Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 3 juillet et le 23 juillet 2014, le 9 juillet 2015, le 8 février 2016 et le 26 février 2016, M. B...représenté par Me A...F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 mai 2014 du tribunal administratif de Lille ;
2°) d'annuler la décision du 5 avril 2013 de l'inspecteur du travail et celle du 13 septembre 2013 du ministre chargé du travail ;
3°) de renvoyer les parties devant le conseil de prud'hommes de Lannoy afin qu'il soit statué sur le caractère abusif de son licenciement ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions contestées sont entachées d'un défaut de motivation ;
- l'enquête menée a méconnu le principe du contradictoire ;
- l'inspecteur du travail et le ministre ont opéré une requalification juridique des faits qui lui étaient reprochés ;
- les faits allégués avaient déjà été sanctionnés ;
- ils ne constituent pas une faute d'une gravité suffisante de nature à justifier son licenciement ;
- ils sont en lien avec l'exercice de son mandat ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2014, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social s'en remet à ses conclusions de première instance tendant au rejet de la requête de M.B....
Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 décembre 2014 et le 22 février 2016, la société Mondial Relay, représentée par Me C...E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B...de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable du fait de son défaut de motivation ;
- les moyens dirigés contre la décision de l'inspecteur du travail sont inopérants, celle-ci ayant été annulée par la décision du ministre ;
- les autres moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant au renvoi de l'affaire devant le conseil de prud'hommes, le contentieux du licenciement des salariés protégés relevant de la juridiction administrative ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,
- et les observations de M. D...B...et de Me C...E..., représentant la société Mondial Relay.
1. Considérant que par une décision du 5 avril 2013, l'inspecteur du travail de Roubaix 3 a autorisé le licenciement pour faute de M.B..., agent logistique au centre de tri de Hem de la société Mondial Relay et détenant les mandats de délégué du personnel, de délégué syndical et de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ; que par une décision du 13 septembre 2013, le ministre chargé du travail, saisi d'un recours hiérarchique de M.B..., a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a autorisé le licenciement de M. B... ; que celui-ci relève appel du jugement du 28 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux décisions ;
Sur les conclusions d'annulation de la décision du 5 avril 2013 de l'inspecteur du travail :
2. Considérant que lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre compétent doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision ; (CE Sorélait 303992) ;
3. Considérant que par sa décision du 13 septembre 2013, le ministre du travail a, par son article 1er, annulé pour insuffisance de motivation la décision du 5 avril 2013 de l'inspecteur du travail et, par son article 2, a autorisé le licenciement de M.B... ; que la décision du 5 avril 2013 a disparu de l'ordonnancement juridique ; qu'ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, il n'y avait pas lieu de statuer sur cette décision, dès lors qu'elle avait été retirée en cours d'instance ;
Sur les conclusions d'annulation de la décision du 13 septembre 2013 du ministre chargé du travail :
4. Considérant que la décision contestée comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde ; que, par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2421-4 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. (...) " ; que le ministre chargé du travail, saisi d'un recours hiérarchique, n'était pas tenu de faire procéder à une enquête contradictoire après celle de l'inspecteur du travail ; que ces dispositions qui visent à mettre l'employeur et le salarié à même de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants recueillis par l'autorité administrative, n'ont ni pour objet, ni pour effet de l'obliger à entendre l'ensemble des salariés cités par une partie ; que dès lors, le moyen tiré de l'absence de caractère contradictoire de l'enquête doit être écarté ;
6. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
7. Considérant que lorsqu'un employeur demande à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier un salarié protégé, il lui appartient de faire précisément état dans sa demande des motifs justifiant, selon lui, le licenciement et que, d'autre part, l'inspecteur du travail ne peut, pour accorder l'autorisation demandée, se fonder sur d'autres motifs que ceux énoncés dans la demande ;
8. Considérant que la demande d'autorisation de licenciement présentée le 1er mars 2013 par la société Mondial Relay vise le triple motif de la persistance de la part de M.B..., dans le cadre de son activité professionnelle, d'un comportement agressif et intimidant envers des personnes de l'entreprise, de son recours à l'intimidation et à la calomnie à l'égard de la directrice des relations humaines de la société et d'attitudes misogynes ; que la décision contestée qui vise " une absence de correction à l'égard des autres salariés de l'entreprise, obligation découlant de son contrat de travail ", est fondée sur les deux premiers motifs énoncés dans cette demande ; que dès lors, le moyen de M.B..., tiré de la requalification des faits qu'aurait opéré le ministre, doit être écarté ;
9. Considérant que les faits d'intimidation et d'agression verbale reprochés à M.B..., intervenus au téléphone le 8 février 2013, soit moins de mois avant l'ouverture de la procédure disciplinaire, visant la responsable de l'agence de Marseille de la société Mondial Relay, font suite à des faits de même nature pour lesquels le requérant a déjà été sanctionné par une mise à pied et un avertissement ; qu'il ne peut utilement soutenir qu'il aurait été sanctionné deux fois pour les mêmes faits dès lors que l'avertissement sanctionnait son comportement violent à l'égard d'un membre du CHSCT et la mise à pied des injures envers la directrice des ressources humaines de l'entreprise ; que cette dernière sanction a été confirmée par un arrêt du 30 avril 2009 de la chambre sociale de la cour d'appel de Douai jugeant que les sanctions infligées à M. B..." s'expliquent par son comportement véhément et la difficulté qu'il éprouve à demeurer, dans les limites, même très relâchées, de la courtoisie " ; que son attitude de dénigrement systématique et de diffamation à l'égard de la directrice des ressources humaines de l'entreprise, ses interventions violentes et agressives destinées à intimider ses interlocuteurs sont établies par les pièces du dossier ; qu'elles constituent des manquements répétés à son obligation de correction vis-à-vis de ses collègues, sans relation avec sa qualité de salarié protégé, et un comportement fautif d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
10. Considérant que les faits reprochés à M.B..., ainsi qu'il vient d'être dit, sont sans relation avec sa qualité de salarié protégé ; que le moyen tiré du lien entre ceux-ci et ses fonctions représentatives doit être écarté ;
Sur les conclusions tendant au renvoi des parties devant le conseil de prud'hommes de Lannoy afin qu'il soit statué sur le caractère abusif du licenciement de M.B... :
11. Considérant que de telles conclusions sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la société Mondial Relay, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 28 mai 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Mondial Relay présentées sur le fondement de ces dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Mondial Relay présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B..., à la société Mondial Relay et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Copie en sera adressée au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
Délibéré après l'audience publique du 3 mars 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.
Lu en audience publique le 17 mars 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-J. GAUTHÉLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°14DA01147
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