Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 mars 2018, Mme F...A..., représentée par Me C...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté préfectoral ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Manche de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., de nationalité ivoirienne née le 14 février 1982, relève appel du jugement du 20 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 janvier 2018 par lequel le préfet de la Manche l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de l'éloignement.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, le droit d'être entendu, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la Charte des droits fondamentaux, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
3. Si Mme A...soutient que la décision en litige méconnaît le principe rappelé au point 2, dès lors qu'elle n'a pu informer l'administration de sa situation familiale, il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment du procès-verbal du 11 janvier 2018 dressé à 14 h par un agent de police judiciaire, que Mme A...a pu faire valoir ses observations orales et, notamment, le fait qu'elle a conclu un pacte civil de solidarité avec M. B...E...au palais de justice d'Evreux le 7 février 2017. Dès lors, le moyen manque en fait et doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Manche, qui a pris en compte le fait que Mme A...a conclu un pacte civil de solidarité ainsi qu'il résulte des termes mêmes de la décision attaquée, n'aurait pas procédé à un examen particulier et sérieux de la situation personnelle de MmeA.... Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Mme A...déclare être entrée en France en 2015 et se prévaut de sa bonne intégration dans la ville dans laquelle elle réside, du fait qu'elle ne constitue pas une menace pour l'ordre public, de la relation de concubinage qu'elle entretient avec un ressortissant français depuis cette date, et du pacte civil de solidarité conclu avec celui-ci le 7 février 2017. Toutefois, nonobstant cette relation, au demeurant récente à la date de la décision attaquée, il ressort des pièces du dossier que Mme A...est sans charge de famille sur le territoire français, qu'elle n'a entrepris aucune démarche pour régulariser sa situation depuis son arrivée en France, et qu'elle ne justifie d'aucune intégration professionnelle ou sociale d'une particulière intensité malgré les quelques activités associatives dont elle fait état. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A...serait dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans. Dans ces conditions, la décision en litige n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A...une atteinte disproportionnée et, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
7. En quatrième lieu, aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".
8. Pour les motifs énoncés au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A..., qui n'a au demeurant pas déposé de demande de titre de séjour depuis son arrivée en France, devrait se voir délivrer un titre de séjour de plein droit en application de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit, en tout état de cause, être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.
Sur la décision fixant le pays de destination :
10. En premier lieu, la décision en litige énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par conséquent, elle est suffisamment motivée.
11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 9 que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, Mme A...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination de l'éloignement.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'allégation selon laquelle Mme A...serait exposée à des risques personnels, directs et actuels qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine n'est pas suffisamment étayée, Mme A...ne produisant aucune pièce à ce sujet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
13. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 10 à 12, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination de l'éloignement est illégale.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 janvier 2018 par lequel le préfet de la Manche l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de l'éloignement. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet de la Manche.
N°18DA00601 2