Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 février 2020 et 24 septembre 2020, M. H... G..., représenté par Me J... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la commune de Rouen de régulariser sa situation administrative ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Rouen la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme I... A..., présidente-rapporteure,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- les observations de Me C... E..., représentant la commune de Rouen.
Considérant ce qui suit :
1. M. H... G..., agent de maîtrise principal, a été recruté le 10 octobre 2007 par la commune de Rouen pour exercer les missions de chef d'équipe de la station de dératisation, de désinsectisation et de désinfection. A la suite d'une altercation survenue avec un membre de son équipe le 8 mars 2017, la commune a été alertée de possibles difficultés relatives à la gestion de stocks de la station et de l'existence d'une problématique potentielle de conflits d'intérêts entre l'activité du service et des prestations exercées à titre privé par une société dont M. G... est associé majoritaire. Après avoir diligenté une enquête administrative, la commune de Rouen a saisi le conseil de discipline d'une proposition de sanction de révocation. Par un arrêté du 30 mars 2018, pris après avis favorable du conseil de discipline du 24 février 2018, le maire de Rouen a révoqué M. G... à compter du 15 avril 2018. M. G... relève appel du jugement du 6 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté de révocation :
2. Aux termes de l'article 4 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. / L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. Les pièces du dossier et les documents annexés doivent être numérotés. ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Lorsqu'il y a lieu de saisir le conseil de discipline, le fonctionnaire poursuivi est invité à prendre connaissance, dans les mêmes conditions, du rapport mentionné au septième alinéa de l'article 90 de la loi du 26 janvier 1984 précitée et des pièces annexées à ce rapport ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. G... a consulté son dossier individuel le 26 janvier 2018, ce droit à communication lui ayant précisé dans la lettre du 8 janvier 2018 par laquelle la commune de Rouen l'informait de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre. L'autorité territoriale n'était pas tenue d'adresser au conseil de M. G... la copie du dossier individuel de M. G..., compte tenu des modalités de consultation de ces documents au siège de l'autorité territoriale telles que prévues par les dispositions citées au point précédent. Le conseil de M. G... a également obtenu, le 9 février 2018, en mains propres, une copie du rapport de saisine du conseil de discipline, accompagné de ses vingt annexes. Par suite, le moyen tiré de ce que les droits de la défense auraient été méconnus faute de communication du dossier individuel et disciplinaire ne peut être qu'écarté.
4. En vertu de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même d'obtenir communication de son dossier.
5. Lorsqu'une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d'un agent public, y compris lorsqu'elle a été confiée à des corps d'inspection, le rapport établi à l'issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu'ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l'agent faisant l'objet de l'enquête font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, sauf si la communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné.
6. Il ressort des pièces du dossier que le 28 mars 2017, la commune de Rouen a diligenté une enquête administrative au cours de laquelle M. G... a été auditionné à trois reprises. Le rapport final de synthèse remis par l'inspecteur général des services de la commune, chargé de mener cette enquête, comprend deux parties, l'une sur le cumul d'emplois de M. G..., l'autre sur son comportement. Il est constant que ces documents n'ont été communiqués à M. G... que dans le cadre de la requête en référé suspension qu'il avait introduite devant le juge des référés. Le premier document de trois pages intitulé " cumul d'emplois de M. H... G... - K... " comprend un rappel des faits et du contexte de l'enquête, des éléments relatifs au cumul d'emplois, un rappel de la réglementation et une partie consacrée à des K... destinées à l'autorité territoriale. Il comporte en annexe une synthèse des entretiens et des courriers électroniques échangés avec M. G..., sa demande d'autorisation de cumul, des éléments sur sa société ainsi qu'une note d'analyse de la direction des affaires juridiques. Le second document de dix pages relatif au comportement de M. G..., comprend un rappel des faits, une synthèse des témoignages des personnes auditionnées, et une dizaine de lignes de préconisations de l'inspecteur général des services.
7. Le rapport de saisine du conseil de discipline remis le 9 février 2018 au conseil de M. G... se compose de douze pages reprenant l'analyse du rapport d'enquête administrative et de vingt annexes qui comportent les pièces relatives à l'activité de M. G... figurant dans le rapport de l'enquête administrative, telle que sa demande de cumul d'activités, un bilan de sa société et des éléments sur sa société d'apiculteur ainsi que l'intégralité des témoignages et des auditions des collègues de M. G.... Si le compte rendu de son tout premier entretien du 27 avril 2017 n'a pas été annexé au rapport disciplinaire, ce compte rendu de quelques lignes ne retrace que les dénégations de M. G... qui met en avant le respect de sa vie privée. En tout état de cause, ce compte-rendu lui a été soumis lors de l'entretien suivant intervenu le 10 mai 2017. Par ailleurs, la note de la direction des affaires juridiques n'avait pas vocation à être versée au dossier de M. G....
