Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mai 2018, le préfet du Nord, représenté par Me A...E..., demande à la cour d'annuler ce jugement.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...B..., né le 1er janvier 1993, de nationalité irakienne, entré irrégulièrement en France a, le 4 décembre 2017, demandé l'asile auprès du préfet du Nord. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que les empreintes digitales de l'intéressé avaient été enregistrées en Bulgarie le 17 octobre 2015, aux Pays-Bas le 7 novembre 2015 et en Allemagne le 25 septembre 2017. Le préfet du Nord a saisi les autorités bulgares, néerlandaises et allemandes d'une demande de reprise en charge, en application du b du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Les autorités bulgares ont donné un accord exprès à cette reprise en charge le 11 décembre 2017. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 16 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 7 mars 2018 ordonnant le transfert de M. B...B...aux autorités bulgares et son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Sur les motifs d'annulation retenus par le magistrat désigné :
En ce qui concerne le motif tiré du défaut de motivation :
2. D'une part, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. (...) ". Aux termes de l'article 7 de ce règlement : " 1. Les critères de détermination de l'Etat membre responsable s'appliquent dans l'ordre dans lequel ils sont présentés dans le présent chapitre. 2. La détermination de l'Etat membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un Etat membre.(...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 26 du même règlement : " 1. Lorsque l'Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'Etat membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'Etat membre responsable (...) ". Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ". Pour être suffisamment motivée, afin de mettre l'intéressé à même de critiquer, notamment, l'application du critère de détermination de l'Etat responsable de sa demande et, ainsi, d'exercer le droit à un recours effectif garanti par les dispositions de l'article 27 du règlement du 26 juin 2013, éclairées par son considérant 19, la décision de transfert doit permettre d'identifier le critère de responsabilité retenu par l'autorité administrative parmi ceux énoncés au chapitre III ou, à défaut, au paragraphe 2 de l'article 3 du règlement et, le cas échéant, faire apparaître les éléments pris en considération par l'administration pour appliquer l'ordre de priorité établi entre ces critères, en vertu des articles 7 et 3 du même règlement.
4. L'arrêté du 7 mars 2018 en litige vise notamment l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, après avoir précisé les circonstances de l'entrée et du séjour irréguliers de M. B...B...sur le territoire français. Il énonce que la consultation du système Eurodac a révélé que les empreintes digitales de l'intéressé avaient été enregistrées en Bulgarie le 17 octobre 2015, aux Pays-Bas le 7 novembre 2015 et en Allemagne le 25 septembre 2017, et que les autorités bulgares, néerlandaises et allemandes ont été saisies le 4 décembre 2017 d'une demande de reprise en charge, en application du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. L'arrêté contesté précise également que les autorités néerlandaises et allemandes ont refusé la reprise en charge de l'intéressé et que les autorités bulgares ont fait connaître leur accord explicite le 11 décembre 2017. Ces motifs permettent d'identifier le critère prévu par le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dont le préfet du Nord a entendu faire application pour désigner la Bulgarie comme le pays vers lequel M. B...B...pourra être transféré. Par suite, les motifs figurant dans l'arrêté contesté sont suffisamment précis pour permettre à l'intéressé de bénéficier du recours effectif visé au paragraphe 1 de l'article 27 du règlement, et comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision de transfert en litige qui est ainsi suffisamment motivée. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a annulé, pour ce premier motif, la décision en litige.
En ce qui concerne le motif tiré de l'erreur de fait :
5. D'autre part, aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/20136 du 26 juin 2013 : " Obligations de l'Etat membre responsable 1. L'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre ; (...) Dans les cas relevant du champ d'application du paragraphe l, points a) et b), l'Etat membre responsable est tenu d'examiner la demande de protection internationale présentée par le demandeur ou de mener à son terme l'examen ". Aux termes de l'article 20 du même règlement : " 5. L'Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite pour la première fois est tenu, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, et en vue d'achever le processus de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale, de reprendre en charge le demandeur qui se trouve dans un autre Etat membre sans titre de séjour ou qui y introduit une demande de protection internationale après avoir retiré sa première demande présentée dans un autre Etat membre pendant le processus de détermination de l'Etat membre responsable ". Aux termes de l'article 23 du même règlement : " 1. Lorsqu'un Etat membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre Etat membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre Etat membre aux fins de reprise en charge de cette personne. (...) ". Aux termes de l'article 25 du même règlement : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout Etat de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ".
