Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mai 2019, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision fixant le pays de destination ;
2°) de rejeter, dans cette mesure, la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant soudanais, a été interpellé à Coquelles le 18 avril 2019 alors qu'il circulait à bord d'un bus à destination de la Grande-Bretagne. Par un arrêté du 19 avril 2019, le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 25 avril 2019 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision désignant le Soudan comme pays de destination de la mesure d'éloignement.
2. Aux termes de l'article de 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants ".
3. M. C... soutient être exposé à des persécutions en cas de retour au Soudan en raison de sa participation à un groupe de discussion sur un réseau social dans le cadre d'une campagne nationale pour la chute du président soudanais. Il fait valoir avoir été retenu par le services secrets dans les locaux de la police, du 26 mars au 1er avril 2019 et y avoir été torturé. Si, notamment au regard des informations publiques rassemblées par des organismes internationaux, la situation des droits de l'homme dans le pays peut être qualifiée d'alarmante, il n'apparaît pas qu'il y règne, de manière générale, une situation de violence généralisée. Hormis un récit sur son parcours et des éléments généraux sur la situation prévalant à Karthoum notamment, en avril 2019, qui a conduit à la destitution du président en place, M. C... ne produit aucun élément probant quant aux risques personnels et actuels qu'il prétend encourir dans son pays d'origine. M. C... n'établit pas non plus qu'il lui serait impossible de s'installer dans l'Etat de Khartoum en cas de retour au Soudan. Dans ces conditions, M. C... ne peut être regardé, du seul fait de la mesure d'éloignement, comme soumis à des risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de la situation régnant au Soudan, à l'exclusion du Darfour. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé la décision fixant le pays de destination comme méconnaissant les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. C....
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
5. Par un arrêté du 18 décembre 2017, publié le même jour au recueil spécial n° 121 des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. B... A..., chef du bureau de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer notamment les décisions fixant le pays de destination. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée doit être écarté.
6. La décision en litige énonce que conformément à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. C... sera reconduit à destination du pays de destination dont il a la nationalité ou tout autre pays de destination dont il serait légalement admissible. Elle énonce également qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ce faisant, la décision comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
7. Pour contester la décision fixant le pays de destination, M. C... invoque l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire national dont il avait, dans le délai de recours contentieux, demandé l'annulation au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a écarté, dans son jugement, l'ensemble des moyens invoqués par le requérant à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français. M. C... n'a pas formé d'appel incident à l'encontre de cette partie du jugement. Dès lors, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, d'écarter l'ensemble des moyens dirigés, par la voie de l'exception, contre la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire national à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
8. Les dispositions de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne font pas obstacle à ce que l'autorité préfectorale, après avoir apprécié la réalité et la nature des risques dont a fait état un ressortissant étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, puisse décider que l'intéressé pourra être reconduit d'office à destination d'une région spécifique du pays dont il a la nationalité ou exclure une région de cet Etat comme destination de la mesure d'éloignement. En particulier, lorsque des risques de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'avèrent circonscrits sur un territoire particulier d'un pays, les stipulations de cet article 3 n'empêchent pas l'autorité préfectorale de prendre en considération l'existence d'une possibilité de réinstallation dans une autre région du pays. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur de droit au motif que le préfet a fixé comme " pays de destination " de la mesure d'éloignement dont M. C... fait l'objet une partie du territoire du Soudan doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté en tant qu'il désigne le Soudan comme pays de destination de la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de M. C....
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du 25 avril 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lille, tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 19 avril 2019 en tant qu'il désigne le pays de destination de la mesure d'éloignement, est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... C....
Copie en sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.
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N°19DA01202
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