Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire et des mémoires complémentaires, enregistrés les 13 février 2019, 19 avril 2019, 4 et 9 octobre 2020, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la délibération du jury en date du 15 juin 2016 et l'arrêté du 31 août 2016 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé son licenciement ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 ;
- l'arrêté du 22 août 2014 fixant les modalités d'évaluation et de titularisation de certains personnels stagiaires de l'enseignement du second degré relevant du ministre chargé de l'éducation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant Mme B... et le syndicat SGEN-CFDT Picardie.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., professeur de lycée professionnel stagiaire, a été autorisée, à l'issue de sa première année de stage, à accomplir une seconde année de stage au cours de l'année scolaire 2015-2016. A l'issue de celle-ci, Mme B... n'a pas été inscrite sur la liste des professeurs stagiaires aptes à être titularisés par le jury académique, lors de sa séance du 15 juin 2016. Par un arrêté du 31 août 2016, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé son licenciement. Mme B... relève appel du jugement du 11 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'intervention :
2. Le syndicat SGEN-CFDT Picardie, qui a notamment pour but, d'après l'article 1.4 de ses statuts, " de regrouper les salariés de son champ d'action en vue d'assurer la défense individuelle ou collective de leurs intérêts professionnels ", justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 11 décembre 2018, de la délibération du jury en date du 15 juin 2016 ainsi que de l'arrêté du 31 août 2016 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé le licenciement de Mme B.... Il est en outre représenté par son secrétaire académique qui, d'après l'article 4.4. des statuts, est habilité à agir en justice pour l'association. Son intervention au soutien de la requête d'appel de Mme B... est, dès lors, recevable.
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, Mme B... soutient que le tribunal administratif s'est mépris sur la portée des conclusions qu'elle a présentées dans sa demande. Il résulte toutefois des écritures que la requérante a produites en première instance qu'elle s'est bornée à solliciter l'annulation de " la décision de non-titularisation du 31 août 2016 ". Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient omis de se prononcer sur ses conclusions à fin d'annulation de la délibération du jury du 15 juin 2016 qui ne figuraient pas dans sa demande. Par suite, ce moyen doit être écarté.
4. En deuxième lieu, Mme B... soutient que le tribunal administratif a méconnu son obligation de recourir à ses pouvoirs d'instruction pour demander la délibération du jury en date du 15 juin 2016. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme B... avait elle-même joint, à sa demande de première instance, l'avis du jury en date du 15 juin 2016 signé par ses membres et comportant notamment l'appréciation générale faisant suite à l'entretien avec l'intéressée qui s'était tenu le même jour. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait omis de recourir à ses pouvoirs d'instruction, de sorte que ce moyen doit être écarté.
5. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient méconnu le principe du contradictoire, en ne permettant pas à Mme B... de prendre connaissance de la délibération du jury du 15 juin 2016 ni de débattre de sa légalité faute pour ceux-ci d'en avoir ordonné la communication, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point précédent.
6. En quatrième lieu, Mme B... soutient que le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer car il ne se prononce pas sur le moyen tiré du défaut d'accès à son dossier préalablement à l'arrêté attaqué et sur la non-transmission du rapport établi par sa tutrice. Mais le tribunal administratif ne s'est pas mépris sur le contenu de la demande de la requérante qui ne comportait pas de tels moyens. Par suite, ce moyen doit être écarté.
Sur l'étendue du litige :
7. Mme B... demande à la cour d'annuler la délibération du 15 juin 2016 par laquelle le jury ne l'a pas inscrite sur la liste des fonctionnaires stagiaires qu'il estimait aptes à être titularisés et ainsi à obtenir le certificat d'aptitude au professorat de lycée professionnel. Toutefois, alors que, comme cela a été exposé au point 4, Mme B... disposait bien de l'avis du jury du 15 juin 2016, elle n'en a pas demandé l'annulation devant les premiers juges. Sa demande est donc nouvelle en appel. Dès lors, les conclusions à fin d'annulation de la délibération du 15 juin 2016 doivent, dans cette mesure, être rejetées comme irrecevables, ainsi qu'en ont été informées les parties.