6. Il ressort des pièces du dossier, notamment des termes mêmes de la décision en litige, que pour décider de transférer M. B...B...aux autorités bulgares, le préfet du Nord s'est notamment fondé sur le fait que les empreintes digitales de l'intéressé ont été enregistrées en Bulgarie le 17 octobre 2015, aux Pays-Bas le 7 novembre 2015 et en Allemagne le 25 septembre 2017, que les autorités néerlandaises saisies le 4 décembre 2017 d'une demande de reprise en charge sur le fondement des dispositions citées au point 5 ont rejeté cette demande le 13 décembre 2017, que les autorités allemandes saisies le 4 décembre 2017 d'une même demande l'ont rejetée le 7 décembre 2017, et que les autorités bulgares saisies le 4 décembre 2017 d'une même demande l'ont acceptée le 11 décembre 2017. Toutefois, si les autorités néerlandaises ont bien été saisies le 4 décembre 2017 d'une demande de reprise en charge ainsi qu'en atteste l'accusé réception de cette demande, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles auraient expressément répondu à cette demande. Dès lors, en l'absence de réponse dans le délai fixé par l'article 25 du règlement n° 604/2013 cité au point précédent, échu à la date de l'arrêté en litige, les autorités néerlandaises doivent être regardées comme ayant implicitement accepté cette reprise en charge. Dès lors, en se fondant sur le refus explicite des autorités néerlandaises alors que ces mêmes autorités avaient implicitement accepté la demande de reprise en charge dont il les avait saisies, le préfet du Nord a commis une erreur de fait. Il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, qu'à la date de l'arrêté en litige, le préfet du Nord avait obtenu des autorités bulgares un accord exprès de reprise en charge de M. B... B...sur le fondement du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement du 26 juin 2013 cité au point 5. Il résulte de l'instruction que M. B...B...est majeur, célibataire, sans enfant et ne fait état d'aucune attache personnelle ou familiale au Pays-Bas, d'aucun titre de séjour ou visa qui lui permettrait d'y séjourner, ni d'aucun autre critère permettant de désigner les Pays-Bas comme Etat responsable de l'examen de sa demande de protection internationale parmi ceux énumérés dans le chapitre III du règlement du 26 juin 2013. Contrairement à ce que soutient M. B... B..., il ne résulte pas non plus de l'instruction que les Pays-Bas auraient décidé, sur le fondement de l'article 17 du règlement, d'examiner la demande de protection internationale de M. B... B...même si cet examen ne leur incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement alors que leur accord est simplement tacite, ainsi qu'il a été dit. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet du Nord aurait méconnu les stipulations du règlement du 26 juin 2013 en désignant la Bulgarie, premier Etat-membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite par M. B... B..., comme Etat-membre responsable de l'examen de sa demande d'asile en application du paragraphe 2 de l'article 3 de ce règlement cité au point 2. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction que le préfet du Nord aurait pris la même décision en ne tenant compte que de l'accord exprès de la Bulgarie du 11 décembre 2017, sans commettre l'erreur de fait précitée.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur les motifs tirés d'un défaut de motivation et d'une erreur de fait pour annuler l'arrêté en date du 7 mars 2018 par lequel le préfet du Nord a décidé le transfert de M. B...B...aux autorités bulgares et l'a assigné à résidence.
8. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...B...tant devant le tribunal administratif de Lille que devant la cour.
Sur les autres moyens soulevés par M. B...B... :
En ce qui concerne le moyen commun aux deux décisions :
9. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par un arrêté du 7 février 2018, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs n° 29 de la préfecture, le préfet du Nord a donné à M. H... F..., directeur de l'immigration et de l'intégration, délégation pour signer, en particulier, les " décisions de transfert d'un étranger en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ", ainsi que les " décisions d'assignation à résidence, en application des articles L. 561-1 à L. 561-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ", mentionnées respectivement aux paragraphes 7 et 17 de l'article 1er de cet arrêté. L'article 11 du même arrêté prévoit : " Délégation de signature est donnée à Mme D...G..., attachée principale d'administration de l'Etat, cheffe du bureau de l'asile, pour les décisions mentionnées aux articles (...) 6 à 26 (...). ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige manque en fait et doit être écarté.
En ce qui concerne la décision de transfert :
10. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et en tout état de cause en temps utile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend.
11. Il ressort des pièces du dossier que, le 4 décembre 2017, les deux brochures d'information A " j'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", ont été remises à M. B... B...en langue kurde sorani et que le guide d'accueil du demandeur d'asile lui a également été remis le même jour en langue arabe à défaut de traduction officielle en langue kurde sorani. Il ressort également des pièces du dossier que M. B...B...a attesté lire et comprendre tant le kurde sorani que l'arabe. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations mentionnées au point 10 à défaut de remise des brochures et guide dans une langue qu'il comprend manque en fait et doit être écarté.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) ". Il ressort des pièces du dossier que M. B...B...a bénéficié d'un entretien individuel le 4 décembre 2017 dans des conditions garantissant la confidentialité, qui s'est déroulé en langue kurde sorani avec l'assistance d'un interprète, et à l'occasion duquel il a pu être vérifié qu'il avait correctement compris les informations dont il devait avoir connaissance, notamment le fait que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Bulgarie, puis aux Pays-Bas et en Allemagne et que l'entretien s'inscrivait dans un processus de détermination de l'Etat membre de l'Union européenne responsable de l'examen de sa demande d'asile. M. B...B...a, en outre, disposé d'un délai raisonnable pour apprécier en toute connaissance de cause la portée de ces informations avant le 7 mars 2018, date à laquelle le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités bulgares, et de la possibilité de formuler des observations. Dans ces conditions, M. B...B...n'est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées de l'article 5 du règlement auraient été méconnues. Par suite, le moyen doit être écarté.
13. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de la situation personnelle de M. B...B.générales Par suite, le moyen doit être écarté.
14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable ". Aux termes des dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Le système européen commun d'asile a été conçu de telle sorte qu'il est permis de supposer que l'ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux. Ainsi, il est présumé que la Bulgarie, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, assure un traitement des demandeurs d'asile respectueux de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cependant, cette présomption peut être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte.
15. Si le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) a demandé en janvier 2014 la suspension temporaire des réadmissions vers la Bulgarie, il est constant que le HCR ne recommande plus, depuis le mois d'avril 2014, cette suspension mais seulement que les Etats s'assurent que la remise de l'étranger aux autorités bulgares s'avère compatible avec la protection des droits fondamentaux. Si le Haut commissaire des Nations-Unies pour les droits de l'homme a exprimé, le 11 août 2016, des inquiétudes sérieuses concernant le fait que les personnes entrant de manière irrégulière en Bulgarie sont sujettes à la détention, après deux visites de son équipe en Bulgarie au cours des huit derniers mois, révélant des politiques et pratiques inquiétantes concernant les migrants et les réfugiés, ainsi que des conditions dégradantes de vie dans certaines enceintes pour migrants, les critiques ainsi formulées demeurent.générales Les autres éléments invoqués par l'appelant ne permettent pas de tenir pour établis les risques allégués de traitements inhumains et dégradants dans ce pays à l'endroit des demandeurs d'asile à la date de la décision contestée, ni l'atteinte qui serait portée au droit d'asile et l'absence d'examen des demandes d'asile dans le respect des garanties exigées par les conventions internationales. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...B...aurait personnellement fait preuve de mauvais traitements lors de l'examen de la demande d'asile qu'il a présentée en Bulgarie. Ainsi, il n'apparaît pas qu'il y aurait eu, à la date de la décision contestée, de sérieuses raisons de croire qu'il existait en Bulgarie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile entraînant un risque de traitement inhumain ou dégradant. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce qu'il se borne à alléguer, que M. B...B...serait exposé, en cas de transfert vers la Bulgarie, à un risque de reconduite en Irak sans examen de sa demande d'asile. M. B...B...n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision de le transférer aux autorités de cet Etat serait contraire aux dispositions et stipulations citées au point précédent.
16. En cinquième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par ces dispositions, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement du 26 juin 2013, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. M. B...B...ne fait état d'aucune circonstance qui justifierait que la France examine sa demande de protection internationale alors même que son examen ne lui incombe pas. Ainsi qu'il a été dit aux points 14 et 15, il n'est pas établi que les autorités bulgares pourraient ne pas procéder à un examen sérieux et attentif de sa demande d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ferait l'objet, de la part des autorités bulgares, d'une mesure d'éloignement à destination de son pays d'origine, ni que, en pareil cas, il ne disposerait pas d'une voie de recours effective contre cette mesure. Dès lors, M. B...B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées ainsi, en tout état de cause, que des dispositions de l'article 53-1 de la Constitution, en ne faisant pas usage de la faculté qu'elles ouvrent de procéder à l'examen de sa demande d'asile. Par suite, le moyen doit être écarté.
17. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un jugement n° 1800208 du 16 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé un premier arrêté du Préfet du Nord du 8 janvier 2018 décidant du transfert de M. B...B...vers la Bulgarie au motif d'un défaut de motivation de cette décision. L'autorité de la chose jugée qui s'attache au dispositif de ce jugement et au motif qui en est le soutien nécessaire ne faisait pas obstacle à ce que le préfet du Nord, après avoir procédé à un nouvel examen de la situation de M. B... B..., prenne à nouveau à son encontre une décision de transfert aux autorités bulgares, laquelle est au demeurant suffisamment motivée ainsi qu'il a été dit au point 2. Par suite, le moyen doit être écarté.