8. Il s'ensuit que les deux documents constituant le rapport d'enquête administrative, dont aucune pièce du dossier n'indique que le conseil de discipline ait eu connaissance contrairement à ce qu'allègue le requérant, n'apportaient pas plus d'éléments que ceux que contenait le rapport disciplinaire de saisine du conseil de discipline remis au conseil du requérant.
9. Les allégations M. G... selon lesquelles l'enquête administrative aurait été menée à charge ou serait entachée de partialité compte tenu des termes employés par l'inspecteur général des services dans son rapport ne sont pas établies. En tout état de cause, il a été mis à même dans le cadre de la procédure disciplinaire et notamment devant le conseil de discipline, par la production d'observations écrites, de répondre aux griefs qui lui étaient reprochés. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité dont serait entachée l'enquête administrative doit en tout état de cause être écarté. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense doit être écarté.
10. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de loyauté de la part de la commune dans la gestion du dossier disciplinaire de M. G... est, comme en première instance, dépourvu des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté de révocation :
11. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires, inséré par l'article 36 de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : " Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. En cas de poursuites pénales exercées à l'encontre du fonctionnaire, ce délai est interrompu jusqu'à la décision définitive de classement sans suite, de non-lieu, d'acquittement, de relaxe ou de condamnation. Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de l'agent avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire. ". Lorsqu'une loi nouvelle institue ainsi, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'une action disciplinaire dont l'exercice n'était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est immédiatement applicable aux procédures en cours mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle
12. Il résulte de ces dispositions que les faits reprochés à M. G... pouvaient être régulièrement invoqués dans un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 26 avril 2016. En tout état de cause, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la commune de Rouen aurait été informée de l'existence d'un cumul d'emplois irrégulier avant l'année 2017. Si la commune a autorisé M. G... à exercer une activité accessoire pour une période de deux ans à compter du 18 mars 2010, l'expiration de cette autorisation n'impliquait pas qu'elle contrôle d'office sa situation à compter du 17 mars 2012. Par suite, le moyen tiré de ce que les faits auraient été nécessairement prescrits depuis le 17 mars 2012 doit être écarté.
13. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
14. Aux termes de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.- Le fonctionnaire consacre l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sous réserve des II à V du présent article. II. - Il est dérogé à l'interdiction d'exercer à titre professionnel une activité privée lucrative : (...) / III. - (...) Le fonctionnaire qui occupe un emploi à temps complet peut, à sa demande, être autorisé par l'autorité hiérarchique dont il relève à accomplir un service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise et à exercer, à ce titre, une activité privée lucrative. / (...) IV.-Le fonctionnaire peut être autorisé par l'autorité hiérarchique dont il relève à exercer à titre accessoire une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui lui sont confiées et n'affecte pas leur exercice. Par dérogation au 1° du I du présent article, ces activités peuvent être exercées sous le régime prévu à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale. (...) ".
15. Il ressort des pièces du dossier que par une décision du 18 mars 2010, la commune de Rouen a accordé, à M. G..., l'autorisation qu'il sollicitait afin d'exercer une activité accessoire d'autoentrepreneur, dans le domaine de la dératisation et de la désinsectisation, sous réserve qu'elle ne s'exerce pas dans la ville de Rouen. Au vu des mentions contenues dans cette décision, cette autorisation a nécessairement été accordée pour une durée de deux ans à compter du 18 mars 2010. M. G... n'a pas sollicité le renouvellement de cette autorisation à l'expiration de ce délai alors qu'il a poursuivi son activité sous cette forme juridique jusqu'en novembre 2013. Il a ensuite créé une société anonyme à responsabilité limitée dénommée " Radical antiparasitaire " à compter du 12 novembre 2013 dans laquelle il est associé majoritaire, avec son épouse et sa fille, qui a la qualité de gérante. Même s'il était loisible à M. G... de détenir simplement des parts sociales dans cette société, l'intéressé a reconnu lors de son audition exercer une activité au sein de la société en estimant même que cela relevait de la sphère privée et que le seuil du chiffre d'activité l'avait conduit à la création de cette société. Il n'apporte aucun élément probant de nature à établir qu'il n'assurait pas les prestations de service commercialisées par cette société dont le siège social est fixé à son domicile personnel, aucun salarié ne figurant au sein de cette société. Il ne saurait sérieusement prétendre qu'il n'intervenait qu'à titre exceptionnel pour aider son épouse, qui se borne à affirmer dans une attestation peu circonstanciée " avoir en charge la partie technique et commerciale de la SARL ". Par suite, M. G... a poursuivi son activité accessoire sans autorisation, a exercé des prestations de service pour la société qu'il a créée, dont il est associé majoritaire et a, par suite, méconnu les règles relatives à l'exercice d'une activité accessoire par un agent public. Les faits reprochés à M. G... sont établis et de nature à justifier le prononcé d'une sanction.
