Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 février 2017, la commune de Frévent, représentée par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Lille ;
3°) de mettre à la charge de Mme B...la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me E...H..., représentant la commune de Frévent, et de Me D...F..., représentant Mme C...B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...a été engagée en qualité d'agent non-titulaire, par contrat du 4 septembre 2013, pour une durée d'un an, afin d'exercer les fonctions de directrice générale des services de la commune de Frévent. Ce contrat a été renouvelé, pour une durée d'un an, par un contrat du 13 août 2014. Par un contrat du 6 août 2015, elle a ensuite été engagée à temps complet pour une durée de trois ans en tant que directrice du pôle service à la population à compter du 10 septembre 2015. Par un arrêté du 9 février 2016, Mme B...a été licenciée sans préavis ni indemnité de licenciement à compter du 1er mars 2016. La commune de Frévent relève appel du jugement du 13 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 36-1 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. (...) ".
3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
4. Il ressort des pièces du dossier que pour prononcer la sanction de licenciement sans préavis ni indemnité à l'encontre de Mme B...par l'arrêté du 9 février 2016 en litige, le maire de la commune de Frévent a retenu quatre séries de griefs à son encontre.
5. En premier lieu, il est reproché à Mme B...d'avoir " commis durant plusieurs mois des agissements répétés sur la personne d'un agent de la collectivité ayant entraîné une dégradation de ses conditions de travail et de graves répercussions sur son état de santé ". Toutefois, pour établir ces faits imputés à Mme B...à l'encontre d'un agent, qui serait Mme G...A..., responsable des ressources humaines, la commune de Frévent se borne à s'appuyer sur deux attestations de cette dernière, qui ne sont corroborées que par deux lettres d'une représentante syndicale du 24 juillet 2015 et du mois de septembre 2015, dont seule la seconde impute à Mme B... des faits de " copinage, discrimination politique, personnelle, humiliation, dénigrement " à l'encontre de MmeA.... En revanche, le courrier du médecin du travail du 13 août 2015, s'il alerte le maire de la commune sur l'état de santé de MmeA..., ne fait pas mention de ce que Mme B... serait à l'origine de cet état. En outre, il ressort également des pièces du dossier que le maire lui-même n'était pas exempt de critiques de la part de Mme A...et que, réciproquement, il a adressé au moins à deux reprises, par des lettres du 20 juillet et 5 août 2015, des reproches à Mme A... sur sa manière de servir, en faisant référence à son manque de professionnalisme et de rigueur nuisant au bon fonctionnement du service, et sans faire allusion à des faits pouvant être reprochés à Mme B...à l'égard de Mme A.... En outre, aucun autre agent de la commune n'a attesté ni même relaté des agissements répétés de Mme B...envers MmeA..., alors au demeurant qu'un agent directement placé sous l'autorité de cette dernière fait état, au contraire, de difficultés récurrentes qu'il estime à l'origine d'une dégradation de ses conditions de travail. Enfin, il ressort des pièces du dossier que, malgré les agissements reprochés à Mme B...à l'égard de MmeA..., qui auraient débuté au cours du second semestre 2014, le maire a tout de même renouvelé le contrat de Mme B...le 6 août 2015, pour une durée de trois ans. Par suite, les seules attestations de Mme A... elle-même et de la représentante syndicale qui l'a assistée, lors d'entretiens en mairie, ne sont pas de nature à établir, à elles seules, en l'absence notamment de tout autre témoignage, en particulier des autres agents de la commune, la matérialité de la première série de griefs reprochés à Mme B...sur lesquels se fonde l'arrêté en litige.
6. En deuxième lieu, il est reproché à Mme B...d'avoir " tenu des propos outranciers et agressifs à l'égard de Monsieur le maire de la commune de Frévent, le 5 novembre 2015, au sein de la mairie, en présence des agents et de certains usagers, de nature à porter gravement atteinte à l'autorité de l'administration communale, à jeter le discrédit sur le bon fonctionnement du service et constituant également un manquement à l'obligation pour tout agent public de respecter sa hiérarchie ". Il ressort des pièces du dossier, en particulier des nombreux témoignages produits par les parties, que s'il est constant que, le 5 novembre 2015, une vive altercation a opposé Mme B... au maire de la commune, les témoins de la scène divergent quant aux circonstances précises de celle-ci et aux propos exacts tenus par MmeB.... Les attestations produites s'accordent, toutefois, pour faire état de propos irrespectueux tenus par Mme B... à l'égard du maire dans le feu de la discussion, et de la circonstance que ces propos ont été entendus par plusieurs agents et quelques usagers. Il n'en ressort néanmoins ni que ces mêmes propos aient revêtu un caractère outrancier ou agressif, ni qu'ils aient été de nature à porter gravement atteinte à l'autorité communale. Il suit de là que seule la tenue de propos irrespectueux à l'égard du maire le 5 novembre 2015, de nature à constituer un manquement au respect hiérarchique, peut être reprochée à Mme B....
