Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 11 mai 2018 sous le n° 18DA00952, MmeC..., représentée par Me D...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 22 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-sénégalais relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal signé à Dakar le 23 septembre 2006 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les deux requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu, dès lors, de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
2. MmeC..., de nationalité sénégalaise, née le 21 mars 1993, est entrée régulièrement en France le 16 décembre 2013, munie de son passeport revêtu d'un visa de court séjour. Par un arrêté du 17 octobre 2014, le préfet du Val-d'Oise a refusé son admission au séjour en France et l'a obligée à quitter le territoire français. Le 17 août 2017, Mme C...a, de nouveau, sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 22 décembre 2017, le préfet de l'Eure a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Mme C...relève appel du jugement du 12 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 22 décembre 2017 et demande également à ce qu'il soit sursis à son exécution.
3. La décision de refus de titre de séjour énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
4. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". En ce qui concerne les ressortissants sénégalais, s'appliquent les stipulations de la convention du 1er août 1995 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes ainsi que celles de l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, telles que modifiées par un avenant signé le 25 février 2008.
5. Aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue du point 31 de l'article 3 de l'avenant signé le 25 février 2008 : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : / - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; / - soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels ".
6. L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dispose, en son premier alinéa, que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".
7. Les stipulations du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 précité.
8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme C...a présenté à l'appui de sa demande de titre de séjour une promesse d'embauche en qualité d'assistante commerciale au sein de la société AMD, spécialisée dans la mécanique de pointe, qui souhaite se développer sur le marché sénégalais. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'expérience professionnelle qu'invoque la requérante se limite à des stages scolaires de courte durée, effectués dans le cadre de sa 1ère année de brevet de technicien supérieur, diplôme qu'elle n'a au demeurant pas obtenu. En tout état de cause, le métier d'assistante commerciale ne figure pas dans la liste fixée en annexe IV de l'Accord. Dans ces conditions, le préfet de l'Eure n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation professionnelle de Mme C...au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. D'autre part, Mme C...fait valoir qu'elle vit en concubinage depuis juillet 2017 avec un ressortissant français, qu'elle a développé un réseau relationnel en France et que des membres de sa famille y vivent également. Toutefois, le concubinage, qui n'est étayé que par une seule attestation d'hébergement, présente un caractère très récent à la date de l'arrêté en litige. Il n'est en outre pas contesté par Mme C...ni que sa mère, son père, son frère et son demi-frère sont en situation irrégulière sur le territoire français, ni qu'elle dispose toujours d'attaches familiales au Sénégal, où vivent quinze de ses frères et soeurs. Elle ne justifie pas davantage d'une insertion sociale ou professionnelle intense et sérieuse. Dans ces conditions, le préfet de l'Eure n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de Mme C...au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Pour les mêmes raisons citées au point précédent, l'arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire n'a pas porté au droit de Mme C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur les conclusions de Mme C...tendant à l'annulation du jugement du 12 avril 2018, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 18DA00953 de Mme C....
Article 2 : La requête n° 18DA00952 de Mme C...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Eure.
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N°s18DA00952, 18DA00953
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N°"Numéro"