Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 août 2018 et un mémoire enregistré le 12 février 2018, M.A..., représenté par Me B...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 juin 2018 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et d'enregistrer sa demande d'asile dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement d'exécution (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant afghan, né le 22 juin 1997, déclare être entré le 18 janvier 2018 sur le territoire français. Il y a présenté une demande d'asile et la consultation par l'autorité administrative du fichier Eurodac a permis de constater que l'intéressé avait déjà présenté une telle demande en Autriche. La préfète de la Seine-Maritime a adressé aux autorités autrichiennes une demande de reprise en charge de M. A...sur leur territoire. Les autorités autrichiennes ont expressément accepté cette reprise en charge le 2 mars 2018, sur le fondement des dispositions du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par un arrêté du 25 juin 2018, la préfète de la Seine-Maritime a ordonné la remise de M. A... aux autorités autrichiennes. M. A...relève appel du jugement du 18 juillet 2018 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Tout d'abord, aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".
3. Il résulte de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 que le transfert peut avoir lieu pendant une période de six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge, cette période étant susceptible d'être portée à dix-huit mois si l'intéressé " prend la fuite ". Aux termes de l'article 7 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, qui n'a pas été modifié sur ce point par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 : " 1. Le transfert vers l'Etat responsable s'effectue de l'une des manières suivantes : a) à l'initiative du demandeur, une date limite étant fixée ; b) sous la forme d'un départ contrôlé, le demandeur étant accompagné jusqu'à l'embarquement par un agent de l'Etat requérant et le lieu, la date et l'heure de son arrivée étant notifiées à l'Etat responsable dans un délai préalable convenu : c) sous escorte, le demandeur étant accompagné par un agent de l'Etat requérant, ou par le représentant d'un organisme mandaté par l'Etat requérant à cette fin, et remis aux autorités de l'Etat responsable (...) ". Il résulte de ces dispositions que le transfert d'un demandeur d'asile vers un Etat membre qui a accepté sa prise ou sa reprise en charge, sur le fondement du règlement du 26 juin 2013, s'effectue selon l'une des trois modalités définies à l'article 7 cité ci-dessus : à l'initiative du demandeur, sous la forme d'un départ contrôle ou sous escorte.
4. Il résulte aussi clairement des dispositions mentionnées au point précédent que, d'une part, la notion de fuite doit s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant. D'autre part, dans l'hypothèse où le transfert du demandeur d'asile s'effectue sous la forme d'un départ contrôlé, il appartient, dans tous les cas, à l'Etat responsable de ce transfert d'en assurer effectivement l'organisation matérielle et d'accompagner le demandeur d'asile jusqu'à l'embarquement vers son lieu de destination. Une telle obligation recouvre la prise en charge du titre de transport permettant de rejoindre l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile depuis le territoire français ainsi que, le cas échéant et si nécessaire, celle du pré-acheminement du lieu de résidence du demandeur au lieu d'embarquement. Enfin, dans l'hypothèse où le demandeur d'asile se soustrait intentionnellement à l'exécution de son transfert ainsi organisé, il doit être regardé comme en fuite au sens des dispositions de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 rappelées au point 1.
5. Ensuite, aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". En vertu du II du même article, lorsque la décision de transfert est accompagnée d'un placement en rétention administrative ou d'une mesure d'assignation à résidence notifiée simultanément, l'étranger dispose d'un délai de quarante-huit heures pour saisir le président du tribunal administratif d'un recours et ce dernier dispose d'un délai de soixante-douze heures pour statuer. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".
6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
Sur la caducité :
7. Il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport d'escorte, que M. A...a été informé, par la remise d'un document récapitulant les modalités de son transfert par le pôle central d'éloignement de la police des frontières, qu'il a refusé de signer le 24 août 2018, de la réservation d'un billet d'avion de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle à destination de Vienne, pris en charge par l'administration et qu'après avoir été pris en charge au centre de rétention administrative d'Oissel, le 30 août 2018, il a été escorté jusqu'à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle où il a refusé d'embarquer à 7 h10 à bord du vol Air France AF1138 à destination de Vienne. Il résulte aussi de ce qui est indiqué précédemment que, dans l'hypothèse où l'administration a respecté les obligations qui sont les siennes dans l'organisation d'un départ contrôlé et où l'intéressé s'est soustrait intentionnellement à l'exécution de ce départ, le demandeur d'asile doit être regardé comme en fuite au sens des dispositions de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. M.A..., soutient certes, que le juge judiciaire, considérant qu'il a été placé en rétention de manière irrégulière, a ordonné sa libération immédiate après son refus d'embarquer, et justifie aussi par des certificats médicaux être suivi en France une affection urinaire et des troubles dépressifs, au demeurant sans démontrer ni même alléguer qu'il ne pourrait bénéficier en Autriche d'un suivi médical approprié. Ces éléments ne permettent toutefois pas de douter sérieusement que l'absence d'embarquement de M. A...soit due à son refus eu égard, d'une part, à la circonstance qu'il a indiqué refuser l'acheminement prévu pour son retour en Autiche et n'a pas contesté la matérialité de son refus d'embarquer, d'autre part, à la circonstance qu'aucune des pièces versées au dossier ni aucun élément de l'instruction ne permet de supposer que l'absence d'embarquement de l'intéressé, qui disposait d'une place sur ce vol et y avait été accompagné, ait pu avoir un autre motif que le refus d'embarquer mentionné par le rapport d'escorte. Dans ces conditions, la préfète de la Seine-Maritime est fondée, en raison de l'obstruction qu'il a opposée le jour de son transfert, à estimer que M. A...était en fuite au sens de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 et à prolonger pour ce motif le délai de son transfert jusqu'au 2 septembre 2019, sans qu'ait d'incidence sur l'appréciation de cette situation la circonstance, à la supposer établie, que son placement en rétention administrative transfert n'ait pas été justifié selon le juge judiciaire.
