Par une requête, enregistrée le 14 juin 2019, Mme A... B..., représentée par Me D... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 mars 2018 du préfet du Nord ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de son conseil la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante roumaine née le 6 juillet 1977 à Oradea, a quitté son pays d'origine en 2009 afin d'entrer régulièrement en France, accompagnée de ses deux enfants mineurs. Par un arrêté du 23 mars 2018, le préfet du Nord l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme B... relève appel du jugement du 31 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois : / a) s'il est un travailleur salarié ou non salarié dans l'État membre d'accueil, ou / b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil (...) ". L'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) ". Aux termes de l'article L. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ou les membres de sa famille qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 ou de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peut faire l'objet, selon le cas, d'une décision de refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour ou d'un retrait de celle-ci ainsi que d'une mesure d'éloignement prévue au livre V. ". Enfin, l'article L. 511-3-1 du même code prévoit que : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que le préfet peut prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne dans le cas où il constate que l'intéressé séjourne en France depuis plus de trois mois sans interruption et ne justifie plus d'aucun droit au séjour. Il incombe toutefois à l'administration, en cas de contestation sur la durée du séjour d'un citoyen de l'Union européenne dont elle a décidé l'éloignement, de faire valoir les éléments sur lesquels elle se fonde pour considérer qu'il ne remplit plus les conditions pour séjourner en France. L'administration peut, notamment, s'appuyer sur les déclarations préalablement faites par l'intéressé. Il appartient alors à l'étranger, qui demande l'annulation de cette décision, d'apporter tout élément de nature à en contester le bien-fondé, selon les modalités habituelles de l'administration de la preuve.
4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal établi par la police aux frontières, le 23 février 2018, que Mme B... a déclaré résider dans un camp sur le territoire français depuis deux ans avec ses deux enfants, dont l'un, âgé de quatorze ans, est scolarisé. A la question " Quand avez-vous quitté la France ' ", Mme B... a répondu " deux mois ". Cette réponse, en contradiction avec ses autres propos, manque de clarté et n'est assortie d'aucune précision circonstanciée. Ainsi, Mme B... ne rapporte pas la preuve de son séjour en Roumanie et ne précise même pas les dates de ce séjour, qui n'est établi par aucun document. Ainsi, Mme B... doit être regardée comme séjournant en France depuis plus de trois mois à la date de la décision contestée. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Nord a méconnu les articles L. 121-1 et L. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il ressort clairement des déclarations de Mme B... qu'elle n'exerce pas d'activité et vit de la mendicité. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle possède des ressources suffisantes lui permettant de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, au sens du 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La circonstance qu'elle ne serait pas effectivement une charge pour le système d'assurance sociale est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, dès lors que les dispositions tant de la directive 2004/38/CE que de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'en font pas une condition de la régularité du séjour. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation de sa situation personnelle, ni qu'elle ne constituerait pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale et d'assurance-maladie français, avant qu'une prise en charge effective ait eu lieu.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'illégalité.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire dont elle fait l'objet. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination de son éloignement est entachée d'illégalité.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction assorties d'une astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me D... C....
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
N°19DA01391 4