Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mars 2016, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 2 février 2016 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions des 6 janvier 2014 et 15 mai 2013 en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le décret n° 2008-952 du 12 septembre 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
1. Considérant que MmeB..., recrutée en 2002 en tant que gendarme adjoint volontaire, a été admise au concours de sous-officier de la gendarmerie ; qu'affectée, à l'issue de sa scolarité, à la brigade territoriale de proximité d'Attichy (Oise), elle a sollicité, le 2 mai 2013, son admission à l'état de sous-officier de carrière ; que, toutefois, par une décision du 15 mai 2013, le général commandant la région de gendarmerie de Picardie a refusé de la faire bénéficier de cette admission et l'a radiée des cadres de la gendarmerie nationale ; que, le 6 janvier 2014, le ministre de l'intérieur a rejeté le recours préalable formé contre cette décision par Mme B... ; que cette dernière relève appel du jugement du 2 février 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de ces décisions du 15 mai 2013 et du 6 janvier 2014 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions contestées : " I.-Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. / (...) " ;
3. Considérant que le recours institué par les dispositions précitées revêt, de la lettre même de ces dispositions, la nature d'un recours préalable obligatoire ; qu'il s'ensuit que la décision prise le 6 janvier 2014 par le ministre à la suite de l'exercice de ce recours s'est substituée à la décision initiale prise par l'autorité compétente pour connaître de la situation du militaire et qui faisait l'objet de son recours ; que, dès lors, pour estimer, en l'espèce, que les conclusions de la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 15 mai 2013 du général commandant la région de gendarmerie de Picardie refusant de l'admettre à l'état de sous-officier de carrière et la radiant des cadres de la gendarmerie nationale étaient irrecevables, le tribunal administratif d'Amiens n'a entaché son jugement d'aucune irrégularité ; qu'il y a lieu pour la cour de rejeter, pour le même motif, les conclusions que Mme B...persiste à diriger en cause d'appel contre cette décision ;
Sur la légalité de la décision ministérielle en litige :
4. Considérant que l'institution, par les dispositions citées au point 2, d'un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration ; que si l'exercice d'un tel recours a pour but de permettre à l'autorité administrative, dans la limite de ses compétences, de remédier aux illégalités dont pourrait être entachée la décision initiale, sans attendre l'intervention du juge, la décision prise sur le recours n'en demeure pas moins soumise elle-même au principe de légalité ; qu'il en résulte que lorsque la décision initiale a été prise selon une procédure entachée d'une irrégularité à laquelle le ministre, saisi d'un recours présenté devant la commission des recours des militaires, ne peut remédier, il incombe au ministre de rapporter la décision initiale et d'ordonner qu'une nouvelle procédure, exempte du vice qui l'avait antérieurement entachée, soit suivie ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 21 du décret du 12 septembre 2008 portant statut particulier du corps des sous-officiers de gendarmerie : " Les sous-officiers de gendarmerie de carrière sont recrutés au choix parmi les sous-officiers de gendarmerie engagés, qui ont demandé leur admission à l'état de sous-officier de carrière. / (...) " ; que, pour l'application de ces dispositions, le ministre de la défense a, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir d'organisation des services relevant de son autorité, précisé, par une circulaire du 27 mai 1998 qui demeurait en vigueur à la date à laquelle la décision du 6 janvier 2014 en litige a été prise, les règles de recrutement des sous-officiers de carrière de gendarmerie ; qu'au nombre de ces règles figure celle, énoncée à l'article 26 de cette circulaire, selon laquelle le sous-officier engagé qui est susceptible de faire l'objet d'une décision de refus d'admission doit être reçu par le commandant de légion, avant que celui-ci émette son avis, et par le commandant de circonscription de gendarmerie ;
6. Considérant qu'il est constant que Mme B...n'a, avant que l'autorité hiérarchique compétente pour connaître de sa demande d'admission à l'état de sous-officier de carrière se prononce sur celle-ci, pas bénéficié du double entretien, avec le commandant de légion et avec le commandant de circonscription de gendarmerie, prévu par l'article 26 de la circulaire du 27 mai 1998 ; qu'alors même que les sous-officiers de gendarmerie engagés qui demandent leur admission à l'état de sous-officier de carrière ne peuvent se prévaloir d'un droit à bénéficier de ce recrutement, ce double entretien, qui est l'occasion pour les candidats d'exposer leur motivation, de prendre connaissance de l'appréciation des échelons décisionnel et opérationnel de leur hiérarchie et de formuler des observations sur celle-ci, constitue une garantie pour les intéressés ; qu'il ressort des motifs de la décision du 6 janvier 2014 en litige que le ministre de l'intérieur, à qui il appartenait, le cas échéant, d'annuler la décision initiale du 15 mai 2013 et de prescrire un nouvel examen de la demande de Mme B...après que la procédure prévue par la circulaire du 27 mai 1998, comportant ce double entretien, ait été mise en oeuvre, ne s'est pas prononcé en ce sens, mais a, d'emblée, substitué son appréciation à celle à laquelle s'était livré le général commandant la région de gendarmerie sur les mérites de la candidature de MmeB... ; qu'il n'a, ainsi, pas remédié au vice de procédure affectant la procédure d'instruction de cette candidature, lequel vice a privé l'intéressée de la garantie prévue à l'article 26 de la circulaire du 27 mai 1998 et entache, dès lors, la légalité de la décision du 6 janvier 2014 ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 2 février 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 janvier 2014 du ministre de l'intérieur confirmant le refus de l'admettre à l'état de sous-officier de carrière et sa radiation des cadres de la gendarmerie nationale ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 2 février 2016 du tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme B...tendant à l'annulation de la décision du 6 janvier 2014 du ministre de l'intérieur rejetant son recours contre le refus de l'admettre à l'état de sous-officier de carrière et sa radiation des cadres de la gendarmerie nationale.
Article 2 : La décision du 6 janvier 2014 mentionnée à l'article 1er ci-dessus est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au général commandant la région de gendarmerie des Hauts-de-France.
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