Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mai 2018, MmeF..., représentée par Me C...E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime, en cas de reconnaissance du bien-fondé de la requête, de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an et portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, dans l'hypothèse où seul un moyen d'illégalité externe serait retenu, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeF..., ressortissante malgache née le 9 juin 1981, est entrée sur le territoire français le 11 août 2017, munie d'un visa de court séjour. Par un arrêté du 20 décembre 2017, la préfète de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme F...relève appel du jugement du 22 février 2018, par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation cet arrêté.
Sur la légalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
2. Il ressort des pièces du dossier que Mme F...a déposé un dossier à la mairie d'Elbeuf-sur-Seine en vue de son mariage avec M. D...B.... Le 30 octobre 2017, le tribunal de grande instance de Rouen a sursis à la célébration de son mariage avec M. D...B..., puis elle a été convoquée par les services de police, le 13 décembre 2017, dans le cadre d'une enquête ouverte à la demande du procureur de la République. Sept jours après, le 20 décembre 2017, elle s'est vu notifier l'arrêté en litige portant obligation de quitter le territoire français. Aucune date n'était alors fixée pour la célébration du mariage et les bans n'avaient pas été publiés. C'est, en outre, seulement à l'occasion de son audition par les services de police que l'irrégularité du séjour en France de Mme F...a été constatée et portée à la connaissance de la préfète de la Seine-Maritime, laquelle n'avait donc pas connaissance, avant cette date, du caractère irrégulier de son séjour en France. La préfète a ensuite vérifié, comme elle le devait, que la mesure en cause ne portait pas une atteinte disproportionnée à la vie familiale de MmeF.... Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme ayant revêtu un caractère précipité et n'a pas eu pour motif déterminant de faire obstacle au mariage de Mme F...et non de mettre un terme à la présence irrégulière de l'intéressée sur le territoire nationale. Par suite, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
3. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier et des motifs de la décision en litige que la préfète de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de MmeF....
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
5. Mme F...fait état de sa présence en France depuis le 11 août 2017. Elle se prévaut de son concubinage depuis octobre 2017 avec un ressortissant français, rencontré peu de temps après son arrivée, et avec lequel elle souhaite se marier. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la relation alléguée était très récente à la date de l'arrêté en litige. En outre, Mme F... n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales à Madagascar, où résident ses deux filles ainsi que sa mère, et où elle-même a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans. Ainsi, compte-tenu de la durée et des conditions du séjour de l'intéressée en France, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquelles la décision a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de celle-ci sur la situation personnelle de la requérante.
6. Il résulte de ce qu'il précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
7. En premier lieu, ainsi qu'il a été indiqué au point 5, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné :/(...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
9. MmeF..., qui n'a pas sollicité l'asile lors de son arrivée en France, ne produit aucun élément probant de nature à établir la réalité des risques personnels, directs et actuels qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine. Lors de son audition par les services de police le 13 décembre 2017, elle a, au demeurant, déclaré être venue en France pour des vacances, afin de rendre visite à un cousin. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que, lorsque la préfète de la Seine-Maritime a pris à l'encontre de Mme F...l'obligation de quitter le territoire français contestée, cette dernière a été auditionnée par les services de police. Au cours de l'entretien, l'intéressée, qui a déclaré parler le français, a été entendue sur son entrée et son séjour irréguliers sur le territoire français ainsi que sa situation familiale. Ainsi, Mme F...n'a pas été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de cette décision. Par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue.
11. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 4 du présent arrêt, la décision fixant le pays de destination n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de MmeF....
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...F..., au ministre de l'intérieur et à Me C...E....
Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Seine-Maritime.
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N°18DA01049
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