Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 avril 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 18 octobre 2018 par laquelle la rectrice de l'académie de Lille l'a révoqué ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me C... pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., recruté par contrat le 25 octobre 2004 en tant qu'assistant d'éducation-auxiliaire de vie scolaire, a été licencié par une décision du 30 mars 2006 de l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale du Nord, à la suite de sa condamnation à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis prononcée par un arrêt de la cour d'appel de Douai du 1er février 2006, pour des faits d'exhibition sexuelle commis le 30 avril 2004, peine assortie d'une interdiction d'exercer une activité professionnelle impliquant un contact avec des mineurs pendant dix années. M. A... a été reçu au concours de professeur des écoles le 29 juin 2017. Il a été nommé stagiaire à compter du 1er septembre de la même année et affecté à l'école Louis Pasteur de Fresnes sur Escaut. A l'occasion de la demande de prise en compte des services antérieurs de l'intéressé, l'administration a repris connaissance de la condamnation pénale de l'intéressé. Par un courrier du 18 juin 2018, elle a informé M. A... qu'il était suspendu à compter du même jour et qu'une procédure disciplinaire était engagée. Par un arrêté du 18 octobre 2018, la rectrice de l'académie de Lille a prononcé la révocation de M. A.... Celui-ci relève appel du jugement du 7 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 octobre 2018 par laquelle la rectrice de l'académie de Lille l'a révoqué.
2. En premier lieu, il ressort de la décision attaquée du 18 octobre 2018 que celle-ci vise notamment la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et celle du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Elle mentionne également que l'intéressé a, le 30 avril 2004, imposé à la vue de deux mineurs une exhibition sexuelle et que ces faits étaient incompatibles avec l'exercice des missions enseignantes. Par suite, la décision en litige énonçant avec suffisamment de précisions les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, le moyen tiré de son défaut de motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 10 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat. : " Lorsque l'autorité ayant pouvoir disciplinaire a prononcé une sanction de mise à la retraite d'office ou de révocation alors que celle-ci n'a pas été proposée par le conseil de discipline à la majorité des deux tiers de ses membres présents, l'intéressé peut saisir de la décision, dans le délai d'un mois à compter de la notification, la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat. / [...] L'administration lors de la notification au fonctionnaire poursuivi de la sanction dont il a fait l'objet doit communiquer à l'intéressé les informations de nature à lui permettre de déterminer si les conditions de saisine de la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat se trouvent réunies. ".
4. La circonstance que M. A... n'ait pas été informé des possibilités de recours devant la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, formalité accompagnant la notification d'une décision de sanction et donc postérieure à celle-ci, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Au demeurant, il ressort du courrier en date du 18 octobre 2018 notifiant à M. A... la décision contestée que celui-ci mentionne que cette décision a été prise à la suite de l'avis favorable du conseil de discipline, à la majorité de ses membres, à la sanction de révocation. Dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas été mis à même de déterminer si les conditions de saisine de la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat se trouvaient réunies. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 10 précité du décret du 25 octobre 1984 doit, en tout état de cause, être écarté.
5. En troisième lieu, il découle du principe général du droit selon lequel une autorité administrative ne peut sanctionner deux fois la même personne à raison des mêmes faits qu'une autorité administrative qui a pris une première décision définitive à l'égard d'une personne qui faisait l'objet de poursuites à raison de certains faits, ne peut ensuite engager de nouvelles poursuites à raison des mêmes faits en vue d'infliger une sanction.
6. Il ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Douai en date du 1er février 2006, qu'outre la peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour les faits d'exhibition sexuelle sur mineurs à laquelle il a été condamné, la cour a également prononcé à son encontre, sur le fondement du 3° de l'article L. 222-45 du code pénal, une interdiction d'exercer, pour une durée de dix ans, une activité professionnelle impliquant un contact habituel avec des mineurs. Dès lors, en prononçant, le 30 mars 2006, la rupture du contrat de recrutement de l'intéressé qui exerçait alors les fonctions d'assistant d'éducation-auxiliaire de vie scolaire, l'inspecteur d'académie du département du Nord s'est borné à tirer les conséquences de cette condamnation pénale et n'a pas infligé à M. A... une sanction disciplinaire. Par suite, c'est sans méconnaître le principe " non bis in idem " que la rectrice de l'académie de Lille a pu se fonder sur les mêmes faits pour édicter la sanction en litige. Ainsi, ce moyen doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. / Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. En cas de poursuites pénales exercées à l'encontre du fonctionnaire, ce délai est interrompu jusqu'à la décision définitive de classement sans suite, de non-lieu, d'acquittement, de relaxe ou de condamnation. Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de l'agent avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire. ".
8. Lorsqu'une loi nouvelle institue, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'une action disciplinaire dont l'exercice n'était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est immédiatement applicable aux procédures en cours mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle.
9. Si l'administration avait connaissance des faits reprochés à l'intéressé dès le mois de mars 2006 ainsi qu'il a été dit précédemment, ce n'est qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 23 avril 2016, qui a ajouté à l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 les dispositions précitées relatives au délai de prescription de trois ans, qu'un tel délai a commencé à courir. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'action disciplinaire était prescrite le 18 octobre 2018 lorsque la rectrice de l'académie de Lille a prononcé à son encontre la sanction de révocation. Ainsi, ce moyen doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 octobre 2018 par laquelle la rectrice de l'académie de Lille l'a révoqué. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... pour M. B... A... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
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N°20DA00604
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