Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 août 2020 et 22 juillet 2021, Mme B..., représentée par Me Grimaldi puis par Me Detrez-Cambrai, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner le centre communal d'action sociale de Montigny-en-Gohelle à lui verser la somme de 30 000 euros assortie des intérêts aux taux légal, en réparation du préjudice subi du fait d'agissements de harcèlement moral ;
3°) d'enjoindre au centre communal d'action sociale de Montigny-en-Gohelle de procéder à la liquidation de cette somme dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge dudit centre communal le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Mme B... et de Me Lachèvre pour le centre communal d'action sociale de Montigny-en-Gohelle.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., rédacteur principal de 2ème classe, exerçait les fonctions de directrice du centre communal d'action sociale de Montigny-en-Gohelle. Par un courrier du 14 mai 2018, elle a adressé une demande indemnitaire préalable au centre communal d'action sociale de Montigny-en-Gohelle tendant au versement de la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'agissements de harcèlement moral. Une décision implicite de rejet est née du silence du centre communal d'action sociale sur cette demande. Mme B... relève appel du jugement du 5 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre communal d'action sociale de Montigny-en-Gohelle à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation de ce préjudice.
Sur la qualité du représentant du centre communal d'action sociale de Montigny-en-Gohelle :
2. Aux termes de l'article R. 123-21 du code de l'action sociale et des familles : " Le conseil d'administration peut donner délégation de pouvoirs à son président ou à son vice-président dans les matières suivantes : [...] 7° Exercice au nom du centre d'action sociale des actions en justice ou défense du centre dans les actions intentées contre lui, dans les cas définis par le conseil d'administration ".
3. Il résulte de l'instruction que, par une délibération, en dernier lieu, du 16 juillet 2020, le conseil d'administration du centre communal d'action sociale de Montigny-en-Gohelle a donné délégation de pouvoirs à son président, sur le fondement de l'article R. 123-21 du code de l'action sociale et des familles, pour assurer la défense dudit centre dans les actions intentées contre lui. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à demander que soit écarté le mémoire en défense présenté par le centre communal d'action sociale de Montigny-en-Gohelle en appel.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
4. Il ressort des points 4 à 8 du jugement attaqué que les premiers juges, après avoir apprécié les agissements dont Mme B... s'estimait victime, ont considéré que les éléments avancés ne sauraient laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. Par suite et alors que le tribunal administratif de Lille n'était pas tenu de répondre à chacun des arguments exposés, le moyen tiré du défaut de motivation du jugement attaqué doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".
6. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
7. Il résulte de l'instruction, notamment des expertises médicales des docteurs Graux, Parmentier et Ingelaere établies respectivement les 26 avril 2016, 25 août 2016 et 15 septembre 2017, que Mme B... connaît des difficultés dans ses relations de travail avec sa hiérarchie depuis le changement d'équipe municipale en 2015 et l'arrivée d'une nouvelle directrice générale des services qui sont en lien avec la dégradation de son état de santé. Ces éléments sont ainsi susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.
8. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, ainsi que le fait valoir l'administration en défense, que la directrice générale des services a, par un courriel du 27 octobre 2015, rappelé à l'ensemble des directeurs que les parapheurs contenant des documents à faire signer par le maire ou ses adjoints devaient être visés par ses soins avant signature et a, par un courriel du 28 octobre 2015, indiqué à l'appelante que le maire n'avait pas souhaité lui déléguer sa signature pour la période du 2 au 9 novembre 2015 au cours de laquelle il était indisponible et l'a invitée à tenir compte de cette situation dans l'organisation du centre communal d'action sociale. Mais alors que le maire de Montigny-en-Gohelle, président du centre communal d'action sociale, met en avant une réorganisation générale des services, ces éléments ne permettent pas de démontrer, contrairement à ce que soutient l'appelante, que ses responsabilités auraient été amoindries du fait de considérations étrangères à l'intérêt du service. Par ailleurs, ni le courriel envoyé par la directrice générale des services, le 14 octobre 2015, à l'ensemble des directeurs sollicitant, à titre d'information, le planning de leurs présences ni les attestations d'anciens élus faisant état de changements dans le positionnement organique de la direction générale des services vis-à-vis du centre communal d'action sociale ne permettent d'établir l'existence d'une ingérence de la directrice générale des services dans le travail de Mme B... qui serait motivée par des considérations étrangères à l'intérêt du service. En outre, il ne ressort pas des termes du compte-rendu d'entretien professionnel, qui s'est déroulé le 4 novembre 2015, que ladite directrice aurait dénigré le travail de l'appelante, sans que l'avis favorable rendu par la commission administrative paritaire le 13 octobre 2016 à sa demande de révision de son entretien professionnel n'ait d'incidence sur ce point. De plus, au regard des attestations médicales produites, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus, par le président du centre communal d'action sociale de Montigny-en-Gohelle, de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 13 avril 2016 résulterait de considérations étrangères à l'intérêt du service comme une volonté de lui nuire. Enfin, si l'appelante se prévaut d'une pétition de soutien au syndicat Force Ouvrière " dans la défense des agents en état de souffrance au travail " signée, le 23 août 2017, par cinquante-quatre agents titulaires, l'administration a produit des témoignages de plusieurs d'entre eux indiquant souhaiter retirer leur nom de cette pétition ainsi que des attestations d'agents du centre communal d'action sociale attribuant à Mme B... une responsabilité dans la dégradation de leurs conditions de travail. Dans ces conditions, il résulte de ce qui précède que le centre communal d'action sociale de Montigny-en-Gohelle a produit une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'agissements de harcèlement moral.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
10. L'exécution du présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions présentées par Mme B... à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre communal d'action sociale de Montigny-en-Gohelle, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme B..., au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le centre communal d'action sociale de Montigny-en-Gohelle sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre communal d'action sociale de Montigny-en-Gohelle au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre communal d'action sociale de Montigny-en-Gohelle.
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N°20DA01168
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