Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mai 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 23 mai 2018, M. A...C..., représenté par Me D...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 juillet 2017 par lequel le préfet de l'Eure lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant kosovar né le 6 juillet 1993, relève appel du jugement du 9 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2017 par lequel le préfet de l'Eure lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".
3. M. C...déclare être entrée en France le 8 juin 2016 et fait valoir qu'il vit depuis cette date sur le territoire français, avec son épouse, dont l'état de santé nécessité des soins en France, qu'il n'a plus aucun lien avec sa famille, demeurée au Kosovo, qu'il est bien intégré en France, et qu'il justifie d'une promesse d'embauche en qualité de technicien de fabrication dans la construction mécanique et le travail des métaux, en qualité de " responsable de chantier - métreur - poseur de fermetures menuisées ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré en France une année seulement avant la date de la décision attaquée, qu'il est sans charge de famille sur le territoire français, et que son épouse, de même nationalité, n'était pas non plus en possession, à la date de la décision attaquée, d'un titre de séjour pérenne. En outre, M. C...n'établit ni que son épouse ne pourrait être suivie sur le plan médical dans leur pays d'origine, ni qu'il serait dépourvu de toute attache familiale au Kosovo, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-trois ans, nonobstant la circonstance, qu'il allègue sans d'ailleurs l'établir, qu'il entretiendrait des relations conflictuelles avec sa famille proche demeurant au.... et qu'il serait en conséquence exposé à des risques pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine, il ne l'établit pas Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer au Kosovo. M. C... ne justifie, de plus, d'aucune intégration professionnelle ou sociale d'une particulière intensité malgré la promesse d'embauche dont il fait état. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ". Ces dispositions permettent la délivrance de deux titres de séjour de nature différente que sont, d'une part, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, d'autre part, la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale", ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" est envisageable. Un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité figurant dans la liste annexée à l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
5. D'une part, si M. C...fait valoir qu'il justifie de considérations humanitaires en raison des persécutions qu'il aurait subies dans son pays d'origine par des membres de sa famille, il ne les établit pas. D'ailleurs, tant l'Office de protection des réfugiés et apatrides que la Cour nationale du droit d'asile ont écarté ses arguments à ce titre par des décisions respectivement en date des 31 octobre 2016 et 24 février 2017. Dès lors, pour ce motif et pour ceux exposés au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une considération humanitaire ou un motif exceptionnel au sens des dispositions citées au point 4 justifierait la délivrance à M. C...d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". D'autre part, si M. C... fait aussi valoir qu'il dispose d'une promesse d'embauche en qualité de technicien de fabrication dans la construction mécanique et le travail des métaux, en qualité de " responsable de chantier - métreur - poseur de fermetures menuisées ", cette seule circonstance ne peut suffire à caractériser un motif exceptionnel au sens des dispositions citées au point 4 pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 5, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision litigieuse sur sa situation personnelle doit être écarté.
7. En quatrième lieu, M. C...soutient que la décision en litige est entachée d'une erreur de fait quant à la situation administrative de son épouse, il résulte toutefois de l'instruction que le préfet de l'Eure aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les autres motifs retenus dans la décision contestée, dont ceux mentionnés aux points 2 à 5 qui ne sont pas entachés d'illégalité, ainsi qu'il a été dit. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.
8. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Eure n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de M.C..., nonobstant l'erreur de fait citée au point 7. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision par laquelle le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour est entachée d'illégalité.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Tout d'abord, il résulte de ce qui a été au point 9 que M. C...n'établit pas que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé serait entaché d'illégalité. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français qui assortit ce refus serait dépourvue de base légale. Dès lors, le moyen doit être écarté.
11. Ensuite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision litigieuse sur sa situation personnelle doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 5.
12. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision par laquelle le préfet de l'Eure lui a fait obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.
Sur la décision fixant le pays de destination :
13. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
14. Si M. C...allègue qu'il a quitté le Kosovo en raison d'une situation familiale conflictuelle résultant de la désapprobation de son mariage par sa famille proche demeurant au.... et qu'il serait en conséquence exposé à des risques pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine, il ne l'établit pas D'ailleurs, sa demande d'asile, au soutien de laquelle il avait fait valoir ces mêmes arguments, a été rejetée par une décision du 31 octobre 2016 par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile, par une décision du 24 février 2017. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C...serait exposé à des risques personnels, directs et actuels en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet de l'Eure, M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2017 par lequel le préfet de l'Eure lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de l'éloignement. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. C...la somme demandée par le préfet de l'Eure sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du préfet de l'Eure présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., au ministre de l'intérieur, et à Me D...B.... et qu'il serait en conséquence exposé à des risques pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine, il ne l'établit pas
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.
N°18DA00936 2