Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 avril 2019, M. C... A..., représenté par Me B... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 11 juin 2018 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
----------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 6 septembre 1961, de nationalité guinéenne, après que sa demande d'asile en France ait été définitivement rejetée, a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa demande a été rejetée par un arrêté du 11 juin 2018. Par un jugement du 28 février 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 11 juin 2018 par lequel le préfet de l'Eure lui a refusé ce titre, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ". L'article R. 313-23 du même code, dans sa version applicable, dispose pour sa part que : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Il ne résulte ni du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni des articles R. 313-22 et R. 313-23 de ce code, ni de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'office. Par suite, lorsque le requérant soutient que le médecin rapporteur a siégé au sein du collège de médecins de l'Office, il lui appartient de produire tous éléments au soutien de ses allégations et il revient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins.
3. En l'espèce, le préfet a produit, comme l'ont constaté les premiers juges, une attestation de la directrice territoriale de l'office français de l'immigration et de l'intégration qui mentionne le nom du médecin rapporteur démontrant ainsi qu'il ne siégeait pas au sein du collège de médecins, l'avis du 18 mai 2018 étant signé par trois autres médecins. Par suite, M. A..., qui ne produit en appel aucun élément de nature à remettre en cause ces pièces, n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de Rouen a écarté à tort le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du collège de médecins de l'office de l'immigration et de l'intégration.
4. Si M. A... indique que le préfet vise un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 novembre 2017, la décision contestée se fonde, uniquement, sur l'avis de ce collège du 18 mai 2018. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée cette décision doit être écarté.
5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ". La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. En l'espèce, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé dans son avis du 18 mai 2018 que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner une prise en charge médicale mais qu'il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour remettre en cause cet avis, M. A... se bornait à fournir en première instance, outre les prescriptions médicales de son traitement, la liste des médicaments essentiels établis par le ministère de la santé de la République de Guinée et soutenait que les médicaments qu'il prenait n'étaient pas disponibles dans son pays. En sens inverse, le préfet de l'Eure faisait valoir, dans son second mémoire en défense, sans être sérieusement contesté, que les médicaments prescrits pour les problèmes respiratoires étaient disponibles sous une forme équivalente en Guinée et que les différentes catégories de médicaments utilisés pour les traitements psychiatriques étaient aussi représentées dans la pharmacopée disponible en Guinée. Si M. A... soutient en appel que le préfet n'a pas compétence pour apprécier la possibilité de substitution des médicaments disponibles à ceux prescrits, il ne remet pas en cause au fond les dires du préfet et ne produit aucun élément nouveau en appel au soutien de ses allégations. En particulier, il ne joint aucun avis médical justifiant que le traitement suivi ne serait pas disponible en Guinée et n'apporte en tout état de cause aucun élément relatif à d'éventuelles contre-indications à la substitution de son traitement, alors que la mention " non substituable " ne figure sur aucun des documents médicaux produits au dossier. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges ont écarté à tort le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni que le refus de titre litigieux ferait une inexacte application de ces dispositions.
7. Si M. A... est arrivé en France le 15 mars 2011, son séjour était justifié par les démarches entreprises pour obtenir le statut de réfugié, qui lui a été définitivement refusé dès le 28 novembre 2012. Il s'est ensuite maintenu en France pour se soigner. Il ne produit aucune pièce nouvelle, en cause d'appel, pour justifier de son intégration en France, ou de raisons humanitaires, ou de motifs exceptionnels pouvant justifier son admission au séjour. Il s'était borné, en première instance, à établir par une attestation du 25 février 2014 qu'il était bénévole dans une association d'aide au logement des personnes en difficulté. Par suite et ainsi que l'ont indiqué les premiers juges, la décision contestée ne méconnaît ni le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas non plus entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans son avis rendu le 18 mai 2018, sur lequel se fonde la décision contestée, a estimé, contrairement à ce que soutient le requérant, que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Le moyen tiré du défaut d'avis du collège de médecins de l'OFII est donc écarté.
9. Il résulte des points 2 à 7 ci-dessus que le moyen tiré de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A..., soulevé par voie d'exception à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.
10. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5 et de ce que le collège de médecins estime que M. A... peut voyager sans risque, ce qui n'est pas sérieusement contesté, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
11. Compte tenu de ce qui a été dit au point 7, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation seront également écartés.
Sur la décision fixant le pays de destination :
12. La décision contestée comporte les considérations de fait et de droit qui la fondent. Elle fixe comme pays de destination le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays tiers où il est légalement admissible, après avoir fait état de la nationalité de M. A.... Elle considère en outre que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré du défaut de motivation sera donc écarté.
13. M. A..., dont la demande d'asile a été définitivement rejetée par décision de la cour nationale du droit d'asile du 28 novembre 2012, n'apporte, tant en première instance qu'en appel, aucun élément nouveau intervenu depuis la décision de la cour, pour justifier de la réalité et de l'actualité des risques personnels encourus en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sera écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et à Me B... D....
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.
N°19DA00961 6