Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2018, M. C...B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 26 février 2018 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la date de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...B..., ressortissant somalien né le 10 janvier 1994, serait entré, selon ses déclarations, sur le territoire français en janvier 2018 et a présenté une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Seine-Maritime. Le 24 janvier 2018, il a été reçu en entretien en vue de la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande. Le même jour, la consultation du système " Eurodac " a fait apparaître que ses empreintes digitales avaient été relevées les 20 janvier 2010, 13 juillet 2011 et 29 décembre 2014 par les autorités suédoises et le 11 janvier 2017 par les autorités allemandes. Constatant l'accord exprès des autorités suédoises pour reprendre en charge l'intéressé et le refus des autorités allemandes, la préfète de la Seine-Maritime a prononcé son transfert vers la Suède, par un arrêté du 26 février 2018. M. C... B...relève appel du jugement du 18 avril par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Par une décision du 12 juillet 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. C...B.... Par suite, ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet.
3. Le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 fixe, à ses articles 7 et suivants, les critères à mettre en oeuvre pour déterminer, de manière claire, opérationnelle et rapide ainsi que l'ont prévu les conclusions du Conseil européen de Tempere des 15 et 16 octobre 1999, l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile. La mise en oeuvre de ces critères peut conduire, le cas échéant, à une demande de prise ou reprise en charge du demandeur, formée par l'Etat membre dans lequel se trouve l'étranger, dénommé "Etat membre requérant ", auprès de l'Etat membre que ce dernier estime être responsable de l'examen de la demande d'asile, ou " Etat membre requis ". En cas d'acceptation de ce dernier, l'Etat membre requérant prend, en vertu de l'article 26 du règlement, une décision de transfert, notifiée au demandeur, à l'encontre de laquelle ce dernier dispose d'un droit de recours effectif, en vertu de l'article 27, paragraphe 1, du règlement. Aux termes du paragraphe 3 du même article : " Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les Etats membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national : / a) le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l'Etat membre concerné en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision (...) ". Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant ".
4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". En vertu du II du même article, lorsque la décision de transfert est accompagnée d'un placement en rétention administrative ou d'une mesure d'assignation à résidence notifiée simultanément, l'étranger dispose d'un délai de quarante-huit heures pour saisir le président du tribunal administratif d'un recours et ce dernier dispose d'un délai de soixante-douze heures pour statuer. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
6. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 26 février 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a ordonné le transfert de M. C...B...aux autorités suédoises est intervenu moins de six mois après la décision par laquelle la Suède a donné son accord pour la reprise en charge, dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ce délai a été interrompu par l'introduction, par M. C...B..., d'un recours contre cet arrêté, présenté sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce délai de six mois a recommencé à courir à compter du jugement du tribunal administratif de Rouen du 18 avril 2018 statuant sur le recours, notifié à la préfète le 20 avril 2018. La lettre des autorités suédoises du 26 juin 2018 produite par la préfète à la suite de la mesure supplémentaire d'instruction ordonnée par la cour ne permet pas d'établir que le transfert aurait été exécuté, le nom de la personne en question n'étant pas celui de M. C... B.... Il ne ressort ainsi d'aucune des pièces du dossier que l'autorité préfectorale, qui n'a pas présenté d'observations à réception du moyen d'ordre public susvisé, aurait décidé de porter à dix-huit mois le délai de transfert après avoir constaté que l'intéressé aurait pris la fuite ou qu'il aurait été emprisonné. En conséquence, la décision de transfert est devenue caduque dès lors qu'elle n'a fait l'objet d'aucune décision de prorogation, et n'a pas été matériellement exécutée. La caducité de cette décision, qui est intervenue postérieurement à l'introduction de la requête de M. C...B...devant la cour, a pour effet de priver d'objet sa demande tendant à l'annulation du jugement attaqué. Par suite, les conclusions de M. C...B...sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu de statuer sur celles-ci.
7. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C...B...doivent dès lors être rejetées.
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. C...B...présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par M. C...B....
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête présentée par M. C...B....
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. C...B...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...B..., au ministre de l'intérieur et à MeD....
Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Seine-Maritime.
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N°18DA01489