Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 avril 2018, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen du 15 mars 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Rouen.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. La préfète de la Seine-Maritime interjette appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a, à la demande de MmeA..., ressortissante mauritanienne née le 30 décembre 1990, annulé son arrêté du 9 janvier 2018 obligeant l'intéressée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'accusé de réception de la décision de la Cour nationale du droit d'asile rejetant le recours présenté par Mme A...à la suite du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, que cette décision a été régulièrement notifiée à l'intéressée le 27 octobre 2017. Dès lors, la préfète de la Seine-Maritime pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, obliger Mme A...à quitter le territoire français. Dans ces conditions, la préfète de la Seine-Maritime est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour ce motif, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 9 janvier 2018.
3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...à l'encontre de l'arrêté attaqué devant le tribunal administratif de Rouen et devant la cour.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
4. Par un arrêté du 27 octobre 2017, régulièrement publié le 31 octobre 2017 au recueil des actes administratifs de la préfecture, la préfète de la Seine-Maritime a donné délégation à M. B... D..., directeur des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer, notamment, les obligations de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de cette décision ne peut qu'être écarté.
5. L'arrêté en litige comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. La préfète de la Seine-Maritime mentionne notamment que la demande d'asile de Mme A...a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 15 juin 2017, et par la Cour nationale du droit d'asile le 18 octobre 2017, qu'elle est divorcée, et qu'elle n'est pas isolée dans son pays d'origine où réside notamment son enfant. Par suite, et contrairement à ce que soutient MmeA..., la motivation de cet arrêté n'est pas stéréotypée. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime doit être écarté.
6. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande de reconnaissance de sa qualité de réfugié. Lorsqu'il sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection internationale, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, l'intéressé ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ainsi que l'indique le " Guide du demandeur d'asile en France " qui lui a été remis à l'occasion du dépôt de sa demande. Il lui appartenait, à l'occasion du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il jugeait utile, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'imposait pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire. Ainsi, la circonstance que Mme A... n'ait pas été invitée à formuler des observations avant l'édiction de la décision d'éloignement ne permet pas de la regarder comme ayant été privée de son droit à être entendu. Le moyen tiré de la méconnaissance de ce droit doit, dès lors, être écarté.
7. Il ressort des pièces du dossier que la préfète de la Seine-Maritime a pris en compte la situation personnelle et familiale de la requérante. Présente sur le territoire depuis un an à la date de l'arrêté en litige, Mme A...est divorcée, vit seule, sans charge de famille, et ne justifie pas d'une insertion sociale ou personnelle d'une particulière intensité. Elle n'établit pas être isolée dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans, et où réside son enfant, âgé de six ans à la date de la décision en litige. Elle n'établit par aucune pièce les allégations selon lesquelles elle serait en danger en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, compte tenu des conditions et de la durée de son séjour en France, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point précédent, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de Mme A... doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
9. Par un arrêté du 27 octobre 2017, régulièrement publié le 31 octobre 2017 au recueil des actes administratifs de la préfecture, la préfète de la Seine Maritime a donné délégation à M. B... D..., directeur des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer, notamment, les décisions fixant le pays de renvoi. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de cette décision ne peut qu'être écarté.
10. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée fixant le pays de renvoi comporte les éléments de droit qui en constituent le fondement, et vise notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La préfète de la Seine-Maritime mentionne en outre les refus dont la demande d'asile de Mme A...a fait l'objet de la part de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.
11. MmeA..., dont la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 15 juin 2017 que par la Cour nationale du droit d'asile le 18 octobre 2017, ne produit aucun élément probant permettant d'établir qu'elle encourrait personnellement et actuellement, en cas de retour dans son pays d'origine, des risques de la nature de ceux prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. En dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 : " Aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ". Le moyen tiré de la méconnaissance du 1 de l'article 33 de la convention de Genève n'est opérant à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi que tant qu'il n'a pas été statué par une décision passée en force de chose jugée sur le statut de réfugié.
13. La demande d'admission au statut de réfugié de Mme A...a été rejetée, ainsi qu'il a été dit précédemment, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 15 juin 2017 et par la Cour nationale du droit d'asile le 18 octobre 2017. De ce fait, à la date de la décision fixant la Mauritanie comme pays de renvoi, le statut de réfugié avait été refusé à l'intéressée par une décision définitive et Mme A...n'avait plus la qualité de demandeur d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 doit être écarté comme inopérant.
14. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des moyens soulevés par Mme A...devant le tribunal administratif de Rouen et devant la cour n'est fondé. Par voie de conséquence, la préfète de la Seine-Maritime est fondée à demander l'annulation du jugement du 15 mars 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen ainsi que le rejet de la demande de première instance de MmeA....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1800277 du 15 mars 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de Mme A...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C...A....
Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
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N°18DA00747