Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 mars 2015, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 février 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen ;
2°) de rejeter la demande de M. B...devant le tribunal administratif de Rouen ;
Il soutient que sa décision n'est pas entachée d'un détournement de pouvoir.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 août 2015 et le 11 janvier 2016, M. B... demande à la cour, à titre principal, de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête en appel du préfet ; subsidiairement, de rejeter la requête en confirmant le jugement du tribunal administratif de Rouen du 5 février 2015 ; en tout état de cause, d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2015 du préfet de la Seine-Maritime l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant l'Algérie comme pays de renvoi ainsi que son arrêté du 3 février 2015 l'assignant à résidence, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à tout le moins de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me Verilhac au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la requête a perdu son objet de sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête du préfet ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est entachée d'un détournement de pouvoir ;
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît son droit à être entendu préalablement à toute décision, tel qu'il ressort du droit de l'Union européenne ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle de la part du préfet ;
- elle méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale tel qu'il ressort des termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office est insuffisamment motivée ;
- l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire a pour conséquence l'illégalité de la décision fixant le pays de destination ;
- la décision portant assignation à résidence est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en raison de la méconnaissance de l'effet suspensif dont était assorti son recours dirigé contre la mesure d'éloignement dont il faisait l'objet ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la possibilité de procéder à une substitution de base légale, l'article L. 511-1-2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étant substitué à l'article L. 511-1-10° du même code ;
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juin 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 91-294 DC du 25 juillet 1991 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 5 février 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, statuant sur sa demande d'annulation dans le délai prescrit au III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a annulé son arrêté du 1er décembre 2014 par lequel il a fait obligation à M.B..., ressortissant de nationalité algérienne, de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination ainsi que, par voie de conséquence, son arrêté du 3 février 2015 décidant son assignation à résidence et lui a enjoint de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois, en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour ;
Sur les conclusions à fins de non-lieu à statuer présentées par M.B... :
2. Considérant qu'alors même que, par jugement du 5 février 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 1er décembre 2014 du préfet de la Seine-Maritime obligeant M. B...à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ainsi que, par voie de conséquence, la mesure d'assignation à résidence dont il faisait l'objet, l'intéressé a quitté la France pour se rendre en Algérie après avoir, contracté mariage à Rouen le 27 juin 2015 avec une ressortissante française, à la suite de la mainlevée, par jugement du 12 mai 2015 du tribunal de grande instance de Rouen, de la décision d'opposition à mariage du 16 décembre 2014 prise par le ministère public, faisant suite à sa décision de surseoir à la célébration du mariage pour une durée d'un mois à compter du 18 novembre 2014 ; que l'intéressé est revenu en France muni d'un passeport en cours de validité revêtu d'un visa Schengen de type C à entrées multiples d'une durée de 90 jours, valable du 26 août 2015 au 21 février 2016, délivré le 26 août 2015 par l'autorité consulaire française en Algérie et revêtu des mentions " famille de français " et " carte de séjour à solliciter dans les deux mois suivant l'arrivée " ; qu'un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler, valable jusqu'au 25 avril 2016, a été ensuite été délivré à M. B...le 26 octobre 2015 par le préfet de la Seine-Maritime, pour demander un premier titre de séjour d'un an ; qu'aucune de ces circonstances ne rend sans objet l'appel formé par le préfet de la Seine-Maritime ; qu'il y a lieu, par suite, de statuer sur l'appel introduit par le préfet de la Seine-Maritime ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation présentées par le préfet de la Seine-Maritime :
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., entré régulièrement en France le 16 mai 2014 sous couvert d'un visa touristique délivré par les services consulaires de la République de Malte, s'y est maintenu après l'expiration de son visa à la fin du mois de mai 2014 et a demandé le 27 juin 2014 son admission au séjour au titre de l'asile, sur le fondement de l'article L. 314-11-8°du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 8 août 2014, le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé l'admission au séjour en France au titre de l'asile sur le fondement de l'article L. 741-4°du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, puis, par arrêté du 16 octobre 2014, a décidé qu'il serait remis aux autorités compétentes de la République de Malte, pour être pris en charge en vue du traitement de sa demande d'asile ; que, toutefois, M. B...a déposé le 13 novembre 2014, avec une ressortissante française, un dossier auprès de l'officier d'état-civil de la mairie de Rouen, en vue de la célébration de leur mariage ; qu'en application de l'article 175-2 du code civil, le maire de la commune, par lettre du 13 novembre 2014, a porté le projet de mariage de M. B...et de cette ressortissante française à la connaissance du procureur de la République adjoint du tribunal de grande instance de Rouen, qui a décidé qu'il serait sursis à la célébration du mariage durant un délai d'un mois à compter du 18 novembre 2014 et a diligenté une enquête préliminaire confiée aux services de la police aux frontières, pour que l'intéressé et sa future épouse soient entendus sur leur projet de mariage ; que M. B...a été entendu le vendredi 28 novembre 2014 à 9 heures 40, sur le fondement des dispositions des articles 75 et suivants du code de procédure pénale, par un agent de police judiciaire de la police aux frontières dans le cadre de cette enquête préliminaire et ce, conformément aux instructions qui lui avaient été données par une note du 19 novembre 2014 du Procureur de la République adjoint ; qu'à la suite de l'unique audition ainsi diligentée par le ministère public, dans le cadre de l'enquête préliminaire ne concernant que son projet de mariage, M. B...a été convoqué pour se voir notifier, dès le lundi 1er décembre 2014 à 14 heures 20, sans avoir été entendu préalablement à l'initiative du préfet de la Seine-Maritime sur sa situation administrative sur le territoire français en ayant la possibilité de présenter l'ensemble des éléments pertinents qui auraient pu influer sur les décisions en litige, une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours accompagnée d'une décision fixant le pays de destination ; que ces circonstances très particulières révèlent la précipitation avec laquelle l'administration a agi, une fois informée de ce projet de mariage ; que, par suite, l'obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination, prononcée par le préfet de la Seine-Maritime, doit être regardée comme ayant eu pour motif déterminant de prévenir le mariage de M. B...; que l'arrêté du 1er décembre 2014 est, dès lors, entaché de détournement de pouvoir ,
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 1er décembre 2014 obligeant M. B... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, ainsi que par voie de conséquence l'arrêté du 3 février 2015 ordonnant son assignation à résidence ;
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
5. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B...doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
Sur les conclusions présentées en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Vérilhac, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 700 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Verilhac, avocat de M.B..., une somme de 700 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A...B...et à Me C...Verilhac.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 3 mars 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.
Lu en audience publique le 17 mars 2016.
L'assesseur le plus ancien,
Signé : O. NIZETLe président de chambre,
président rapporteur,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I . GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°15DA00485
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