Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 juillet 2015, le centre hospitalier intercommunal Eure-Seine, représenté par Me P. Robert, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 mai 2015 du tribunal administratif de Rouen ;
2°) de rejeter la demande de Mme E...devant le tribunal administratif de Rouen ;
3°) de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de Mme E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 ;
- le décret n° 89-376 du 8 juin 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruébo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...E..., née le 21 octobre 1972, est entrée le 12 novembre 2003 au centre hospitalier intercommunal (CHI) Eure-Seine en tant qu'infirmière affectée à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Vernon. Elle a été victime le 7 janvier 2010 d'un accident du travail, en relevant une patiente tombée à terre. L'imputabilité au service de l'accident a été reconnue par un avis du 26 mai 2011 de la commission de réforme à la suite duquel Mme E...a été placée en congé maladie ordinaire du 1er juillet 2011 au 1er juillet 2012. Le CHI Eure-Seine relève appel du jugement du 28 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé ses arrêtés du 2 octobre 2012 et 4 octobre 2012 plaçant Mme E...en disponibilité d'office pour six mois, à compter du 2 juillet 2012 selon le premier arrêté et à compter du 1er juillet 2012 pour le second arrêté, et rejette le surplus des conclusions de la demande.
Sur la compétence du directeur général du CHI Eure-Seine pour relever appel :
2. Aux termes de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, dans sa version applicable à la date de l'appel : " Le directeur, président du directoire, conduit la politique générale de l'établissement. Il représente l'établissement dans tous les actes de la vie civile et agit en justice au nom de l'établissement ". La requête d'appel a été introduite le 28 juillet 2015 par M. C...F..., nommé directeur général du CHI Eure-Seine à compter du 1er janvier 2015 par un arrêté du 12 juin 2014 de la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière. La fin de non-recevoir tirée de l'incompétence du directeur général du CHI Eure-Seine pour relever appel doit être écartée.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Rouen :
3. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles 62 et 71 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, de l'article 2 du décret n° 89-376 du 8 juin 1989 pris pour l'application de cette loi et relatif au reclassement des fonctionnaires pour raisons de santé, de l'article 13 du décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires hospitaliers et de l'article 17 du décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière, que lorsqu'un fonctionnaire a été, à l'expiration de ses droits statutaires à congé de maladie, reconnu inapte à la reprise des fonctions qu'il occupait antérieurement et alors que, comme c'est le cas en l'espèce, le comité médical ne s'est pas prononcé sur sa capacité à occuper, par voie de réaffectation, de détachement ou de reclassement, un autre emploi, éventuellement dans un autre corps ou un autre grade, l'autorité hiérarchique ne peut placer cet agent en disponibilité d'office sans l'avoir préalablement invité à présenter, s'il le souhaite, une demande de reclassement. La mise en disponibilité d'office peut ensuite être prononcée, soit en l'absence d'une telle demande, soit si cette dernière ne peut être immédiatement satisfaite.
4. Par un avis du 21 septembre 2012, le comité médical départemental de l'Eure a estimé que le maintien en congé maladie de Mme E...était toujours justifié, qu'à compter du 1er juillet 2012 ses droits à congé maladie ordinaire étaient épuisés, et qu'elle devait être placée en disponibilité d'office pour raison de santé, pour une durée de six mois, à compter du 1er juillet 2012. Le comité médical départemental a également préconisé son reclassement vers un poste statique sans aucune charge physique. Le CHI Eure-Seine, qui s'est approprié l'avis du comité médical par une décision du 1er octobre 2012, s'est, dès lors, prononcé sur la capacité de Mme E...à occuper par voie de réaffectation un autre emploi sur un poste adapté. Par suite, le CHI Eure-Seine est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé ses décisions du 2 et du 4 octobre 2012 plaçant Mme E... en disponibilité d'office pour une durée de six mois au motif que le CHI Eure-Seine aurait dû l'inviter à présenter une demande de reclassement.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E...devant le tribunal administratif de Rouen et la cour à l'encontre des décisions en litige.
6. Par un arrêté du 1er octobre 2011 publié au Recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Eure, numéro spécial du 11 octobre 2011, M. D...A..., à l'époque directeur général du CHI Eure-Seine, a délégué sa signature à Mme G...H..., directrice générale adjointe, aux fins de signer tous les actes et documents relatifs à l'exercice du pouvoir de nomination et de la gestion de la carrière des agents relevant du titre IV du statut général de la fonction publique. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire des décisions contestées des 2 et 4 octobre 2012 manque en fait.
7. Les arrêtés des 2 et 4 octobre 2012 visent la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière et l'avis précité du comité médical de l'Eure du 21 septembre 2012. Mme E...en avait eue connaissance par une lettre du CHI Eure-Seine du 1er octobre 2012 dont il ressort des pièces du dossier qu'elle en avait été destinataire. En énonçant que Mme E...était placée en disponibilité d'office pour maladie, après avoir bénéficié d'un congé maladie d'un an, le CHI Seine-Eure a ainsi implicitement mais nécessairement considéré que l'intimée avait épuisé ses droits à congé maladie ordinaire, et s'est ainsi conformé à l'avis du comité médical du 6 janvier 2012, qu'il s'était approprié par une décision du 17 janvier 2012, en estimant aussi que les congés postérieurs au 1er juillet 2011 devaient dès lors être pris au titre de la maladie ordinaire et non au titre de l'accident du travail du 7 janvier 2010. Le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
8. Les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. S'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires ou des militaires, l'administration ne peut, en dérogation à cette règle générale, leur conférer une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation. Par suite, c'est à bon droit que le CHI Seine-Eure a pu, par un courrier du 1er octobre 2012 et par les deux arrêtés contestés, placer rétroactivement Mme E...en disponibilité d'office à compter de juillet 2012.
9. Mme E...soutient que les congés maladie postérieurs au 7 juillet 2012 sont la conséquence de son accident du travail du 7 janvier 2010. Elle produit en ce sens un certificat médical du 21 mai 2012 d'un médecin généraliste et un autre du 22 mai 2012 de sa rhumatologue, dépourvus de précisions circonstanciées et rédigés à sa demande. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et spécialement de l'expertise faite à la demande de l'intimée le 16 août 2011, après un avis du comité médical, que les congés postérieurs au 1er juillet 2011 sont à prendre au titre de la maladie et non de l'accident du travail. En outre, une seconde expertise effectuée le 12 décembre 2011, également à la demande de l'intimée, à la suite d'un autre avis du comité médical, après avoir précisément décrit son état, estime que " au total, les troubles actuels relèvent de la pathologie sous-jacente et non plus de la lombalgie initiale. Les soins à compter du 2 juillet 2011 sont à prendre en charge dans le cadre de la maladie et non plus de l'accident du travail ". Par suite, le moyen tiré de l'erreur de qualification juridique des arrêts de travail qu'aurait commis le CHI Seine-Eure doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier intercommunal Eure-Seine est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté du 28 mai 2015, le tribunal administratif de Rouen a annulé les arrêtés du 2 et du 4 octobre 2012 plaçant Mme E...en disponibilité d'office pour une durée de six mois. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme E...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme E...le versement au centre hospitalier intercommunal Eure-Seine d'une somme sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 28 mai 2015 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande de Mme E...devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.
Article 3 : Les conclusions du centre hospitalier intercommunal Eure-Seine présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier intercommunal Eure-Seine et à Mme B...E....
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N°15DA01268
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