18. En septième lieu, s'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'annulation de son premier arrêté par le jugement du 16 janvier 2018 mentionné au point 17, le préfet du Nord a convoqué le 21 février 2018 M. B...B...à un nouvel entretien, lequel s'est tenu le 7 mars 2018, afin de procéder au réexamen de sa situation compte tenu du motif d'annulation retenu par le jugement du 16 janvier 2018, et dès lors qu'un entretien régulier s'était déjà tenu le 4 décembre 2017 sur le fondement des dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi qu'il a été dit aux points 10 à 12, le préfet du Nord n'était pas tenu de mener un nouvel entretien individuel avec M. B...B...sur le fondement de ces mêmes dispositions. Par suite, cet entretien n'avait pas à faire l'objet du résumé prévu par ces dispositions contrairement à ce que soutient M. B... B.générales Il suit de là que le moyen doit être écarté.
19. En huitième lieu, contrairement à ce qu'allègue M. B...B..., la décision contestée mentionne la date du 11 décembre 2017 comme étant la date de l'accord exprès à sa reprise en charge par les autorités bulgares. En outre, pour les motifs énoncés aux points 5 et 6 et dès lors que la Bulgarie doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de M. B...B..., la circonstance que cette décision n'indiquerait pas la date à laquelle l'accord tacite des Pays-Bas est intervenue en application du paragraphe 2 de l'article 25 du règlement du 26 juin 2013 est sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
20. Il résulte de ce qui précède que M. B...B...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant transfert vers la Bulgarie est illégale.
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
21. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 20, que M. B... B...n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision de transfert. Par suite, le moyen doit être écarté.
22. En second lieu, le I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet à l'autorité administrative de " prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable ", notamment lorsque cet étranger fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 de ce code. L'avant-dernier alinéa de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui s'applique aux assignations à résidence prononcées en application de l'article L. 561-2 en vertu du neuvième alinéa de ce même article dispose que : " L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Il doit également se présenter, lorsque l'autorité administrative le lui demande, aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage. (...) L'autorité administrative peut prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité dans les conditions prévues à l'article L. 611-2 (...) ". L'article R. 561-2 du même code précise que : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ". Le deuxième alinéa de cet article prévoit également que, dans certains cas, notamment lorsque le comportement de l'étranger ayant fait l'objet d'une mesure de transfert en application de l'article L. 742-3 constitue une menace pour l'ordre public, l'autorité administrative peut " désigner à l'étranger une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il est assigné à résidence, dans la limite de dix heures consécutives par vingt-quatre heures ".
23. Il ressort de ces dispositions qu'une mesure d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile consiste, pour l'autorité administrative qui la prononce, à déterminer un périmètre que l'étranger ne peut quitter et au sein duquel il est autorisé à circuler et, afin de s'assurer du respect de cette obligation, à lui imposer de se présenter, selon une périodicité déterminée, aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Une telle mesure n'a pas, en dehors des hypothèses où elle inclut une astreinte à domicile pour une durée limitée, pour effet d'obliger celui qui en fait l'objet à demeurer à son domicile. Dès lors, les décisions par lesquelles le préfet assigne à résidence, sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les étrangers faisant l'objet d'une mesure de transfert en application de l'article L. 742-3 du même code peuvent être prononcées à l'égard des étrangers qui ne disposent que d'une simple domiciliation postale. L'indication, dans de telles décisions, d'une adresse qui correspond uniquement à une domiciliation postale ne saurait imposer à l'intéressé de demeurer à cette adresse.
24. Il résulte de ce qui précède que les articles 3 et 4 de l'arrêté en litige doivent être regardés comme assignant M. B...B...à résidence dans l'arrondissement de Douai pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable une fois et qu'il ne peut quitter, sans autorisation, les limites de cet arrondissement, sauf pour se rendre aux convocations de l'administration. La mesure n'a pas pour effet de lui imposer de demeurer à l'adresse postale indiquée par le préfet du Nord dans l'arrêté en litige. En outre, si M. B...B...fait valoir qu'il était hébergé, à la date de l'arrêté en litige, au 85 rue de la paix, appartement 112, résidence La brasserie à Sin-le-Noble, il est constant que cette commune est également située dans l'arrondissement de Douai. Par suite, il résulte de l'instruction que le préfet du Nord aurait pris la même décision en retenant cette adresse d'hébergement en lieu et place de l'adresse postale précitée. Dès lors, le moyen tiré de ce que M. B... B...n'aurait pu légalement être assigné à résidence à une adresse qui ne constitue pas une résidence stable mais une simple boîte postale et celui tiré de l'erreur de fait doivent être écartés.
25. Il résulte de ce qui précède que M. B...B...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant assignation à résidence est illégale.
26. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 7 mars 2018.
27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... B..., dont il ne ressort au demeurant pas des pièces du dossier qu'il aurait été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens au bénéfice de son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 16 mars 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...B...devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions présentées en appel sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. I...B...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
N°18DA01053 2