Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 juin 2018, et des pièces complémentaires, enregistrées le 6 septembre 2018, M. A...E..., représenté par Me D...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet du Nord du 25 août 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois sous astreinte de 155 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à défaut, d'enjoindre au préfet du Nord de l'admettre provisoirement au séjour et de procéder au réexamen de sa situation sous astreinte de 155 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de son conseil la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et le Protocole III du 22 décembre 1985
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...E..., ressortissant algérien né le 18 juillet 1971 à Oran (Algérie), déclare être entré en France le 24 novembre 2014, accompagné de son épouse Madame B...F...et de ses enfants Yasmine et Mohamed, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour. Le 3 octobre 2016, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 25 août 2017, le préfet du Nord a refusé d'accorder à M. E... le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de l'éloignement. M. E...relève appel du jugement du 13 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable aux ressortissants algériens en l'absence de stipulations particulières de l'accord franco-algérien relatives à l'instruction de la demande des certificats de résidence : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé alors applicable : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) ".
3. Il ressort des dispositions citées au point 2 qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que le ressortissant algérien fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prises en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. Par un avis du 28 avril 2017, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. E...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il existait un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque.
5. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait considéré en situation de compétence liée au regard de cet avis. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
6. D'autre part, l'appelant soutient que la décision en litige est entachée d'une erreur de droit dès lors que le médecin de l'agence régionale de santé ne s'est pas prononcé sur la possibilité pour lui d'accéder de façon effective, en Algérie, au traitement requis par son état de santé. Toutefois, l'avis du médecin de l'agence régionale du Nord, du 28 avril 2017 a été émis dans les conditions fixées par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par l'arrêté du 9 novembre 2011 pris pour son application, applicables comme il a été dit aux ressortissants algériens, dès lors qu'elles concernent la procédure d'attribution des titres de séjour dont les règles ne sont pas fixées par l'accord franco-algérien. Ces dispositions n'imposent pas au médecin de l'agence régionale de santé de motiver son avis sur la capacité des ressortissants étrangers d'accéder effectivement aux soins dans leur pays d'origine. Ainsi, le préfet du Nord a pu régulièrement, sans vice de procédure ou erreur de droit, se référer à un tel avis pour prendre sa décision.
7. Enfin, si M. E...produit des certificats médicaux ainsi qu'un document émanant d'une pharmacie à Oran en Algéri, il ne ressort ni de ces pièces, peu circonstanciées et qui se bornent à indiquer, d'une part, que M. E...doit être suivi en France et, d'autre part, sans plus de précision, qu'il lui serait impossible de se soigner en Algérie ou que certains médicaments ne seraient pas disponibles dans une pharmacie située à Oran, ni d'aucune autre pièce du dossier que ces soins ne seraient pas accessibles à la généralité de la population en Algérie, ou que M. E...ne puisse effectivement accéder à ces soins existants dans son pays d'origine. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord aurait méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien citées au point 2 ou qu'il aurait commis une erreur d'appréciation.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit :/ (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. M. E...fait valoir qu'il est marié, père de quatre enfants mineurs, dont deux sont scolarisés en France, qu'il réside avec son épouse et ses enfants sur le territoire national depuis le 24 novembre 2014, qu'il y est bien intégré et que la plupart des membres de sa famille y résident. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. E...séjournait depuis moins de trois ans seulement sur le territoire français à la date de l'arrêté en litige et que son épouse, de même nationalité, est en situation irrégulière. Dès lors, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer en Algérie où sont au demeurant nés les deux aînés des enfants du couple, qui pourront y être scolarisés. En outre, si les attestations produites par l'appelant montrent que plusieurs membres de sa famille résident en France de manière stable et régulière, ces attestations ne sont pas de nature à établir une intensité particulière des liens établis par l'appelant sur le territoire national, et il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toute attache familiale en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante-trois ans. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de M.E..., l'arrêté du préfet du Nord n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ne méconnaît pas ainsi les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
10. Aux termes des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de l'arrêté en litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) ".
11. Ainsi qu'il a été dit au point 7, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E... ne pourrait effectivement accéder à un traitement approprié à sa pathologie en Algérie. De plus, les pièces médicales produites, en particulier l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 28 avril 2017, ne font pas apparaître une incapacité de M. E...à voyager sans risque à destination de l'Algérie à la date de l'arrêté en litige. Par suite, M. E...n'est pas fondé à soutenir qu'en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet du Nord a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me D...C....
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
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N°18DA01147
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