Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2017, les épouxI..., en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leurs enfants Enzo, Klara et Zélie, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Compiègne à leur verser à titre de provision une somme totale de 170 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2014, date de la demande préalable ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Compiègne une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,
- et les observations de Me B...E..., représentant les consorts I...et de Me D...F..., représentant le centre hospitalier de Compiègne.
Considérant ce qui suit :
1. Admise le 11 mars 2011 au centre hospitalier de Compiègne pour des contractions fortes et rapprochées, Mme I...a accouché le lendemain à 7h32, par césarienne, d'une petite fille, Zélie, qui a présenté à quatre heures de vie, des mouvements anormaux avec déviation de la tête et malaise justifiant une intubation, un traitement anti-convulsif et la réalisation d'un scanner puis d'une échographie trans-fontanellaire lesquels ont mis en évidence une thrombose veineuse du tissu cérébral compliquée d'une hémorragie thalamique et intraventriculaire, puis d'un infarctus parenchymateux. Les soins prodigués n'ont pas permis d'éviter les séquelles neurologiques très lourdes dont elle demeure affectée, caractérisées par une hémiplégie droite, une asymétrie faciale, une hypertonie du membre supérieur droit, un retard psychomoteur, des troubles de la statique vertébrale nécessitant le port d'un corset, et une hypotonie axiale persistante. Estimant l'accident vasculaire cérébral subi par leur fille causé par une faute commise par le centre hospitalier, qui n'a pas déclenché suffisamment tôt une césarienne malgré des signes d'acidose et des troubles pathologiques du rythme cardiaque foetal, Mme H...I...et M. A...I...ont saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) de Picardie laquelle a diligentée une expertise rendue le 1er octobre 2012. Par un avis du 5 décembre 2012, la commission a estimé que la responsabilité du centre hospitalier de Compiègne devait être engagée à l'égard des consorts I...à hauteur de 60 % des préjudices subis. Devant les refus successifs de l'assureur du centre hospitalier et de l'Office national d'indemnisation des accidents médiaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de leur proposer une indemnisation, les consorts I...ont saisi le tribunal administratif d'Amiens qui, par un jugement du 17 novembre 2016, a rejeté leur demande. C'est le jugement dont ils interjettent régulièrement appel.
2. Il n'est pas contesté en appel que, malgré l'anormalité observée dès 5h30 du rythme cardiaque foetale et l'impossibilité de procéder à la mesure du pH foetal, l'obstétricien de garde n'a été prévenu qu'à 6h30, occasionnant un retard de réalisation de la césarienne d'une heure trente. Ce retard est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Compiègne.
3. Cependant, il résulte de l'instruction que ni la CRCI, dans son avis du 5 décembre 2012, ni le collège d'experts, dans leur rapport remis le 1er octobre 2012, n'ont retenu l'existence d'un lien de causalité suffisamment direct entre la faute ainsi commise et l'accident vasculaire cérébral subi par Zélie après sa naissance, accident au demeurant extrêmement rare affectant une naissance sur 16 000 à 37 000 selon les études et dont l'origine est, dans la plupart des cas, inconnue. Les experts désignés par la CRCI se bornent à cet égard à relever que " le caractère exceptionnel de ces accidents vasculaires cérébraux néonataux par thrombose d'un sinus veineux cérébral ne permet pas de savoir avec certitude si l'accident vasculaire est la conséquence de la souffrance anténatale (cette dernière majorant le risque de survenue de l'accident vasculaire) ou si elle témoigne de la survenue in utero de l'accident vasculaire cérébral de Zélie ", reconnaissant ainsi l'impossibilité d'établir un lien même indirect entre la souffrance anténatale et l'accident vasculaire subi. La CRCI reprend à son compte l'allégation des experts, évoque la multiplicité des origines possibles de cet accident, et se borne à conclure à l'existence d'un lien de causalité entre la souffrance foetale et l'aggravation des conséquences de l'accident. Si, pour leur part, les consorts I...invoquent un rapport critique du Dr G...en date du 1er septembre 2015, selon lequel la situation d'acidose dans laquelle s'est trouvé le foetus en cours de travail a pu être à l'origine de l'anoxie du cerveau ayant entraîné les séquelles neurologiques de Zélie, les conclusions de ce rapport sont sérieusement contestées par trois notes rédigées, à la demande du centre hospitalier de Compiègne, par le docteurC..., dont la première a été adressée aux experts le 1er octobre 2012 à la suite d'une réunion du 18 septembre 2012 tenue dans le cadre des opérations d'expertise à laquelle il a participé, et qui confirment les incertitudes relevées tant dans le rapport d'expertise que dans l'avis de la CRCI. Il ressort de ces notes, documentées par une bibliographie, que les paramètres relevés dans le sang du cordon ombilical à la naissance témoignent d'une acidose respiratoire et non d'une acidose métabolique, ce qui est corroboré par la stabilité des bicarbonates et le caractère unilatéral des lésions cérébrales subies. L'acidose respiratoire, à la différence de l'acidose métabolique, ne reflète aucune " privation sévère en oxygène (anoxo-ischémie) des organes du foetus et en particulier son cerveau ". ce qui permet d'expliquer le bon état de l'enfant à la naissance comme en témoignent les scores d'Apgar parfaits relevés à une, cinq et dix minutes après la naissance, les notations différentes renseignées quelques jours plus tard dans le cadre de la prise en charge de Zélie par un autre centre hospitalier résultant d'une erreur de transcription, ainsi qu'il ressort de l'attestation du médecin annotateur, le docteurJ..., en date du 24 septembre 2012. Le docteur C...insiste d'autre part, sur le caractère " extrêmement médiocre " de " la valeur prédictive du rythme cardiaque foetale durant le travail ", l'occurrence d'infirmités motrices cérébrales à la suite d'un rythme cardiaque anormal étant d'une pour trois cents. Il résulte de ces conclusions, qui ne sont pas plus contestées par les consorts I...en appel qu'en première instance, que ni l'acidose respiratoire, ni l'anormalité du rythme cardiaque foetal ne peuvent être regardées comme constituant la cause suffisamment directe et certaine de l'accident vasculaire cérébral intervenu quelques heures après sa naissance, ni comme à l'origine d'une aggravation des séquelles subies, dès lors que le cerveau du foetus n'a jamais été en situation d'anoxie. Le retard de réalisation de la césarienne, bien que fautif, ne saurait ainsi être regardé comme à l'origine du dommage subi.
4. Il résulte de ce qui précède que les consorts I...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Compiègne à les indemniser des préjudices résultant de l'accident vasculaire cérébral subi par Zélie. Leurs conclusions doivent par suite être rejetées, ensemble celles de la CPAM de l'Oise, ainsi que par voie de conséquence les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des consorts I...et les conclusions de la CPAM de l'Oise sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H...I..., à M. A... I..., à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise et au centre hospitalier de Compiègne.
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N°17DA00138