16. Il est également fait grief à M. G... d'avoir assuré de manière inadaptée ses responsabilités d'encadrant d'équipe en ne remédiant pas à l'ambiance délétère au sein de son équipe, composé de trois agents, d'être peu joignable et présent pour ses agents. Si M. G... conteste ces faits, il ressort des témoignages concordants recueillis au cours de l'enquête, que M. G... prenait des libertés avec son emploi du temps, aucun pointage n'étant mis en place dans ce service et ne faisait pas montre d'exemplarité vis-à-vis de ses agents. Le 8 mars 2017, M. G... a ainsi empoigné violemment au cou l'un de ses subordonnés, qui s'est vu prescrire trois jours d'arrêt de travail. Les relations tendues pouvant exister entre M. G... et cet agent liées notamment au ressentiment nourri par ce dernier de pas avoir été promu sur le poste de chef d'équipe en 2007, ne sauraient justifier un tel comportement agressif de la part d'un supérieur vis-à-vis d'un agent. En revanche, comme le soutient M. G..., il n'est pas établi, par les pièces du dossier, que sa hiérarchie lui aurait demandé de mettre en place des carnets de bord pour les véhicules du service, ni que des directives particulières lui auraient été adressées s'agissant de la gestion des stocks. Toutefois, nonobstant ces deux griefs, et compte tenu de l'altercation physique précitée, M. G... n'a pas assuré ses fonctions de chef d'équipe de la station de dératisation, de désinsectisation et de désinfection de manière satisfaisante. Il a ainsi commis une faute de nature à justifier une sanction.
17. Il est reproché à M. G... de pas s'être totalement consacré à ses fonctions compte tenu de l'importance de l'activité de sa société, de son chiffre d'affaires, de la durée moyenne des interventions de dératisation et de désinsectisation. Il ressort des pièces du dossier que la société de M. G... a généré un chiffre d'affaires de 86 728 euros en 2016, 70 987 euros en 2015 ou en encore 66 261 euros en 2014. Dans ces conditions, et alors que M. G... n'apporte aucune explication probante sur la manière dont sa société a pu assurer l'ensemble de ces prestations sans empiéter sur ses heures de travail au sein de la collectivité, la commune de Rouen a pu estimer que l'intéressé n'avait pas pu se consacrer entièrement à ses fonctions de chef d'équipe de la station de la station de dératisation, de désinsectisation et de désinfection. M. G... a ainsi commis une faute de nature à justifier une sanction, en ne se consacrant pas totalement à l'intégralité de son activité professionnelle.
18. Il résulte de ce qui précède que M. G... a exercé, durant plusieurs années, une activité privée au sein d'une société commerciale qu'il a constituée avec sa fille et son épouse dans le même domaine que celui dans lequel il exerce pour la collectivité territoriale qui emploie, sans en informer cette dernière. Il a également eu un comportement inadapté dans sa manière de servir alors qu'il était chef d'équipe et, à ce titre, avait une mission d'encadrement. Si le requérant invoque les difficultés familiales et personnelles qu'il a rencontrées au cours de cette période, cette situation n'est pas de nature à amoindrir la gravité des faits qui lui sont reprochés. En dépit des bonnes appréciations antérieures dont il a bénéficié, eu égard à la gravité des faits, la commune de Rouen n'a pas commis d'erreur d'appréciation en infligeant à M. G... la sanction de révocation.
19. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Rouen, que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celle présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. G... la somme réclamée par la commune de Rouen sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Rouen au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me J... B... pour M. H... G... et à Me F... D... pour la commune de Rouen.
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N°20DA00237
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