Sur le bien-fondé du jugement :
8. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 10 du décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 susvisé : " Le stage a une durée d'un an. Au cours de leur stage, les professeurs stagiaires bénéficient d'une formation dispensée, dans le cadre des orientations définies par l'Etat, sous la forme d'actions organisées à l'université, d'un tutorat, ainsi que le cas échéant d'autres types d'actions d'accompagnement. Les modalités du stage et les conditions de son évaluation par un jury sont arrêtées par le ministre chargé de l'éducation. / A l'issue du stage, la titularisation est prononcée par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle le stage est accompli, sur proposition du jury. La titularisation confère le certificat d'aptitude au professorat de lycée professionnel. / Le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle le stage a été effectué peut autoriser l'accomplissement d'une seconde année de stage. A l'issue de cette période, l'intéressé est soit titularisé par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle il a effectué cette seconde année, soit licencié, soit réintégré dans son grade d'origine ou dans son corps, cadre d'emplois ou emploi d'origine. ". L'article 8 de l'arrêté du 22 août 2014 susvisé dispose que : " Après délibération, le jury établit la liste des fonctionnaires stagiaires qu'il estime aptes à être titularisés ". L'article 9 de ce même arrêté dispose que : " Le recteur prononce la titularisation des stagiaires estimés aptes par le jury. [...] Le recteur arrête par ailleurs la liste de ceux qui sont autorisés à accomplir une seconde année de stage. Il transmet au ministre les dossiers des stagiaires qui n'ont été ni titularisés ni autorisés à accomplir une seconde année de stage et qui sont, selon le cas, licenciés ou réintégrés dans leur corps, cadre d'emplois ou emploi d'origine. ".
9. D'autre part, l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2014 susvisé dispose que : " Le jury se prononce sur le fondement du référentiel de compétences prévu par l'arrêté du 1er juillet 2013 susvisé, après avoir pris connaissance des avis suivants : I. - Pour les stagiaires qui effectuent leur stage dans les établissements publics d'enseignement du second degré : 1° L'avis d'un membre des corps d'inspection de la discipline désigné par le recteur, établi sur la base d'une grille d'évaluation et après consultation du rapport du tuteur désigné par le recteur, pour accompagner le fonctionnaire stagiaire pendant sa période de mise en situation professionnelle. L'avis peut également résulter, notamment à la demande du chef d'établissement, d'une inspection ; 2° L'avis du chef de l'établissement dans lequel le fonctionnaire stagiaire a été affecté pour effectuer son stage établi sur la base d'une grille d'évaluation ; 3° L'avis de l'autorité en charge de la formation du stagiaire. ".
10. Il résulte des dispositions précitées que le recteur ne peut titulariser un professeur de lycée professionnel stagiaire que sur proposition en ce sens du jury académique. Le jury n'ayant pas estimé que Mme B... était apte à être titularisée au terme de sa seconde année de stage, le ministre était donc tenu de la licencier. La requérante entend soulever, par voie d'exception, le moyen tiré de l'illégalité de l'avis rendu par le jury le 15 juin 2016. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, si la directrice de l'école supérieure du professorat et de l'éducation a indiqué, dans le document qu'elle a établi le 30 mai 2016, que " les informations transmises sur le stage en responsabilité ne permettent pas d'émettre un avis ", elle s'est prononcée favorablement sur l'assiduité, la participation active et le niveau de compétences suffisant de Mme B.... Dans ces conditions, un avis de l'autorité en charge de la formation du stagiaire au sens de l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2014 doit être regardé comme ayant été rendu. Ainsi l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que le jury, qui disposait également de l'avis du chef de l'établissement dans lequel elle était affectée et de l'avis de l'inspectrice de l'éducation nationale établi à la suite du rapport circonstancié de l'inspection qu'elle avait effectuée, se serait prononcé à l'issue d'une procédure entachée d'irrégularité. Par suite, ce moyen doit être écarté.
11. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment que l'avis de la directrice de l'école supérieure du professorat et de l'éducation figurait bien au dossier de Mme B... qu'elle a consulté le 13 juin 2016. Par ailleurs, si, en appel, la requérante soutient qu'était également manquant, dans son dossier, le rapport établi par sa tutrice, cette allégation n'est corroborée par aucune pièce du dossier alors que l'intéressée n'avait jamais fait état de l'absence d'une telle pièce et notamment pas après que le ministre l'a produite en défense devant le tribunal administratif. En tout état de cause, il résulte des dispositions de l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2014 précitées que seul l'avis de l'inspectrice de l'éducation nationale, qui a été rendu sur la base de l'inspection que celle-ci a réalisée, devait être transmis au jury avant qu'il se prononce et non l'avis du tuteur lui-même. Par suite, le moyen tiré de ce que le dossier consulté par Mme B... le 13 juin 2016 était incomplet doit être écarté.
12. En troisième lieu, les jurys académiques, appelés notamment à se prononcer en vue de la titularisation des professeurs stagiaires nommés dans certains corps, statuent à l'issue d'une période de formation et de stage. S'agissant non d'un concours ou d'un examen mais d'une procédure tendant à l'appréciation de la manière de servir qui doit être faite en fin de stage, cette appréciation est contrôlée par le juge de l'excès de pouvoir et peut être censurée en cas d'erreur manifeste.
13. Il ressort des pièces du dossier que le jury a, dans avis rendu le 15 juin 2016, considéré qu'il existait " de nombreuses insuffisances pédagogiques et des connaissances fragiles que Madame B... n'a pas réussi à combler " et que " l'entretien confirme son incapacité à faire évoluer ses pratiques professionnelles et à s'adapter aux attendus ". Si la requérante soutient que le jury s'est mépris sur ses qualités professionnelles, comme en témoigne notamment son expérience de dix années en tant que professeur contractuel, que les reproches formulés ne l'avaient pas été jusqu'alors et qu'elle s'est efforcée d'appliquer les conseils qui lui avaient été prodigués, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport établi par sa tutrice, que les cours de Mme B... " gagneraient à être plus diversifiés ", qu'ils devraient " aborder plus sérieusement l'évolution contemporaine ", que l'intéressée " devrait favoriser les marches de progression individuelle ainsi que les compétences des élèves " et qu' " une coordination avec l'équipe pédagogique devrait être plus soutenue ". Par ailleurs, il ressort de l'avis établi par la proviseur de l'établissement dans lequel Mme B... a été affectée pour effectuer son stage, avis défavorable à sa titularisation, que le positionnement de l'intéressée " face à la classe n'est pas satisfaisant ", qu'elle " a toujours les mêmes difficultés de communication et ne s'inscrit pas dans un travail d'équipe " et que " les insuffisances constatées les années précédentes n'ont pas été comblées ". Enfin, l'inspectrice de l'éducation nationale, qui a également rendu un avis défavorable à la titularisation de Mme B... après avoir établi un rapport d'inspection circonstancié le 9 mai 2016, a relevé, dans son avis, que les qualités professionnelles de la requérante " ne sont pas suffisantes pour couvrir la totalité du référentiel métier d'art ", qu'elle " n'a pas réalisé les progrès demandés ", que sa posture " n'est pas sécurisante pour les élèves qui ne reçoivent pas d'enseignement réfléchi et structuré ", qu'elle n'a " pas compris le rôle de l'enseignant devant les élèves " et qu'elle " n'a pas développé suffisamment, en deux ans de formation, de compétences éducatives et pédagogiques nécessaires à la pratique constructive de ce métier ". Dans ces conditions et nonobstant l'ancienneté de Mme B... dans les fonctions d'enseignante des arts appliqués, il n'apparaît pas que le jury aurait entaché sa délibération d'une erreur de fait ni d'une erreur manifeste d'appréciation en ne prononçant pas la titularisation de la requérante.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 août 2016 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé son licenciement.
15. En conséquence, la requête de Mme B... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention du syndicat SGEN-CFDT Picardie est admise.
Article 2 : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et au syndicat SGEN-CFDT Picardie.
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N°19DA00359
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