet de la Somme a refusé de délivrer le titre de séjour sollicité, a obligé l'intéressé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Le préfet de la Somme interjette appel du jugement du 2 mai 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 2 février 2018 et a enjoint au préfet de la Somme de réexaminer la situation de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
2. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". Aux termes de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 relative à la circulation et au séjour des personnes : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre Etat doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants. Ces dispositions ne font pas obstacle à la possibilité d'effectuer dans l'autre Etat d'autres types d'études ou de stages de formation dans les conditions prévues par la législation applicable ". Aux termes de l'article 10 de cette convention : " Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les ressortissants ivoiriens doivent posséder un titre de séjour. (...) Ces titres de séjour sont délivrés conformément à la législation de l'Etat d'accueil ". En outre, l'article 14 de la même convention stipule que : " Les points non traités par la convention en matière d'entrée et de séjour des étrangers sont régis par les législations respectives des deux États ". Aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " I.-La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France (...) ". Aux termes de l'article L. 311-7 alors en vigueur (abrogé au 1er novembre 2016) : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ".
3. Il résulte des stipulations précitées de l'article 14 de la convention franco-ivoirienne que l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux ressortissants ivoiriens désireux de poursuivre leurs études en France, dont la situation est régie par l'article 9 de cette convention. Par suite, l'arrêté contesté du 2 février 2018 ne pouvait être pris sur le fondement des dispositions précitées de cet article L. 313-7. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.
4. La décision de refus de renouvellement de titre de séjour " étudiant " contestée trouve son fondement légal dans les stipulations de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne susvisée relatif à l'admission au séjour des étudiants. Ces stipulations peuvent être substituées à celles du I de l'article L. 313-7 de ce même code dès lors que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver M. A...d'une garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'un ou l'autre de ces deux textes, et, enfin, que les parties, informées par lettre du greffe de la Cour de ce que cette dernière était susceptible de procéder d'office à cette substitution de base légale, ont été mises en mesure de produire leurs observations sur ce point. Il y a lieu de procéder à cette substitution de base légale.
5. Pour refuser de renouveler le titre de séjour de M.A..., le préfet de la Somme s'est fondé sur l'absence de poursuite d'études sérieuses de l'intéressé. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a obtenu une licence de droit en 2013, puis validé deux Master 1 " droit carrières juridiques " et " droit des affaires " respectivement au titre des années universitaires 2013/2014 et 2014/2015. Il a, ensuite, préparé le concours d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats, qu'il a passé deux fois en 2016 et 2017. Son échec l'a amené à passer divers concours d'écoles de commerce afin d'intégrer les formations spécialisées en droit des affaires qu'elles offraient. L'inscription de l'intéressé au Msc 1 Finance d'entreprise de l'Inseec ne traduit ainsi pas une réorientation disciplinaire mais a pour objectif l'intégration du Master 2 Fiscalité et Droit des affaires à vocation professionnelle, formation au demeurant reconnue par l'Education Nationale. Cette inscription, après un investissement tant personnel que financier important dans la préparation du CRFPA, traduit une continuité dans le parcours universitaire et professionnel de M. A..., qui ambitionne dorénavant de devenir juriste d'entreprise. Cette orientation s'inscrit ainsi dans la continuité de ses études, et est de nature à lui offrir des débouchés supplémentaires. En outre, les attestations circonstanciées versées au dossier dans le cadre des stages effectués en tant que juriste d'affaires, permettent d'attester d'une volonté de réussir dans ce domaine spécifique. Dans ces conditions, en refusant de renouveler la carte de séjour de l'intéressé, le préfet de la Somme a commis, dans les circonstances particulières de l'espèce, une erreur d'appréciation en estimant que les études poursuivies par l'intéressé ne pouvaient être regardées comme présentant un caractère réel et sérieux. Par suite, le préfet de la Somme a méconnu les stipulations de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Somme n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé son arrêté en date du 2 février 2018.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Somme est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de la Somme.
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N°18DA00972