Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2015, M.D..., représenté par Me A... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 20 novembre 2014 ;
2°) de faire droit à sa demande.
Il soutient que :
- le titre de perception du 25 août 2009 ne comporte pas la mention des bases de liquidation de la créance concernée, en méconnaissance de l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- ni ce titre, ni les deux décisions contestées ne comportent la mention de leur fondement légal, en méconnaissance des articles 1er et 3 de la loi n° 83-634 du 11 juillet 1979 ;
- il est fondé à exciper de l'illégalité du décret du 31 juillet 2001 instituant l'indemnité compensatoire pour sujétions spécifiques, qui a été pris en méconnaissance du principe de l'égalité de traitement des fonctionnaires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- le moyen tiré de l'insuffisante motivation, d'une part, des décisions des 13 août 2009 et 22 novembre 2010, d'autre part, de la proposition de titre de perception du 25 août 2009 procèdent d'une cause juridique invoquée pour la première fois en appel ;
- ce moyen est, en tout état de cause, inopérant ;
- les autres moyens soulevés par M. D...à l'encontre de la proposition de titre de perception du 25 août 2009 sont inopérants ;
- l'exception d'illégalité invoquée n'est pas fondée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2001-721 du 31 juillet 2001 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public.
1. Considérant que M.D..., fonctionnaire de police affecté, du 1er février 2004 au 1er octobre 2005, à la sous-direction des ressources humaines de la direction de l'administration de la police nationale, a perçu, durant cette période, l'indemnité compensatoire pour sujétions spécifiques instaurée au profit des fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application de la police nationale affectés dans le ressort territorial des secrétariats généraux pour l'administration de la police de Paris et de Versailles par l'article 1er du décret n° 2001-721 du 31 juillet 2001 ; que, réaffecté ensuite à la circonscription de sécurité publique du Havre, l'intéressé a continué à percevoir cette indemnité ; qu'il relève appel du jugement du 20 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 août 2009 par laquelle le ministre de l'intérieur a prescrit le reversement de sommes correspondantes, ainsi que du rejet, par décision expresse du 22 novembre 2010, de son recours gracieux et à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à l'Etat de lui restituer les sommes reversées ;
2. Considérant que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; qu'une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage ; qu'en revanche, n'ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d'une décision prise antérieurement ; que le maintien indu du versement d'un avantage financier à un agent public, alors même que le bénéficiaire a informé l'ordonnateur qu'il ne remplit plus les conditions de l'octroi de cet avantage, n'a pas le caractère d'une décision accordant un avantage financier et constitue une simple erreur de liquidation ; qu'il appartient à l'administration de corriger cette erreur et de réclamer le reversement des sommes payées à tort, sans que l'agent intéressé puisse se prévaloir de droits acquis à l'encontre d'une telle demande de reversement ;
3. Considérant que le maintien du versement à M. D...de l'indemnité compensatoire pour sujétions spécifiques à une date à laquelle il ne satisfaisait plus à la condition d'affectation géographique requise par l'article 1er du décret du 31 juillet 2001 pour y prétendre ne saurait être regardé comme revêtant la nature d'une décision accordant un avantage financier qui serait créatrice de droits pour l'intéressé, mais constitue une simple erreur de liquidation ; que, par suite, la décision par laquelle l'administration a mis fin à cette situation et prescrit le reversement des sommes correspondantes ne procède pas au retrait ni à l'abrogation d'une décision créatrice de droits au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que, dès lors, cette décision n'avait pas à comporter l'énoncé, conformément à l'article 3 de cette loi, des considérations de droit et de fait qui en constituaient le fondement ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision, qui est ainsi inopérant, doit, pour ce motif et en tout état de cause, être écarté ;
4. Considérant que, si M. D...critique la régularité du titre de perception émis le 25 août 2009 par le comptable public pour obtenir le reversement des sommes correspondantes, en soutenant que ce titre aurait également été pris en méconnaissance de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 pour ne pas comporter la mention de sa base légale et qu'il ne préciserait pas davantage les bases de liquidations de la créance qu'il a pour objet de recouvrer, en méconnaissance de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, il n'a toutefois présenté aucune conclusion tendant à l'annulation de ce titre ; qu'en outre, dès lors que ce document comptable, à le supposer exécutoire, constitue un instrument émis dans le but d'obtenir l'exécution de la décision du ministre de l'intérieur du 13 août 2009, M. D...ne saurait exciper de son illégalité au soutien des conclusions qu'il dirige contre cette décision, qui seule met les sommes correspondantes à sa charge, ni contre celle du 22 novembre 2010 rejetant son recours gracieux ; qu'il suit de là que les moyens dirigés contre ce titre de perception sont inopérants et qu'ils ne peuvent qu'être écartés ;
5. Considérant, enfin, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ;
6. Considérant que, si l'article 1er du décret du 31 juillet 2001 réserve l'attribution de l'indemnité compensatoire pour sujétions spécifiques aux fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application de la police nationale affectés dans le ressort territorial des secrétariats généraux pour l'administration de la police de Paris et de Versailles, les fonctionnaires satisfaisant à cette condition géographique se trouvent placés, en particulier pour des raisons économiques, liées à un coût de la vie notablement supérieur, dans une situation objectivement différente de celle des fonctionnaires affectés dans d'autres ressorts territoriaux ; que la différence de traitement que cette disposition instaure entre ces deux catégories de fonctionnaires de police est, en outre, en rapport avec l'objet de ce décret, qui est de compenser les sujétions inhérentes aux affectations dans les circonscriptions de Paris et de Versailles ; qu'ainsi, cette disposition ne méconnaît pas le principe d'égalité et M. D...n'est pas fondé à exciper, pour ce motif, de l'illégalité de ce décret ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 20 novembre 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 3 mars 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 17 mars 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°15DA00074