8. En outre, aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, dans sa rédaction issue du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 et applicable à la décision en litige : "Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement/ (...)/ . 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Il ressort des pièces du dossier et de la présomption d'authenticité qui s'attache à toute correspondance transitant par le réseau sécurisé DubliNet, effectivement utilisé par l'administration française en l'espèce pour transmettre la déclaration de fuite de M.A..., ainsi qu'en témoigne l'existence de l'accusé de réception DubliNet comportant le numéro de référence de son dossier enregistré en France dans la ligne " sujet ", que les autorités autrichiennes, qui avaient auparavant expressément donné leur accord le 2 mars 2018 pour la reprise en charge de l'intéressé, ont été saisies de la déclaration de fuite. Il s'ensuit que le moyen tiré de la caducité de la décision portant transfert aux autorités autrichiennes de M.A..., laquelle est toujours exécutoire, et de ce que le litige aurait par suite perdu son objet, doit être écarté comme manquant en fait.
Au fond :
9. Pour l'application des dispositions citées aux points 2 et 3, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
10. Ainsi, s'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement. En outre, l'arrêté en litige vise le règlement du 26 juin 2013 et l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile. Il énonce que la consultation du fichier " Eurodac " fait apparaître que M. A...a présenté une demande d'asile en Autriche, préalablement au dépôt de sa demande d'asile en France, que les autorités autrichiennes ont été saisies le 26 février 2018 d'une demande de reprise en charge en application de l'article 18-1 b) du règlement (UE) n° 604/2013, que les autorités autrichiennes ont fait connaître explicitement leur accord le 2 mars 2018 en application de l'article 18.1 b) du règlement (UE) n° 604/2013 et qu'ainsi les autorités autrichiennes doivent être regardées comme étant responsables de sa demande d'asile. Dès lors, cet arrêté énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde avec une précision suffisante pour permettre à M. A...de comprendre les motifs de la décision et, le cas échéant, d'exercer utilement son recours. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige doit être écarté.
11. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national " et aux termes de l'article 35 du même règlement : " 1. Chaque Etat membre notifie sans délai à la Commission les autorités chargées en particulier de l'exécution des obligations découlant du présent règlement et toute modification concernant ces autorités. Les Etats membres veillent à ce qu'elles disposent des ressources nécessaires pour l'accomplissement de leur mission et, notamment, pour répondre dans les délais prévus aux demandes d'informations, ainsi qu'aux requêtes aux fins de prise en charge et de reprise en charge des demandeurs. / (...) / 3. Les autorités visées au paragraphe 1 reçoivent la formation nécessaire en ce qui concerne l'application du présent règlement. / (...) ".
12. Tout d'abord, il ressort des pièces du dossier que, par un jugement n°1801289 du 30 avril 2018, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé un premier arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 12 avril 2018 décidant du transfert de M. A... vers l'Autriche au motif d'une méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. En exécution du réexamen enjoint par la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen, M. A...a été convoqué à la préfecture de la Seine-Maritime et un nouvel entretien a eu lieu le 6 juin 2018. Il est par ailleurs mentionné que le réexamen plus approfondi de la situation de l'intéressé ne remet pas en cause la décision de transfert auprès des autorités autrichiennes. En outre, il ressort du résumé de l'entretien individuel que M. A...n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause son transfert vers l'Autriche. Dès lors, l'autorité de la chose jugée, qui s'attache au dispositif de ce jugement du 30 avril 2018 et au motif qui en est le soutien nécessaire, ne faisait pas obstacle à ce que la préfète de la Seine-Maritime, après avoir procédé à un nouvel examen de la situation de M.A..., prenne à nouveau à son encontre une décision de transfert aux autorités autrichiennes, sans qu'il soit nécessaire de saisir les autorités autrichiennes d'une nouvelle demande de reprise en charge de l'intéressé.
