Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 septembre 2019, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2019 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure, à titre principal de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante angolaise, née le 27 juillet 1956, est entrée régulièrement sur le territoire national le 25 décembre 2018. Elle a demandé à bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en raison de son état de santé. Toutefois le préfet de l'Eure, par arrêté du 3 septembre 2019, a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 27 février 2020 du tribunal administratif de Rouen ayant notamment rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision par laquelle le préfet de l'Eure a rejeté la demande de titre de séjour de Mme B... n'est pas stéréotypée. Elle comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est donc suffisamment motivée. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être rejeté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate (...) ".
4. Lorsque l'avis médical porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire.
5. Pour contester la régularité de l'avis du 24 juillet 2019 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, l'appelante affirme qu'il a été signé électroniquement par les médecins via la plateforme du logiciel de traitement informatique Themis. Toutefois il ressort des pièces du dossier que l'avis du 24 juillet 2019 concernant Mme B..., a été manuscritement signé par les trois médecins composant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), et il comporte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ". Par suite, et sans qu'il soit besoin de solliciter l'administration pour que soient communiqués les extraits du logiciel de traitement informatique Themis, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de la garantie tirée du débat collégial du collège de médecins de l'OFII qui résulte des dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. La circonstance que le préfet n'a pas communiqué la fiche relative à l'Angola contenue dans la bibliothèque d'information santé sur le pays d'origine qui aurait été utilisée par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour émettre son avis, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige, dès lors qu'aucune disposition ni aucun principe n'impose une telle communication préalablement à l'intervention d'une décision de refus de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.
7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision attaquée, que le préfet de l'Eure a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme B....
8. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Eure, qui s'est approprié l'avis du 24 juillet 2019 émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, s'est estimé en situation de compétence liée au regard de cet avis. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
9. Il ne ressort pas plus des pièces du dossier et notamment ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce, que le préfet de l'Eure n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme B... avant de prendre la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation particulière de l'intéressée doit être écarté.
10. En cinquième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un certificat de résidence. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un certificat de résidence dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
11. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité par Mme B..., le préfet de l'Eure s'est notamment fondé sur l'avis du 24 juillet 2019 du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration précisant que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers ce pays.
12. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'une hypertension artérielle, compliquée d'un accident vasculaire cérébral. Elle fait valoir que ses affections ne permettront pas de bénéficier, en Angola, d'une prise en charge appropriée. Les certificats médicaux du Dr Picot, médecin généraliste des 25 octobre 2019 et 17 janvier 2020, font état de la nécessité d'un traitement médical par des médicaments dont il n'atteste pas de l'indisponibilité en Angola. Le certificat médical du Dr Manuel Panzo, praticien d'une clinique de Luanda du 5 novembre 2019, dont la spécialité n'est pas précisée, certifie l'indisponibilité des médicaments prescrits en France à l'intéressée. Il ne permet cependant pas de démontrer de manière suffisamment probante et dûment circonstanciée, qu'une offre de tels soins ne serait pas disponible en Angola. Si Mme B... produit en appel un nouveau certificat médical du Dr Lucio Da Silva en date du 27 mai 2020, outre qu'il comporte une erreur dans l'adresse de ce praticien son logo est illisible, il n'apporte aucun élément d'information complémentaire. Bien plus il affirme que les " médicaments " qu'il liste sont indisponibles en Angola en citant le " Teva Sante " qui n'est nullement un médicament mais un laboratoire pharmaceutique et le " Chlorhydrate " qui n'est pas un médicament mais une molécule entrant dans la composition de certains médicaments, les médicaments cités par ailleurs étant présents dans les médicaments essentiels de l'Angola. Les éléments ainsi produits par l'intéressée n'apportent pas d'éléments probants et suffisants pour contredire l'avis émis par le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration et permettre de considérer que l'effectivité de l'accès aux soins que nécessite l'état de santé de l'intéressée ne serait pas assurée en Angola.
13. En sixième lieu, l'entrée en France le 25 décembre 2018, soit depuis moins d'un an à la date de l'arrêté contesté, de Mme B... est récente. Bien que son fils, sa belle-fille et ses trois petits-enfants soient tous de nationalité française, et présents en France le préfet de l'Eure fait valoir, sans être contredit, qu'elle n'est pas dépourvue de tout lien dans son pays d'origine dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de soixante-deux ans et où résident encore ses trois autres enfants. Enfin, comme il l'a été dit précédemment il n'est pas établi que le traitement dont elle a besoin ne serait pas disponible dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet de l'Eure a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être rejetés. La décision n'est, et pour les mêmes motifs, pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation de l'intéressée.
14. En septième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / (...) ".
15. Au regard des motifs analysés aux points 12 et 13 et qui sont repris par Mme B... à l'appui de ce moyen, cette dernière ne démontre pas pouvoir se prévaloir de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels propres à justifier une admission exceptionnelle sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet de l'Eure quant aux conséquences de sa décision sur sa situation personnelle doit être écarté.
16. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision refusant un titre de séjour est entachée d'illégalité.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
17. Compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
18. En premier lieu, lorsqu'un refus de séjour est assorti d'une obligation de quitter le territoire français, la motivation de cette dernière se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique. Il ressort de ce qui a été dit au point 7 que la décision portant refus de titre de séjour comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision litigieuse doit, par suite, être écarté.
19. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
20. Il résulte de ce qui a été dit aux points 12 et 13 que Mme B... n'apporte aucun élément de nature à contredire l'appréciation portée par le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration et par le préfet de l'Eure sur l'accessibilité des soins en Angola. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Il en va de même du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle.
21. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 et 13 les moyens tirés du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et de ce que la décision méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être rejetés.
22. Il ne ressort pas des termes de l'arrêté en litige que le préfet de l'Eure se serait estimé en situation de compétence liée pour refuser un délai de départ volontaire à Mme B....
Sur le pays de destination :
23. Il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'encourt pas l'annulation. Par suite, il n'y a pas lieu d'annuler par voie de conséquence la décision fixant le pays de destination.
24. La décision vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle précise que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision fixant le pays de renvoi. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
25. Mme B... ne verse, au dossier, aucun élément de nature à établir la réalité des risques personnels, directs et actuels qu'elle encourrait en cas de retour en Angola ainsi, il n'est pas établi que les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues.
26. Par le même motif que celui exposé au point 13 le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sera rejeté.
27. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'illégalité.
28. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal a rejeté sa demande. Par voie de conséquence il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant à verser une somme à son conseil, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me A... D... pour Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera transmise pour information au préfet de l'Eure.
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N° 20DA01394