Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 février 2018, MmeA..., représentée par Me B...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de l'Eure du 30 mai 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, ou à défaut de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours, sous la même condition d'astreinte dans l'attente du réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissante nigériane née en 1983 qui, selon ses déclarations, serait entrée en France en septembre 2015, y a donné naissance le 14 octobre suivant à une enfant dont la paternité a été reconnue le 23 décembre 2015 par un ressortissant français. Elle a sollicité alors un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 30 mai 2017, le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a enjoint de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office. Mme A...relève appel du jugement du 5 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ".
3. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français
4. Il est constant que Mme A..., ressortissante nigériane, n'a jamais vécu avec le ressortissant français qui a reconnu la paternité de sa fille et qu'elle aurait rencontré, avant son arrivée en France, au cours d'un voyage au Sénégal. Elle n'apporte aussi aucun élément suffisamment probant pour établir avoir entretenu une relation au cours de l'année 2015 avec cet homme. Le seul document versé émanant d'une société de disques de Dakar se borne à faire état de la présence de celui-ci, sept mois et demie avant la naissance de l'enfant, dont il n'est pas allégué qu'elle aurait été prématurée. Les explications fournis par courrier électronique au référent fraude de la préfecture par l'intéressé pour justifier du délai avec lequel il a reconnu son enfant paraissent peu crédibles. Si deux factures de crèche ont été établies au nom de celui-ci postérieurement à l'arrêté, il n'est pas justifié davantage des liens réguliers que Mme A...continuerait d'entretenir avec lui pour l'éducation et l'entretien de sa fille. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le préfet de l'Eure doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant apporté des éléments suffisamment précis et concordants de nature à permettre de tenir pour établi que la reconnaissance de paternité a été effectuée dans le but d'obtenir frauduleusement un titre de séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit dès lors être écarté.
5. Mme A... fait valoir qu'elle réside France depuis septembre 2015, avec sa fille née en France le 14 octobre 2015. Toutefois, la durée de présence de Mme A...en France est récente. Elle n'établit pas ni même n'allègue être dépourvue de toute attache dans son pays qu'elle a quitté à l'âge de trente-deux ans. Elle n'établit pas davantage l'intensité des liens qu'entretiendrait le père de l'enfant avec celle-ci par deux factures de crèche, quelques photographies et des attestations de tiers très peu circonstanciées. Elle ne se prévaut d'aucune intégration particulière ou l'exercice actuel d'une activité professionnelle. Dans ces conditions, la décision en litige n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A...une atteinte disproportionnée au but poursuivi. Elle ne méconnaît pas, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de MmeA....
6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Eu égard à ce qui a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale, constituée de Mme A...et de sa fille, ne pourrait pas se reconstituer au Nigéria. Dans ces conditions, le refus de séjour opposé à Mme A... ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
8. Il résulte des dispositions des articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues notamment à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Ainsi qu'il vient d'être dit, Mme A... ne remplissait pas les conditions posées par les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de l'Eure n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement.
Sur la décision obligeant à quitter le territoire :
9. En application des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Cette décision comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles l'autorité préfectorale s'est fondée pour refuser de délivrer un titre de séjour à MmeA.... Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut être qu'écarté.
10. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté
11. Il y a lieu d'écarter, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4 à 7, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur sa situation personnelle
Sur la décision fixant le pays de destination :
12. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de la décision faisant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
13. La requérante ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de la décision fixant le pays de destination de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni de celle du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Eure.
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N°18DA00355
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