Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 octobre 2018 M. G...D..., représenté par Me E...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 mai 2018 par lequel le préfet de l'Oise lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, d'ordonner le réexamen de la situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de son avocat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., ressortissant pakistanais né en 1964, déclare être entré en France le 11 mai 2010. Il y a séjourné de 2013 à 2015 sous couvert de cartes de séjour temporaires délivrées sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 29 septembre 2016, devenu définitif, le préfet de l'Oise a refusé le renouvellement de ce titre de séjour. M D...a présenté une nouvelle demande de titre de séjour sur le même fondement le 20 juillet 2017. Par un arrêté du 29 mai 2018, le préfet de l'Oise lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D...relève appel du jugement du 19 septembre 2018, par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que se borne à alléguer M.D..., il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif d'Amiens, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a répondu aux moyens utilement soulevés en première instance. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait insuffisamment motivé sa décision ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué comporte un énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, permettant à l'intéressé de les contester. La circonstance qu'il ne mentionne ni précisément les cinq pathologies dont M. D...soutient être atteint, ni le fait qu'il ne pourrait pas voyager par avion, alors qu'il ressort des termes mêmes de cet arrêté que le préfet a entendu s'approprier les termes, qu'il rappelle, de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 9 mars 2018 précisant que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'un traitement approprié existe dans son pays d'origine, dont il peut bénéficier effectivement eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, cet avis relevant aussi que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine, n'est pas de nature à entacher cet arrêté d'un défaut de motivation. Par suite, le moyen doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen approfondi et approprié de la situation de M.D..., bien que l'arrêté attaqué ne mentionne ni précisément les cinq pathologies dont M. D...soutient être atteint, ni le fait qu'il ne pourrait pas voyager par avion, alors que, ainsi qu'il a été dit au point 3, le préfet a entendu s'approprier les termes de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 9 mars 2018. Il en va de même de la circonstance tirée de ce que l'arrêté en litige ne mentionne pas que ses neveux et nièces résident en France alors qu'il a mentionné la présence en France de leur mère. Par suite, le moyen doit être écarté.
5. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...). ". En outre, aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".
6. D'autre part, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...) " . Aux termes de l'article 5 de cet arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) " et aux termes de l'article 6 de cet arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) ".
7. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires, doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un accès effectif au traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
8. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer à M. D...un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de l'Oise s'est notamment fondé sur l'avis du 9 mars 2018 rendu par le collège médical du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration précisant que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'un traitement approprié existe dans son pays d'origine, dont il peut bénéficier effectivement eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contester cet avis, l'appelant s'appuie de nouveau sur des certificats médicaux des 16 octobre 2017 et 5 juin 2018 du docteur B...H..., son médecin généraliste, faisant état des diverses pathologies dont il est atteint, pour lesquelles il bénéficie d'un suivi médical régulier en France, dont le second mentionne que son traitement n'est pas disponible au Pakistan, et à produire des pièces qui se bornent à décrire en des termes généraux la situation sanitaire dans ce pays, sans exposer de manière circonstanciée à quels soins ou à quels médicaments il n'aurait pas effectivement accès dans son pays d'origine, afin de bénéficier d'un traitement approprié pour les affections donc il est atteint. S'il ressort aussi des pièces produites en cause d'appel, notamment du certificat médical du docteur C...F..., praticien hospitalier, du 21 septembre 2018, que M. D...a été hospitalisé dans le service de neurologie du 15 septembre au 21 septembre 2018, circonstance au demeurant postérieure à la date de l'arrêté attaqué, pour récidive de crise d'épilepsie qui nécessite un suivi neurologique spécialisé en France et qu'il a d'autre part une plaie chronique du pied droit nécessitant une surveillance en consultation d'orthopédie, ces pièces ne comportent aucun commencement d'explication sur les raisons pour lesquelles la prise en charge des affections dont est atteint M. D...ne pourrait être assurée au Pakistan. Dans ces conditions, les pièces communiquées par M. D...ne permettent pas de remettre en cause les conclusions de l'avis mentionné ci-dessus rendu par le collège médical du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par ailleurs, il ne ressort pas non plus des autres pièces du dossier que M. D...ne pourrait pas effectivement avoir accès aux soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. En quatrième lieu, pour les motifs exposés au point 8, le moyen tiré de ce que le renvoi de M. D... au Pakistan mettrait en péril sa santé et sa vie, en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en vertu duquel " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " doit être écarté.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". M. D... déclare être entrée en France le 11 mai 2010 et fait valoir qu'il vit depuis cette date sur le territoire français, que sa soeur vit en France sous l'empire d'une carte de résident de dix ans avec son époux et ses enfants, qu'il a été reconnu comme personne handicapée et qu'il bénéficie à ce titre d'une allocation pour adulte handicapé depuis 2015. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. D...s'est maintenu en situation irrégulière après la notification d'un précédent refus de renouvellement de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français du 29 septembre 2016 à l'exécution de laquelle il s'est soustrait. Il ressort également des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français et qu'il ne justifie pas d'une insertion sociale ou professionnelle particulière, alors qu'il a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante-six ans au Pakistan où il n'établit pas ne plus avoir d'attaches familiales. Enfin, pour les motifs exposés au point 8, il ne ressort pas non plus des autres pièces du dossier que M. D...ne pourrait pas effectivement avoir accès aux soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué ait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le préfet de l'Oise ait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M.D.... Par suite, les moyens invoqués doivent être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...D..., au ministre de l'intérieur et à Me E...A....
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Oise.
N°18DA02122 6