Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 25 mai 2020 et 29 juin 2020, M. B..., représenté par Me F... E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 novembre 2019 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 octobre 2019 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H... A..., présidente de chambre,
- et les observations de Me D... C..., représentant le préfet du Nord.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est un ressortissant algérien né le 14 mai 1981 à Tizi Ouzou. Il déclare être entré en France en 2016. Il a été interpellé par les services de la police aux frontières du fait de sa situation irrégulière. Par un arrêté du 29 octobre 2019, le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans. Par un arrêté du même jour il l'a assigné à résidence dans l'arrondissement de Lille. M. B... relève appel du jugement du 4 novembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français, l'assignant à résidence et portant interdiction de retour.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, le juge, auquel il incombe de veiller à la bonne administration de la justice, n'a aucune obligation, hormis le cas où des motifs exceptionnels tirés des exigences du débat contradictoire l'imposeraient, de faire droit à une demande de report de l'audience formulée par une partie. Il n'a pas davantage à motiver le refus qu'il oppose à une telle demande. Alors qu'en application des dispositions du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille devait statuer dans un délai de quatre-vingt-seize heures à compter de l'expiration du délai de recours, que le requérant n'a pas fait état de circonstances exceptionnelles, ni la circonstance qu'un jour férié ait séparé la date de réception de l'avis d'audience de la date d'audience, ni le refus de report de l'audience, ne traduisent une méconnaissance des exigences du débat contradictoire.
3. En second lieu, aux termes de l'article R. 776-26 du code de justice administrative : " L'instruction est close soit après que les parties ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'audience publique s'est tenue à 8h30 le 4 novembre 2019. M. B..., régulièrement convoqué, n'était ni présent, ni représenté. Le préfet du Nord était représenté. La notification du dispositif de jugement est intervenue qu'à 11 heures 40. Des pièces supplémentaires demandées au préfet du Nord ont été versées au dossier à 9 H 19, sans qu'il ne ressorte des pièces du dossier que l'audience était alors close. Dès lors que l'instruction s'est poursuivie à l'audience, et même si les nouvelles pièces ont été par ailleurs mises à disposition du requérant par le biais de l'application télérecours à 9h46, le magistrat désigné pouvait se fonder sur des éléments qui ont été apportés au cours de l'audience publique et dont M. B... n'a pu débattre faute pour lui d'avoir été présent ou représenté lors de cette audience. Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de la violation du contradictoire et du droit à un procès équitable doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement:
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'arrêté en litige, que le préfet a précisé que le requérant vivait avec son amie et qu'il avait fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français à laquelle il n'avait pas déféré. Le préfet, qui n'avait pas à reprendre expressément, et de manière exhaustive, la situation personnelle de l'intéressé, a cité les éléments pertinents dont il avait connaissance et qui fondent sa décision. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux doit être écarté.
6. En deuxième lieu, si M. B... soutient qu'il vit depuis quatre ans en France et qu'il dispose d'attaches familiales sur le territoire, notamment un frère et deux soeurs domiciliés à Paris, deux oncles maternels et une tante à Lille ainsi que de cousins, il ne justifie d'aucune insertion sociale et professionnelle particulière. En outre, s'il soutient entretenir une relation amoureuse avec une ressortissante française cette relation qui selon les dires de sa compagne remonterait à fin février 2019, était récente au jour de la décision contestée. Enfin, le requérant n'établit pas être isolé en cas de retour en Algérie où il a vécu durant 25 ans. Par suite, le préfet du Nord n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B.... Dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle doit également être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.
En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :
8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;(...) ".
9. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français doit être écarté.
10. En second lieu, il n'est pas contesté que M. B... a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français, annulée en première instance puis rétablie par un arrêt de la première chambre de la présente cour du 3 juillet 2019 notifié le 15 juillet 2019, soit antérieurement à l'acte attaqué. Dès lors, ce seul motif suffit à justifier que soit refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du d) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation sera écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'illégalité.
En ce qui concerne le pays de destination :
12. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français et de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire doit être écarté. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
13. En premier lieu, aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version en vigueur à la date de la décision litigieuse : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative peut prononcer une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. / Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / Lorsque l'étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ou alors qu'il était obligé de quitter sans délai le territoire français ou, ayant déféré à l'obligation de quitter le territoire français, y est revenu alors que l'interdiction de retour poursuit ses effets, l'autorité administrative peut prolonger cette mesure pour une durée maximale de deux ans. / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
14. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
15. M. B... soutient que la décision par laquelle le préfet du Nord lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est entachée d'une insuffisance de motivation. Toutefois, l'arrêté contesté relève que M. B..., qui a demandé l'asile le 6 juin 2016, s'est précédemment soustrait à une mesure d'éloignement, qu'il est célibataire et sans enfant à charge et indique que, pour l'appréciation de l'opportunité d'édicter une interdiction de retour, il est tenu compte des conditions d'entrée et de séjour en France de l'intéressé et de sa situation familiale. Enfin, l'arrêté mentionne que, alors même que la présence de l'intéressé sur le territoire français ne représente pas une menace pour l'ordre public, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'édicter à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Cette décision comporte ainsi l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit donc être écarté. Il n'est pas plus établi qu'elle serait entaché d'un défaut d'examen particulier et sérieux de la situation de M. B....
16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, alors que M. B... était présent sur le territoire français depuis moins de quatre ans, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle doivent être écartés.
17. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'illégalité.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B..., au ministre de l'intérieur et à Me F... E....
Copie en sera transmise au préfet du Nord.
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N°20DA00769