Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 août 2020, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. D... ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- les observations de Me A..., représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant de la République démocratique du Congo, est entré en France le 18 août 2017 muni d'un titre de séjour belge en cours de validité. Le 13 octobre 2017, il a sollicité son admission au séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante de l'Union européenne. Par un arrêté du 26 février 2018, la préfète de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour. Par un jugement du 25 juin 2020 le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer un titre de séjour " conjoint de ressortissant européen " à M. D... dans un délai de trois mois. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel de ce jugement.
Sur le moyen retenu par le tribunal administratif de Rouen :
2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° (...) ". Aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ". Sauf application des mesures transitoires prévues par le traité d'adhésion à l'Union européenne de l'Etat dont il est ressortissant, cette carte donne à son titulaire le droit d'exercer une activité professionnelle ". Enfin aux termes de l'article R. 121-4 de ce code : " (...) Lorsqu'il est exigé, le caractère suffisant des ressources est apprécié en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé. En aucun cas, le montant exigé ne peut excéder le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné à l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles ou, si l'intéressé remplit les conditions d'âge pour l'obtenir, au montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale. / La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour (...) ".
3. Ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, confèrent au ressortissant d'un Etat membre, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d'un Etat tiers, conjoint de ce citoyen de l'Union européenne, un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil à la condition que le citoyen de l'Union européenne dispose de ressources suffisantes.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M. D..., ressortissante néerlandaise, est en recherche d'emploi et indique disposer d'une somme de 810,89 euros mensuels au titre de l'allocation adulte handicapé. Mais cette allocation est, comme l'indique le préfet, une prestation sociale non contributive, et ne saurait être prise en compte pour apprécier le caractère suffisant des ressources de l'épouse de M. D..., dès lors que cette allocation constitue une charge pour le système d'assistance sociale. Les circonstances de l'espèce ne permettent donc pas de considérer que l'épouse de M. D... dispose de ressources suffisantes au sens de l'article L. 121-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que le tribunal administratif de Rouen a entaché son jugement d'une inexacte appréciation des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code précité en estimant que c'est à tort que la demande d'admission au séjour de M. D... avait été rejetée au motif d'une insuffisance de ressources de son épouse.
5. Il appartient toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur l'ensemble des moyens présentés par M. D... devant le tribunal administratif de Rouen.
Sur les autres moyens :
6. L'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de droit et vise les textes sur lesquels il se fonde, notamment les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'arrêté en litige fait également état de la situation de l'intéressé tant personnelle notamment de sa date de naissance, de son entrée sur le territoire français, de sa situation administrative, que familiale au regard des conditions et de la durée de son séjour en France. Il énonce ainsi les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement.
Par suite, les moyens tirés d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier doivent être écartés.
7. Comme il a été dit au point 3 l'arrêté contesté ne méconnaît pas les dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi M. D... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime a inexactement apprécié les dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a déposé une demande d'admission au séjour uniquement sur le fondement de l'article L.121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant que conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne ; dès lors, 1'autorité administrative n'était pas tenue d'examiner sa demande sur un autre fondement. Par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté méconnaît les dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code précité doivent être rejetés.
9. M. D... vit avec son épouse sur le territoire national depuis son arrivée en France, le 18 août 2017. Hormis sa vie de couple récente à la date de l'acte attaqué, il n'allègue pas avoir développé des liens particuliers avec la France. La circonstance que le couple ait eu un enfant en octobre 2018 est postérieure à l'arrêté attaqué du 26 février 2018. M. D... n'établit ni même n'allègue qu'il serait dépourvu de tout lien dans son pays d'origine. Par suite, l'arrêté du 26 février 2018 n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet acte a été pris. Il n'est pas non plus entaché d'erreur manifeste d'appréciation et n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obligation au préfet de saisir la commission du titre de séjour du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles qu'elles visent. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. D... ne remplit pas effectivement les conditions prévues pour obtenir un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière doit être rejeté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 26 février 2018. Par suite, ce jugement doit être annulé et les conclusions à fin d'annulation de cet arrêté et à fin d'injonction à délivrance d'un titre ou d'une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées. Doivent également être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées en appel par M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1803379 du 25 juin 2020 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Rouen ainsi que ses conclusions d'appel présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Me C... pour M. D....
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.
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N°20DA01307