Par une requête, enregistrée le 2 avril 2021, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant que le tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination contenues dans l'arrêté du 7 juillet 2020 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., de nationalité nigériane, né le 12 février 1988, est entré en France, selon ses déclarations, le 8 mai 2017. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 15 novembre 2017, confirmée par une décision du 8 novembre 2018 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 11 décembre 2018, la préfète de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 1900062 du 10 avril 2019, le magistrat désigné du tribunal a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. L'autorité administrative a examiné la situation du requérant au titre du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fondement sur lequel M. A... avait formé une demande d'admission au séjour antérieurement au jugement précité. Par un arrêté du 7 juillet 2020, le préfet de la Seine-Maritime a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 5 mars 2021 en tant que le tribunal administratif de Rouen a annulé la mesure d'éloignement et la décision fixant le pays de destination contenues dans cet arrêté.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... déclare être entré en France le 8 mai 2017. S'il fait état d'un concubinage avec une compatriote, avec laquelle il a eu un enfant né le 14 avril 2020, l'ancienneté et l'intensité de cette relation ne ressort d'aucune pièce du dossier, l'attestation de France Terre d'Asile du 10 février 2020 mentionnant seulement que le couple effectue des demandes de mise à l'abri depuis le 30 décembre 2019. Eu égard à ces éléments, l'admission au séjour de la mère de l'enfant de M. A... le temps de l'instruction de la demande d'asile ne révèle pas une circonstance susceptible de faire obstacle à son éloignement temporaire du territoire français. M. A... ne justifie par ailleurs d'aucune insertion sociale ou professionnelle notable. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a pas suite pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a annulé pour ce motif la décision obligeant M. A... à quitter le territoire.
4. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... à l'encontre de la mesure d'éloignement et de la décision fixant le pays de destination devant le tribunal administratif et la cour.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Par un arrêté n° 20-30 du 13 mars 2020, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet de la Seine-Maritime a donné délégation à M. D... C..., directeur des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer les décisions mentionnées à l'article 1er de cet arrêté, parmi lesquelles figure la décision en litige. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte manque en fait et doit, par suite, doit être écarté.
6. En application des dispositions du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français qui assortit une décision de refus de titre de séjour, n'a pas à faire l'objet d'une motivation en fait distincte de celle de cette décision. La décision de refus de titre de séjour qui énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
7. Aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Il ressort des pièces du dossier que par un avis émis le 26 août 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et que le requérant peut voyager sans risque vers son pays d'origine. M. A..., qui est suivi pour une dépression et les suites d'une fracture des deux membres inférieurs dont la prise en charge dans son pays d'origine n'aurait pas été conforme aux règles de l'art médical, fait valoir qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié en cas de retour dans son pays d'origine en raison de la situation sanitaire et de l'indisponibilité de certains médicaments qui constituent en France son traitement. Ce faisant, il ne conteste pas utilement l'avis du 26 août 2019 qui oppose que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. En outre, les prescriptions médicamenteuses délivrées pour la prise en charge de sa pathologie psychiatrique, les rendez-vous fixés par le centre hospitalier universitaire de Rouen, dans le cadre du suivi de sa pathologie orthopédique, et par l'association Emergences, ainsi que les comptes rendus de consultations médicales, qu'il verse au dossier ne permettent pas d'établir que le défaut de prise en charge médicale de M. A... entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant cette mesure d'éloignement, le préfet de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 8 que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire est entachée d'illégalité.
Sur la décision fixant le pays de destination :
10. Il résulte de ce qui a été dit au point précèdent que M. A... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire.
11. Par un arrêté n° 20-30 du 13 mars 2020, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet de la Seine-Maritime a donné délégation à M. D... C..., directeur des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer les décisions mentionnées à l'article 1er de cet arrêté, parmi lesquelles figure la décision en litige. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte manque en fait et doit, par suite, doit être écarté.
12. La décision contestée fixe, comme pays de destination, le Nigéria, pays dont M. A... a la nationalité. Elle vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et relève que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à cette convention. Cette décision est ainsi suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 7 juillet 2020 en tant qu'il oblige M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination de cette mesure d'éloignement, et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent jugement. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le conseil de M. A... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du 5 mars 2021 du tribunal administratif de Rouen sont annulés.
Article 2 : La demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2020 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par le conseil de M. A... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et à Me Djehanne Elatrassi Diome.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.
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N°21DA00758
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