Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2020, M. A... B..., représenté par Me C... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 février 2019 du préfet du Nord ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à défaut de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen, se disant né le 25 janvier 2001, est entré en France le 5 janvier 2018, selon ses déclarations. Il a été confié à l'aide sociale à l'enfance par ordonnance de placement provisoire du procureur de la République d'Auch du 9 février 2018, puis par jugement du tribunal de grande instance de Lille du 6 mars 2018. Il a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette demande a été rejetée par arrêté du préfet du Nord du 27 février 2019, portant également obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 14 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que cet arrêté soit annulé et à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement.
Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions :
2. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lille dans son jugement du 14 novembre 2019, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de chacune des décisions contestées, M. B... n'apportant aucun élément nouveau sur ce point en cause d'appel.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. " Le premier alinéa de l'article L. 111-6 du même code dispose que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". L'article 47 du code civil prévoit que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Enfin, aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. ". La force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... a produit un extrait d'acte de naissance, établi le 9 avril 2018, un jugement supplétif rendu le 9 avril 2018 et une carte consulaire. Le service consulaire de l'ambassade de France à Conakry, dans un courrier électronique du 1er février 2019, qu'a produit le préfet en première instance, contrairement à ce que soutient l'appelant, considère que ces actes sont apocryphes. En particulier, ce courrier souligne que le jugement supplétif a été rendu à la requête d'un tiers non habilité puisque ne disposant pas de l'autorité parentale. Si l'appelant atteste dans ses écritures, que la personne qui a demandé le jugement supplétif était son oncle, il ne l'établit pas, ni ne justifie que cette personne était détentrice de l'autorité parentale. Si l'appelant soutient par ailleurs que le jugement supplétif était exécutoire, alors que la décision préfectorale contestée indique que les délais d'appel de ce jugement n'ont pas été respectés, il n'apporte aucun autre élément pour démontrer le caractère authentique des documents qu'il a présentés. En outre, la carte consulaire obtenue par l'appelant, le 2 juillet 2018, auprès de l'ambassade de Guinée à Paris ne constitue pas un acte d'état-civil et sa force probante peut être remise en cause dès lors qu'elle a pu être obtenue sur la base des documents précités. Enfin, la circonstance que le juge des enfants du tribunal de grande instance de Lille ait confié l'intéressé à l'aide sociale à l'enfance par jugement du 6 mars 2018 n'est pas de nature à établir la minorité de l'appelant. Compte tenu de ces éléments, le préfet du Nord, qui pouvait remettre en cause l'acte d'état-civil étranger par tous moyens sans être tenu de saisir les autorités guinéennes, était fondé à considérer que M. B... ne justifiait pas avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans. L'intéressé ne remplit donc pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions mentionnées au point 3 ne peut qu'être écarté.
5. M. B... est entré en France le 5 janvier 2018 selon ses déclarations. Il fait valoir qu'à la date de la décision contestée, il avait suivi la première année de certificat d'apprentissage professionnel de monteur d'installation sanitaire en 2018/2019 et y obtenait d'excellents résultats. S'il établit qu'il est père depuis le 2 décembre 2019 d'un enfant qu'il a reconnu, cette circonstance est postérieure à la décision contestée. M. B... ne produit aucun autre élément attestant de l'intensité de son insertion dans la société française à la date de la décision contestée. S'il fait valoir le décès de ses parents, il ne l'établit pas. Par suite, compte tenu des conditions et de la durée de séjour en France, le préfet du Nord n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, au regard des buts en vue desquels la décision de refus de titre a été prise, compte tenu qu'il a produit un acte apocryphe pour justifier de son âge et de son identité. Le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, outre que la demande de titre n'était pas faite sur ce fondement, et celui tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent donc qu'être écartés. Pour le même motif, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision de refus de titre, à la date à laquelle elle a été prise, sur la situation personnelle de l'intéressé, doit être écarté
6. Il ne résulte ni de ce qui précède, ni des termes mêmes de la décision contestée et des pièces du dossier que le préfet du Nord n'ait pas procédé à un examen approfondi de la situation de M. B....
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions d'annulation de la décision lui refusant un titre de séjour.
Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que le moyen tiré de l'illégalité du refus de titre de séjour, base légale de l'obligation de quitter le territoire, ne peut qu'être écarté.
9. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. B... ne peuvent qu'être écartés.
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :
10. Il résulte de ce qui a été dit aux point 8 et 9 que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, base légale de la décision fixant le délai de départ volontaire, ne peut qu'être écarté.
11. Le délai de départ volontaire dont est assortie une obligation de quitter le territoire français, est de droit commun fixé à une durée de trente jours, en application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'appelant, qui ne fait valoir aucune circonstance justifiant que lui soit accordé un délai supérieur, n'est donc pas fondé à soutenir que cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation particulière.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
12. Il résulte de ce qui a été dit aux point 8 et 9 que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, base légale de la décision fixant le pays de renvoi, ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête, y compris ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... D... pour M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
N° 20DA01604 2