Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 juillet 2018, M. B...C..., représenté par Me A...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 janvier 2018 et la décision du 7 février 2018 retenant son passeport ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui restituer son passeport sous le même délai et sous la même astreinte.
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...C..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 26 février 1980, serait selon ses déclarations entré irrégulièrement en France le 9 février 2012. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français pour les réfugiés et apatrides le 22 octobre 2012, notifiée le 20 novembre 2012 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 10 octobre 2013, notifiée le 18 octobre 2013. Il a obtenu un titre de séjour " étranger malade " le 27 juin 2013, régulièrement renouvelé jusqu'au 26 juillet 2017. Le 24 mai 2017, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le même fondement. Par un arrêté du 17 janvier 2018, le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a enjoint de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et lui a retenu son passeport par une décision du 7 février 2018. M. B...C...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort de l'examen des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rouen a répondu au moyen tiré par M. C...de l'insuffisante motivation de la décision par laquelle le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, en estimant l'arrêté comportait les considération de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il suit de là qu'il n'est pas établi que ce jugement serait entaché d'une omission de réponse aux moyens qui étaient soumis aux premiers juges.
3. Si M. C...soutient que les premiers juges se seraient livrés à une appréciation erronée des pièces du dossier, cette circonstance, à la supposer établie, n'affecte pas la régularité du jugement, mais seulement son bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait dénaturé les pièces du dossier ne peut en tout état de cause qu'être écarté.
Sur le refus du titre de séjour :
4. La décision contestée comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquels elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
5. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier et des motifs de la décision en litige que la préfète de l'Eure n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de la situation de M.C....
6. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". . Aux termes de l'article R 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ".
7. Il ne ressort pas des dispositions précitées que le médecin rapporteur ou le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doivent obligatoirement convoquer le demandeur avant de rendre leur rapport et avis sur sa situation médicale. Par suite, la circonstance que M. C...n'ait pas été personnellement convoqué par le collège de médecins ne suffit à elle seule à entraîner une méconnaissance des dispositions précitées.
8. Il ressort des pièces du dossier que dans son avis du 28 novembre 2017, le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. C...nécessitait une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le requérant, qui n'apporte aucun élément de nature à contredire cette appréciation, se borne à soutenir qu'il ne pourrait bénéficier de soins appropriés en Républiques démocratique du Congo et n'établit ainsi pas, alors que la charge d'une telle preuve lui incombe, que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Ces éléments ne sont pas de nature à établir qu'il ne pourrait pas disposer dans son pays d'origine d'un accès à des médicaments et à des structures sanitaires aptes à lui prodiguer les soins que requiert son état de santé. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".
10. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant par là-même des motifs exceptionnels exigés par la loi. Il appartient en effet à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger, ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
11. Il ressort des pièces du dossier que M.C..., qui est célibataire et sans enfant, ne justifie pas d'une vie privée et familiale ancienne, intense et stable en France, et notamment pas d'une particulière insertion sociale ou professionnelle, et ne démontre pas être dépourvu de tout lien dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans. S'il est établi par les pièces du dossier que M. C...a travaillé pendant quatre mois seulement d'avril 2014 à août 2014, qu'il a aussi bénéficié de plusieurs formations, qu'il a perçu des aides en tant que travailleur handicapé et qu'il est suivi médicalement depuis février 2017, ces éléments ne suffisent pas toutefois pas à établir que son admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doivent être écartés.
Sur le pays de destination :
12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
13. M. C..., qui se borne à alléguer, sans apporter aucune précision circonstanciée ni produire aucune pièce nouvelle au soutien de cette assertion, qu'il ne saurait, sans mettre sa vie en danger, retourner dans son pays d'origine, où il aurait été victime de violences, et que de menaces très graves y auraient été formulées à son endroit, n'établit pas ainsi de manière probante qu'il pourrait être actuellement et personnellement exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en République démocratique du Congo. Au demeurant, comme il a été dit au point 1, la demande d'asile que M. C... a formée a été rejetée. Par suite, et alors qu'aucune des pièces du dossier n'est de nature à révéler que l'autorité préfectorale aurait pu se croire à tort liée par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile, le moyen tiré de ce que, pour désigner la République démocratique du Congo comme le pays à destination duquel l'intéressé pourrait être reconduit d'office, le préfet de l'Eure aurait méconnu les dispositions précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la retenue du passeport :
14. En vertu des dispositions de l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative compétente, les services de police et les unités de gendarmerie sont habilités à retenir le passeport ou le document de voyage des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière à qui ils remettent en échange un récépissé valant justification de leur identité et sur lequel sont mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution du document retenu.
15. La décision en litige est signée de Mme Stéphanie Barbarin, secrétaire administrative au bureau migration et intégration de la préfecture de l'Eure, à laquelle délégation a été accordée par l'arrêté n°SCAED-17-114 du 2 janvier 2018 du préfet de l'Eure, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Eure, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement du directeur des relations avec les usagers et mission supports et de la cheffe du bureau migration et intégration ou dans les cas de permanences, dans la limite des attributions du bureau, tous documents, correspondances administratives courantes, certificats, documents de séjour et d'identité. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été signée par une autorité qui n'avait pas compétence pour ce faire doit être écarté.
16. Ainsi que cela a été indiqué aux points précédents, l'arrêté attaqué du 17 janvier 2018 n'est pas entaché d'illégalité et M. C...se trouvait, par voie de conséquence, en situation irrégulière sur le territoire français à la date de la décision retenant son passeport. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cet arrêté, soulevé à l'encontre de la décision attaquée doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., au ministre de l'intérieur et à Me A...D....
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Eure.
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N°18DA01445
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