Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 septembre 2015, M.E..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a été signée par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain, les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces articles ;
- elle méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale tel qu'il ressort des termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste du préfet dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît son droit d'être entendu préalablement à toute décision, tel qu'il ressort du droit de l'Union européenne ;
- l'illégalité de la décision de refus de séjour a pour conséquence l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste du préfet dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale tel qu'il ressort des termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision lui octroyant un délai de départ volontaire de trente jours a été prise par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît son droit d'être entendu préalablement à toute décision, tel qu'il ressort du droit de l'Union européenne ;
- elle a été prise dans des conditions méconnaissant les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et du décret du 28 novembre 1983 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste du préfet dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office est insuffisamment motivée ;
- l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire a pour conséquence l'illégalité de la décision fixant le pays de destination.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2015, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E...ne sont pas fondés.
M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 août 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.E..., ressortissant marocain, relève appel du jugement du 16 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 octobre 2014 du préfet du Nord rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office ;
2. Considérant que, par un arrêté du 19 août 2014, le préfet du Nord à donné délégation à M. C...D...à l'effet de signer les décisions telles que celles qui sont contestées ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté ;
Sur la décision de refus de titre de séjour :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles " ; qu'aux termes de l'article 9 de cet accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. / La carte porte la mention "salarié" lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois. Elle porte la mention "travailleur temporaire" lorsque l'activité est exercée pour une durée déterminée inférieure à douze mois (...) " ;
4. Considérant, d'une part, que dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titre de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; que la mention dans l'arrêté des dispositions de cet article L. 313-10 de ce code, sur lesquelles le préfet du Nord n'a pas entendu se fonder, est surabondante ; que les moyens tirés de la méconnaissance et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont inopérants ;
5. Considérant, d'autre part, que M. E...ne justifiait pas d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes ; que dans ces circonstances, le préfet du Nord était, par suite, tenu de lui refuser la délivrance du titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ; que les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;
6. Considérant que M.E..., entré sur le territoire français le 20 juillet 2012, fait valoir qu'il bénéficie en France de la présence de son frère dans le commerce duquel il travaille dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, de l'épouse de son frère ainsi que de ses deux neveux ; qu'il fait également valoir être reconnu handicapé par la maison départementale des personnes handicapées de Valenciennes à raison d'un handicap du pied dont il est atteint et pour lequel il a été récemment opéré ; que toutefois, l'intéressé qui est célibataire et sans charge de famille ne justifie pas être isolé en cas de retour dans son pays d'origine où vivent toujours ses parents, sa soeur et son autre frère et où il a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans ; que dans ces conditions et compte tenu du caractère récent de son entrée en France, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. E...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet du Nord n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant que M. E...a sollicité son admission au séjour en qualité de salarié ; qu'il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé l'admission au séjour et l'a également obligé à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures ; que par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendue préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus d'un titre de séjour ;
9. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit au point 6, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. E...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet du Nord n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
10. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit au point 7, la garantie consistant dans le droit à être entendue préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue ;
11. Considérant qu'il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ainsi que les décisions qui l'accompagnent, telle la décision fixant le délai d'exécution volontaire de la mesure ; que, par suite, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, qui fixe les règles générales de procédures applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait pas davantage être utilement invoqué à l'encontre des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;
12. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M.E... ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
13. Considérant alors, que l'intéressé ne fait pas valoir risquer d'être exposé à des traitements inhumains ou dégradants, la décision contestée qui, notamment, fait mention de ce que l'intéressé n'établit pas que sa vie ou sa liberté sont menacées dans son pays d'origine ou qu'il y ait exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales comporte, sur ce point, la mention des considération de droit et fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 3 mars 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.
Lu en audience publique le 17 mars 2016.
L'assesseur le plus ancien,
Signé : O. NIZETLe président de chambre,
président rapporteur,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°15DA01472
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