Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2018, et un mémoire en réplique, enregistré le 22 mai 2019, M. B... A..., représenté par MeC..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 30 mai 2018 par lequel le préfet de l'Eure lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour de dix ans ou, à tout le moins, de procéder au réexamen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,
- et les observations de MeC..., représentant M. B... A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant algérien né le 27 février 1972, déclare être entré en France le 10 juillet 2001. Le 3 mai 2017, il a sollicité le renouvellement d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Il relève appel du jugement du 20 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mai 2018 par lequel le préfet de l'Eure lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision attaquée, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est ainsi suffisamment motivée. Le moyen tiré de son insuffisante motivation doit, par suite, être écarté.
3. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué fait état des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé en France, de son état de santé, ainsi que de sa situation personnelle, professionnelle et familiale. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Eure n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle. Par suite, le moyen invoqué doit être écarté.
4. En troisième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'une des stipulations de l'accord franco-algérien, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code ou stipulation de cet accord. Par suite, dès lors que le requérant n'avait pas expressément saisi le préfet d'une demande de titre sur le fondement des stipulations du h) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien et que le préfet de l'Eure n'a pas examiné d'office le droit au séjour de l'intéressé sur ce fondement, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut être utilement invoqué.
5. En cinquième lieu, aux termes du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...) ". Dès lors que le requérant n'avait pas non plus expressément saisi le préfet de l'Eure d'une demande de titre sur le fondement de ces stipulations et que le préfet n'a pas examiné d'office le droit au séjour de l'intéressé sur ce fondement, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut être utilement invoqué. En tout état de cause, si M. A... fait valoir qu'il est entré en France le 10 juillet 2001 et qu'il réside sur le territoire français de manière continue depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, il ne produit aucun document pour les années 2001 à 2008, et se borne à produire, au titre de l'année 2008, deux duplicata établis le 18 septembre 2018 par le même médecin psychiatre, pour deux ordonnances indiquées comme datées des 3 septembre et 11 décembre 2008, pour l'année 2009, un avis d'impôts sur le revenu et un document relatif à un abonnement de transport, pour l'année 2010, une attestation de changement de forfait de carte de transport établie le 11 septembre 2018, ainsi qu'un avis d'impôt sur le revenu et des résultats d'analyse médicale, et pour l'année 2011, un avis d'imposition et une attestation de changement de forfait de carte de transport établie le 11 septembre 2018. Ces seuls documents ne permettent pas de justifier que M. A...résidait en France durant les années 2008 à 2011. Par suite, faute pour l'intéressé de justifier par tout moyen qu'il résidait en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, le moyen tiré de la violation du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit, en tout état de cause, être écarté.
6. En sixième lieu, si l'appelant soutient que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de fait dès lors que le préfet de l'Eure a fait référence à un contrat à durée déterminée de chauffeur poids lourds alors qu'il bénéficierait d'un contrat à durée indéterminée, il ressort de la fiche de renseignements datée du 3 mai 2018 qu'il a lui-même remplie qu'il y mentionnait un contrat à durée déterminée valable du 15 janvier 2018 au 15 juillet 2018. S'il a produit en première instance un contrat à durée indéterminée, celui-ci, daté du 1er juillet 2018, soit postérieurement à la date de l'arrêté attaqué, ne pouvait être pris en compte par le préfet de l'Eure. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait ne peut qu'être écarté.
7. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A...est marié avec une ressortissante algérienne résidant en Algérie avec leurs deux enfants nés les 18 septembre 2014 et 26 septembre 2015, et que ses parents et ses frères et soeurs y résident également. Dans ces circonstances, en dépit du fait que M. A...justifie, sous réserve de ce qui a été dit aux points 4 à 6, d'une certaine insertion en France sur le plan professionnel, il n'apparaît pas que l'arrêté attaqué soit entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
8. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de la décision du préfet de l'Eure lui refusant la délivrance un titre de séjour.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement :
9. Aux termes du h) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 octobre 1968 modifié : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit (...) : / h) Au ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une validité d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", (...) lorsqu'il justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France ". M. A... produit une autorisation provisoire de séjour délivrée le 25 septembre 2012 valable jusqu'au 24 décembre 2012, une autorisation provisoire de séjour délivrée le 26 décembre 2012 valable jusqu'au 19 février 2013, un récépissé de demande de carte de séjour délivré le 18 février 2013 valable jusqu'au 17 juin 2013, un récépissé de demande de carte de séjour délivré le 11 février 2014, valable jusqu'au 10 juin 2014, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 28 avril 2016 au 27 avril 2017, un récépissé de demande de carte de séjour délivré le 31 octobre 2017 valable jusqu'au 30 janvier 2018, ainsi que, pour la première fois en cause d'appel, la copie d'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " valable du 21 juillet 2014 au 20 juillet 2015. En outre, s'il est vrai que les périodes du 18 juin 2013 au 10 février 2014 et du 21 juillet 2015 au 27 avril 2016 ne sont pas couvertes par les titres et autorisations provisoires de séjour précités, toutefois, d'une part, pour la première période, il ressort du récépissé de demande de carte de séjour délivré le 11 février 2014, valable jusqu'au 10 juin 2014, précité, que celui-ci mentionne que l'intéressé possédait alors un titre de séjour n° 9900098246 délivré à Evreux expirant le 24 février 2014, et, d'autre part, les documents qu'il produit, autres que des titres de séjour ou récépissés de demande de titre séjour, sont de nature à démontrer sa résidence régulière ininterrompue, sous réserve de coupures n'excédant pas quelques semaines, durant ces périodes. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, M. A... doit être regardé comme justifiant, à la date de l'arrêté attaqué, de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France. Il s'ensuit que M. A... pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de plein droit sur le fondement du h) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 octobre 1968 précité. Par suite, cette circonstance faisait obstacle à ce qu'il fasse l'objet d'une mesure d'éloignement. Il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination de cette mesure, doivent être annulées.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
10. Compte tenu de ce qui précède, la présente décision n'implique pas la délivrance d'un titre de séjour à M.A..., en particulier pas, pour les motifs exposés au point 5, un titre de séjour de dix ans, ainsi qu'il le demande. En revanche, aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ". En application de ces dispositions, et compte tenu de ce qui a été dit au point 9, l'annulation de la décision du préfet de l'Eure du 30 mai 2018 faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français implique nécessairement que le préfet de l'Eure statue à nouveau sur son cas, ainsi qu'il le demande, et lui délivre une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la décision fixant le pays de destination de cette mesure, et à ce que le préfet de l'Eure procède au réexamen de sa situation.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. A...à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Les décisions du préfet de l'Eure du 30 mai 2018 faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement, sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Eure de procéder au réexamen de la situation de M. A... et de statuer à nouveau sur son cas.
Article 3 : Le jugement n° 1803115 du 20 novembre 2018 du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il est contraire aux articles 1er et 2 de la présente décision.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. A...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Eure.
N°18DA02486 5