Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 août 2020, 31 août 2020 et 17 juin 2021, la Société Balcia Insurance SE, représentée par Me Thomas du Pavillon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la commune de Vernon à lui verser une somme 89 180 euros ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Vernon la somme de 6 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... A..., présidente-rapporteure,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me Thomas du Pavillon, représentant la société Balcia Insurance SE.
Considérant ce qui suit :
1. Le 3 février 2011, la commune de Vernon a conclu avec l'établissement public foncier de Normandie une convention de portage financier relative à l'emprise des anciennes fonderies et de l'ancienne papeterie, situées sur son territoire. Le 15 avril 2013, un incendie a ravagé le site de l'ancienne papeterie. A l'issue des opérations d'expertise, la société Balcia Insurance SE a versé à l'établissement public foncier une indemnité de 89 180 euros, soit 85 580 euros pour les frais de démolition et 3 600 euros pour les honoraires du cabinet d'expert. Subrogée dans les droits de son assuré l'établissement public foncier de Normandie, la société Balcia Insurance SE a adressé, par lettre du 11 avril 2018, à la commune de Vernon une demande d'indemnisation d'un montant de 89 190 euros. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par la commune de Vernon. La société Balcia Insurance SE relève appel du jugement du 9 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Vernon à lui verser cette somme de 89 190 euros.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 3-2 de la convention de portage du 3 février 2011 conclu entre la commune de Vernon et l'établissement public foncier de Normandie : " Charges et conditions d'utilisation des immeubles - Hormis en matière d'assurance et d'indemnisation des sinistres, la Collectivité est subrogée dans tous les droits et obligations de l'EPF Normandie, en sa qualité de propriétaire. / Elle prend les immeubles dans l'état où ils lui sont remis par l'EPF Normandie et doit les maintenir en bon état de sécurité à l'égard des tiers. / Elle veille tout particulièrement à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité des personnes et la conservation du bien. Elle peut de son propre chef réaliser ou faire réaliser les travaux y afférent. Les travaux de murage et de démolition sont soumis à l'accord préalable de l'EPF Normandie. " Aux termes de l'article 3-6 de la convention : " Visite des biens bâtis en cours de portage - Dans le cadre du contrat global qu'il a souscrit auprès de son assureur, l'EPF s'est engagé à faire procéder à une visite annuelle des biens en cours de portage. (...). L'EPF a confié la charge d'effectuer ces visites à un prestataire (...) / Ce prestataire a pour mission d'effectuer un compte rendu de sa visite et de vérifier tout particulièrement qu'aucun élément de l'état du bien n'ait pour conséquence de mettre en jeu la sécurité des personnes et des biens des tiers. (...). La Collectivité s'engage à permettre à ce prestataire ou à tout nouvel intervenant (...) un accès aux éventuels bâtis, objet du présent contrat. / Elle s'oblige également à mettre fin, dans le délai requis, aux problèmes signalés par ce mandataire. ".
3. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport du cabinet d'expert Polyexpert du 12 mars 2016, qu'un incendie est survenu le 15 avril 2013 endommageant l'immeuble de l'ancienne papeterie, au point de décider de sa démolition. La société requérante soutient que cet incendie ne peut avoir été causé que par des " squatters ", différents indices tels que des tags ou traces d'effraction ayant été constatés par la Socotec, prestataire chargé de la visite annuelle visée à l'article 3-6 de la convention de portage, dans ses rapports du 15 février 2012 et 1er mai 2013.
4. Il résulte également de l'instruction que la commune de Vernon a commis une faute en ne garantissant pas la conservation du bien, telle que prévue à l'article 3-2 de la convention, faute d'avoir pris toutes les mesures requises suffisantes à la suite de la notification le 15 février 2012 du rapport de la société Socotec faisant état de ce que " l'état de l'immeuble faisait apparaître un risque imminent pour la sécurité des personnes ou des biens des tiers ". Toutefois, selon les conclusions de l'expertise, qui ne sont pas contestées, " compte tenu de l'état de dégradation du bâtiment la cause du sinistre reste indéterminée à ce jour ". Dans ces conditions, la mise en évidence d'une présence illégale d'occupants dans le site ne suffit pas à elle seule à établir que cette occupation illégale serait à l'origine de l'incendie. A cet égard, la société ne peut utilement se prévaloir du mode de preuve dit de l'" élimination des autres causes " dès lors que le rapport d'expertise s'est borné à constater que la cause du sinistre était inconnue. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction qu'il existerait un lien de causalité entre la carence de la commune dans la mise en œuvre de mesures et la survenue de cet incendie. La société Balcia Insurence SE n'est donc pas fondée à soutenir que la responsabilité de la commune de Vernon serait engagée.
5. Il résulte de ce qui précède que la société Balcia Insurance SE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Vernon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Balcia Insurance SE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société Balcia Insurance SE le versement d'une somme de 1 500 euros à la commune de Vernon au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Balcia Insurance SE est rejetée.
Article 2 : La société Balcia Insurance SE versera à la commune de Vernon la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Balcia Insurance SE et à la commune de Vernon.
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N°20DA01332
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