Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 mai 2018, M.C..., représenté par Me E...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 février 2018 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces arrêtés du 7 février 2018 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., de nationalité congolaise (République du Congo), né le 20 décembre 1974, est entré régulièrement en France le 15 juin 2017 sous couvert de son passeport national revêtu d'un visa de court séjour valable du 30 décembre 2016 au 27 juin 2017. Il s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de son visa et a été interpellé par les forces de l'ordre le 7 février 2018 lors d'un contrôle d'identité. Par un arrêté du 7 février 2018, la préfète de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par un second arrêté du même jour, elle l'a assigné à résidence. M. C...relève appel du jugement du 12 février 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort du point 7 du jugement attaqué que le premier juge a répondu au moyen tiré de ce que le préfet n'avait pas pris en compte le fait que le requérant était père d'un enfant français. Par suite, le jugement n'est entaché d'aucune omission à statuer.
Sur les moyens communs aux arrêtés du 7 février 2018 :
3. Par l'article 4 de l'arrêté du 9 janvier 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, la préfète de la Seine-Maritime a donné délégation, en cas d'absence du chef du bureau de l'éloignement, à Mme D...A..., adjointe au chef du bureau de l'éloignement, pour signer les mesures d'éloignement et les arrêtés d'assignation à résidence. Le requérant ne peut utilement se prévaloir des délégations de signature concernant le bureau de l'asile de la préfecture. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire des arrêtés en litige doit être écarté.
4. La décision obligeant à quitter le territoire français, celle refusant à M. C...un délai de départ volontaire, celle fixant le pays de destination et celle prononçant son assignation à résidence comportent les considérations de fait et de droit sur lesquels elles se fondent. Par suite, les moyens tirés de leur insuffisance de motivation doivent être écartés. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation du requérant avant de prendre chacune de ces décisions.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. C...a été entendu préalablement à l'édiction des différentes mesures contenues dans les deux arrêtés contestés, comme en témoigne le procès-verbal d'audition du 7 février 2018. A cette occasion, il lui a été demandé s'il se rendrait à l'embarquement à destination de son pays d'origine ou se présenterait à son consulat en cas de demande de laissez-passer consulaire. M. C...a aussi été interrogé sur ses liens en France et sa situation familiale ainsi que sur l'éventualité d'une mesure d'assignation à résidence. Il ainsi a pu présenter les observations qu'il jugeait utiles. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu préalablement à l'édiction d'une mesure d'éloignement, conformément à l'article 41 de la Charte sur les droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté.
Sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français :
6. Indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une telle mesure à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse lui être fait légalement obligation de quitter le territoire français.
7. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; ". Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; ". En vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. C...a reconnu le 6 février 2007 une enfant née d'une mère française le 9 mai 2016. En se bornant à produire des " mandats cash " datant des 18 janvier 2016, 18 janvier 2017, 10 mai 2017 et 9 mars 2018 et une attestation très peu circonstanciée de la mère de l'enfant, il n'établit pas de façon suffisamment probante le caractère effectif de sa contribution financière à l'entretien de l'enfant et son implication dans son éducation. S'il verse en cause d'appel, sans aucune précision dans ses écritures, un courrier du juge aux affaires familiales faisant état de la tenue d'une audience le 5 avril 2018, il ressort des termes de ce courrier que la demande adressée au juge émane de la mère de l'enfant et non de M. C.... Dans ces circonstances, M. C...n'est pas fondé à soutenir qu'il bénéficierait d'un droit au séjour qu'il tiendrait des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ferait obstacle à son éloignement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. C...ne réside en France que depuis le 15 juin 2017. S'il se prévaut de la présence en France de plusieurs membres de sa famille, notamment sa mère et son frère, il ne justifie pas entretenir de liens avec eux. Il a d'ailleurs été assigné à résidence chez l'une de ses cousines. Comme cela a été dit au point 8 ci-dessus, il ne démontre pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Il n'établit pas davantage être dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine. Par suite, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, la préfète n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. C....
10. M. C... ne peut utilement se prévaloir du principe de non-refoulement énoncé par les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève dès lors que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas pour objet de déterminer le pays à destination duquel il sera renvoyé et n'a pas non plus pour effet, par elle-même, de le contraindre à retourner dans son pays d'origine.
Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :
11. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire serait privée de base légale.
12. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, d'écarter le moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008.
13. Il y a lieu également, par adoption du motif retenu par le premier juge, d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance par l'administration des dispositions du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste qu'aurait commise la préfète dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M.C....
Sur la décision fixant le pays de destination :
15. M. C...soutient qu'il encourt des risques de persécution en cas de retour au Congo, dans la mesure où un retour forcé dans son pays conduirait les autorités à l'interroger sur sa situation et celle de sa famille, dont certains membres ont la qualité de réfugié en France. Toutefois, il ne verse au dossier aucun élément probant de nature à établir qu'il serait exposé personnellement à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Il n'a d'ailleurs jamais sollicité l'asile en France. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur la décision prononçant une assignation à résidence :
16. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision l'assignant à résidence serait privée de base légale.
17. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le premier juge, d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision contestée.
18. Il ressort de l'arrêté assignant M. C...à résidence qu'il " ne peut quitter les communes de la circonscription de sécurité publique du Havre sans autorisation administrative ". L'intéressé pouvait en conséquence solliciter une autorisation pour quitter la circonscription de sécurité publique du Havre pour assister à l'audience du tribunal administratif de Rouen à laquelle son affaire devait être appelée. Il n'est d'ailleurs ni établi, ni même allégué, qu'une telle autorisation lui aurait été refusée ou qu'il aurait accompli des diligences auprès des services de la préfecture de la Seine-Maritime afin de l'obtenir. Par suite, le moyen tiré de la rupture d'égalité par rapport aux étrangers assignés à résidence à Rouen doit, en tout état de cause, être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...C..., au ministre de l'intérieur et à Me E...B....
Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Seine-Maritime.
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N°18DA01084
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