13. Ensuite, il ressort des pièces du dossier que M.A..., comme il vient d'être dit, a bénéficié d'un nouvel entretien individuel le 6 juin 2018, dont il a signé le résumé et au cours duquel il a pu faire valoir ses observations, ce que le requérant ne remet d'ailleurs pas en cause. La circonstance que l'identité de l'agent ne soit pas mentionné sur le compte-rendu n'est pas de nature à entacher d'illégalité la procédure. En effet, aucune disposition n'impose que soit portée la mention, sur le compte-rendu individuel de l'identité de l'agent qui a conduit l'entretien et en l'absence d'élément permettant d'en douter, il doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national pour mener l'entretien prévu par les dispositions citées au point précédent et pour permettre au préfet de déterminer l'Etat responsable. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
14. Pour le reste, si M. A...soutient que le paragraphe 4 de l'article 4 de la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale, qui impose aux Etats membres de former les agents qui instruisent les demandes d'asile et de s'assurer qu'ils disposent des connaissances appropriées s'agissant de la mise en oeuvre du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013, n'a pas fait l'objet, dans le délai imparti, d'une transposition suffisante en droit interne, faute de dispositions nationales précisant que l'entretien individuel est mené par une " personne qualifiée en vertu du droit national " disposant " des connaissances appropriées " ou ayant reçu la " formation nécessaire pour remplir ses obligations ", les articles 5 et 35 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 citées au point 5 comportent des dispositions identiques, qui sont directement applicables en droit interne. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'agent de la préfecture qui a mené l'entretien avec M. A...n'aurait pas bénéficié de la formation nécessaire Par suite, ces moyens doivent, en tout état de cause, être écarté.
15. L'article 4 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 prévoit que : " 1. Les Etats membres désignent pour toutes les procédures une autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes conformément à la présente directive. Les Etats membres veillent à ce que cette autorité dispose des moyens appropriés, y compris un personnel compétent en nombre suffisant, pour accomplir ses tâches conformément à la présente directive. / 2. Les Etats membres peuvent prévoir qu'une autorité autre que celle mentionnée au paragraphe 1 est responsable lorsqu'il s'agit: a) de traiter les cas en vertu du règlement (UE) n° 604/2013, et / (...) / 4. Lorsqu'une autorité est désignée conformément au paragraphe 2, les Etats membres veillent à ce que le personnel de cette autorité dispose des connaissances appropriées ou reçoive la formation nécessaire pour remplir ses obligations lors de la mise en oeuvre de la présente directive. ".
16. Ces dispositions n'imposent pas aux Etats membres d'adopter des dispositions normatives en vue de prévoir de manière formelle les modalités de la formation des agents chargés de recevoir en entretien individuel les demandeurs d'asile dans le cadre de la mise en oeuvre du règlement (UE) n° 604/2013. En effet, les dispositions invoquées imposent uniquement que les entretiens individuels soient effectivement menés par une personne disposant des connaissances adéquates, ce qui peut résulter soit du suivi d'une formation spécifique, soit de compétences déjà détenues par l'agent. En l'espèce, aucun élément du dossier ne permet de faire présumer que l'agent de la préfecture de la Seine-Maritime ayant mené l'entretien individuel de M. A...n'aurait pas disposé des qualifications nécessaires pour réaliser un tel entretien dans le respect des exigences posées par le règlement (UE) n° 604/2013. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 doit être écarté.
17. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013: " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 de ce règlement, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
18. M. A...se borne à soutenir que les autorités autrichiennes, qui ont accepté de le reprendre en charge, auraient rejeté sa demande d'asile, et qu'il craint pour sa sécurité en cas de retour en Afghanistan. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les autorités autrichiennes ont accepté la reprise en charge de l'intéressé sur le fondement du b) du paragraphe premier de l'article 18 du règlement n° 604/2013, qui concerne la reprise en charge lorsque la demande est en cours d'examen. L'intéressé n'établit pas non plus la réalité des risques qu'il encourt, ni ne verse au dossier aucun élément tendant à établir qu'il aurait fait l'objet en Autriche d'une décision d'éloignement vers son pays d'origine dont l'exécution serait inévitable. M. A...ne justifie pas également d'une vie privée et familiale stable en France, ni de l'impossibilité de retourner en Autriche. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision de remise aux autorités autrichiennes méconnaitrait l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
19. Pour les mêmes motifs que ceux cités au point précédent, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lequel " nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants ", ne peut qu'être écarté.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., au ministre de l'intérieur et à Me B...C....
Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Seine-Maritime.
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N°18DA01663
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