7. En troisième lieu, il est reproché à Mme B...d'avoir " proféré à plusieurs reprises des menaces graves ainsi que des dénonciations calomnieuses à l'encontre de Monsieur le maire de la commune de Frévent, par divers courriers électroniques diffusés à l'ensemble du conseil municipal ainsi qu'à des personnes extérieures à la collectivité, manquant par conséquent gravement à son devoir de réserve ". Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'altercation du 5 novembre 2015 précitée, les relations avec sa hiérarchie continuant à se dégrader, Mme B...a, par trois courriels émis le 17 décembre 2015, le 30 décembre 2015 et fin décembre 2015, directement mis en cause le maire de la commune et l'a accusé d'abuser de sa fonction à son égard, notamment en la privant des moyens nécessaires pour remplir ses attributions, en faisant usage de caméras de surveillance à des fins autres que celles qui leur sont assignées, et en faisant diligenter une enquête sur la vie privée et professionnelle de son conjoint. Sans pour autant contenir des menaces directes, le contenu de ces courriels et de leurs pièces jointes excède les propos qui peuvent légitimement être attendus d'un agent public exerçant des fonctions de direction, tenu à un devoir de réserve à l'égard de son supérieur hiérarchique. En outre, s'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces courriels aient été adressés ou portés à la connaissance de personnes extérieures à la collectivité comme le relève l'arrêté en litige, il est constant qu'ils ont été diffusés à l'ensemble des membres du conseil municipal. Par suite, la matérialité de ces faits reprochés à MmeB..., qui constituent un manquement au devoir de réserve, est aussi établie.
8. En dernier lieu, il est reproché à Mme B...d'avoir " manqué à son devoir d'obéissance hiérarchique et de subordination " en pratiquant une " rétention d'informations pouvant avoir des retentissements considérables sur le bon fonctionnement du service et la prise de décisions sans la consultation et l'accord préalable de Monsieur le maire ". D'une part, si la commune de Frévent produit des échanges de courriels entre la direction générale des finances publiques et Mme B... au cours de l'été 2015, sur des dysfonctionnements de la régie de restauration scolaire, ces pièces n'établissent, ni que le maire aurait été volontairement tenu dans l'ignorance de ces dysfonctionnements, ni, surtout, que ceux-ci aient eu des conséquences significatives sur le fonctionnement du service de la régie, alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'erreur de 4 euros, commise par l'agent qui substituait temporairement la responsable des ressources humaines en l'absence de cette dernière, a été régularisée à la fin de l'année 2015. D'autre part, s'il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune de Frévent n'aurait pas été informé de l'affectation d'un autre agent de la commune, cette absence d'information étant d'ailleurs principalement à l'origine de l'altercation du 5 novembre 2015 précitée, cette seule circonstance ne saurait caractériser un manquement au devoir d'obéissance et de subordination compte tenu des fonctions occupées par Mme B... qui n'impliquaient pas qu'elle informe le maire de tout élément. Par suite, les faits ainsi reprochés ne sont pas établis.
9. Il ressort de l'ensemble ce qui précède que Mme B...a commis des fautes résultant seulement d'un manquement au respect hiérarchique et au devoir de réserve dans la mesure exposée respectivement aux points 6 et 7, et que ces fautes sont de nature à justifier une sanction.
10. Toutefois, compte tenu de la nature de ces fautes, et du fait qu'aucun reproche fondé, avant l'altercation du 5 novembre 2015 et ses suites, ne peut être imputé à MmeB..., et alors que les faits qui lui sont ainsi reprochés sont au demeurant intervenus dans un contexte particulier de campagne électorale du maire pour la fonction de conseiller régional et d'élection récente de Mme B... en qualité de conseillère départementale en mars 2015, il ressort des pièces du dossier que la sanction que lui inflige l'arrêté en litige, la plus lourde sur l'échelle définie par les dispositions de l'article 36-1 du décret du 15 février 1988 citées au point 2, n'est pas proportionnée à la gravité de ces fautes.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Frévent n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 9 février 2016 en litige.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeB..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que réclame la commune de Frévent au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Frévent la somme de 1 500 euros à verser à Mme B...au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Frévent est rejetée.
Article 2 : La commune de Frévent versera à Mme B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Frévent et à Mme C...B....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
N°17DA00271 2