Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2016, M. E...F..., représenté par Me B...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 octobre 2016 du tribunal administratif de Lille ;
2°) d'annuler la décision du 22 décembre 2014 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code du commerce ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me A...C..., représentant la société Burie Agencement.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 5 mai 2014, le tribunal de commerce de Vienne a arrêté le plan de cession total des actifs de la société MGD Contract, au profit du groupe HASAP, qui prévoyait le transfert de 18 des 34 salariés de la société MGD Contract. Par une décision du 5 juin 2014, l'inspecteur du travail a refusé d'accorder l'autorisation de licenciement de M. F..., sollicitée par l'administrateur judiciaire de la société MGD Contract. La société Burie Agencement a formé un recours hiérarchique auprès du ministre en charge du travail. Par une décision du 22 décembre 2014, le ministre a retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 12 juin 2014 et a accordé l'autorisation de licenciement. M. F...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 décembre 2014 du ministre chargé du travail.
2. Aux termes de l'article R. 2421-2 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet. ".
3. Le ministre chargé du travail peut légalement, dans le délai de recours contentieux, rapporter sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail refusant le licenciement d'un salarié protégé, qui est créatrice de droits au profit du salarié, dès lors que ces deux décisions sont illégales. Sa décision de rejet implicite du recours hiérarchique étant illégale dès lors que l'inspecteur du travail a commis une erreur de droit en contrôlant l'application par l'employeur des critères d'ordre de licenciement et le barème de points, le ministre a pu légalement, par la décision contestée du 22 décembre 2014, intervenue dans le délai de recours contentieux, retirer cette décision implicite de rejet et annuler la décision de l'inspecteur du travail. Le moyen tiré de l'impossibilité pour le ministre de retirer sa décision implicite après l'expiration d'un délai de quatre mois doit être écarté.
4. Il ressort de l'attestation de remise de document signée par M. F...le 27 août 2014 que celui-ci a été mis en possession du recours hiérarchique formé par la société Burie Agencement et de ses annexes. Par une lettre du 1er décembre 2014, il a été invité à présenter ses observations sur le retrait envisagé de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique de la société et son motif. L'administration lui a ainsi précisé que le retrait pourrait être fondé sur l'erreur de droit de l'inspecteur du travail qui a contrôlé l'application des critères d'ordre de licenciement et sur l'appréciation de l'obligation de reclassement par l'employeur et l'administrateur judiciaire. Par suite, le moyen tiré de ce que le principe du contradictoire aurait été méconnu avant que n'intervienne la décision de retrait ne peut qu'être écarté.
5. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1224-1 du code du travail et L. 631-22 et L. 642-5 et suivants du code de commerce que si la cession de l'entreprise en redressement judiciaire arrêtée par un jugement du tribunal de commerce entraîne en principe, de plein droit, le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et, par voie de conséquence, la poursuite par le cessionnaire des contrats de travail attachés à l'entreprise cédée, conformément aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, il peut être dérogé à ces dispositions lorsque le plan de redressement prévoit des licenciements pour motif économique, à la double condition, prévue par les dispositions précitées des articles L. 642-5 et R. 642-3 du code de commerce, d'une part, que le plan de cession ait prévu les licenciements devant intervenir dans le délai d'un mois après le jugement arrêtant le plan et, d'autre part, que ce jugement indique le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé, ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées.
6. Il ressort des termes du jugement du tribunal de commerce de Vienne du 5 mai 2014, en particulier du tableau des postes repris, que la société HASAP s'est engagée à reprendre seulement 18 contrats de travail sur les 34 contrats en cours. Ce jugement a ainsi nécessairement et clairement autorisé l'administrateur, qui avait pour " mission de régulariser tous les actes nécessaires à la réalisation de la cession et procéder aux licenciements " à licencier 16 salariés. Ce même tableau indique aussi, de manière précise, les catégories d'emploi concernées. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement du tribunal de commerce de Vienne n'autorisait aucun licenciement doit être écarté.
7. Le licenciement des salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel, de membre du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise, y compris lorsque l'entreprise fait l'objet d'une procédure de redressement ou en cas de liquidation judiciaire compte tenu des perspectives de reprise.
8. Le moyen tiré de ce que les critères déterminant l'ordre des licenciements applicables dans l'entreprise n'auraient pas été respectés ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de la décision par laquelle l'autorité administrative autorise un licenciement.
9. Si M. F...allègue, sans autre précision, que la société MGD Contract n'aurait pris aucune mesure pour le reclasser en raison de son statut de salarié protégé, il ressort des motifs non sérieusement contestés de la décision du 22 décembre 2014 que l'ensemble des entreprises françaises du groupe ont été sollicitées afin d'identifier leurs postes disponibles et vacants. Elles ont toutes répondu défavorablement. La seule circonstance que la société Burie Agencement aurait procédé au recrutement de quatre nouveaux salariés à compter du 19 mai 2014 n'est pas davantage de nature à démontrer que le licenciement de M. F...serait en lien avec son mandat de délégué du personnel.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre du travail, que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Il n'y a pas lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. F...la somme demandée par la société Burie Agencement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Burie Agencement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...F..., à la ministre du travail et à la société Burie Agencement.
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N°16DA02336