Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 février et 17 mai 2021, M. B... A..., représenté par Me Rivière, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 11 février 2020 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande de délivrance d'un titre de séjour, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 et de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code précité et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision faisant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît l'article L. 511-4 10° du code précité et elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2021, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 3 mai 2021 la date de clôture de l'instruction a été fixée au 25 mai 2021 à 12 heures.
Par une décision du 28 janvier 2021, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 1er octobre 2000 à Mamou, déclare être entré en France au début de l'année 2016 à l'âge de quinze ans et six mois. Il a fait l'objet d'un placement provisoire auprès de l'aide sociale à l'enfance du département du Nord, par une ordonnance du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lille du 24 mars 2016. Ce placement a été confirmé par le juge des enfants du même tribunal le 11 avril 2016, puis le 13 avril 2017. Il a ensuite bénéficié d'une prise en charge dans le cadre du dispositif " accueil provisoire jeune majeur " jusqu'au 1er juillet 2019. Le 10 juillet 2019, il a sollicité, à titre principal, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou la mention " salarié-travailleur temporaire ", sur le fondement des dispositions du 7° bis de l'article L. 313-11 du même code, et, à titre subsidiaire, le renouvellement de son titre de séjour " étudiant " sur le fondement de l'article L. 313-15 du même code. Par un jugement du 26 novembre 2020 le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes d'annulation de l'arrêté du 11 février 2020, par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur le moyen commun aux décisions contenues dans l'arrêté en litige :
2. Par un arrêté du 2 janvier 2020, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord, le préfet du Nord a donné délégation à Mme C... E..., chef du bureau du contentieux et du droit des étrangers, à l'effet de signer, notamment, l'arrêté attaqué. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur doit être écarté.
Sur le refus de titre de séjour :
3. La décision contestée mentionne les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde et qui établissent que le préfet du Nord a procédé, avant de prendre son arrêté, à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... au vu de sa demande que ce soit en tant que " étudiant/travailleur temporaire " et que sur la " vie privée et familiale ". Par suite, les moyens tirés de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen sérieux de la situation de M. A... doivent être écartés.
4. Aux termes de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " La carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusée ou retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".
5. Le préfet du Nord a expressément visé, dans son arrêté, l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui permet de refuser de délivrer une carte de séjour temporaire à l'étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public sur l'ensemble des fondements de demande de titre de séjour. Par suite, il n'avait pas à se prononcer sur chaque fondement de la demande et le moyen tiré de ce qu'il n'a pas examiné si M. A... pouvait prétendre à une carte de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement des articles L. 313-11 2 bis ou L. 313 -11 7° alors applicables du code précité ou à une carte de séjour mention " étudiant/travailleur temporaire " sur le fondement de l'article L. 313-15 du même code doit être écarté.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France au début de l'année 2016 à l'âge de quinze ans et six mois, a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département du Nord par une ordonnance de placement provisoire datée du 24 mars 2016, soit avant ses seize ans. Il n'entrait par suite, pas dans les prévisions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable. S'il a suivi des cours de CAP Peinture, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait pu poursuivre cette formation. Il ne justifie ni d'une intégration particulière, ni, en tout état de cause, des problèmes de santé allégués. Il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Guinée, pays où résident ses parents et son frère et où il y a lui-même vécu. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a agressé une jeune femme et des personnes dépositaires de l'autorité publique avec violence, menaces de mort et usage illicite de stupéfiants, faits pour lesquels il a été condamné le 30 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Lille à une peine de quinze mois d'emprisonnement, dont six avec sursis. Compte tenu de la nature et de la gravité des faits commis, la présence de M. A... sur le territoire français constitue une menace pour l'ordre public. Par suite, le préfet du Nord, en refusant de délivrer à M. A... le titre de séjour sollicité par celui-ci, n'a entaché cette décision d'aucune erreur manifeste d'appréciation tant au regard des dispositions précitées de des articles L. 313-3 que de celles des articles L. 313-11 2 bis et 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet n'a pas plus commis d'atteinte disproportionné au droit de M. A... à mener une vie privée et familiale normale, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A....
7. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " La commission du titre de séjour est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ". Ces dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers faisaient obligation au préfet de saisir la commission du titre de séjour du seul cas des étrangers qui remplissaient effectivement les conditions prévues aux articles qu'elles visent. Il résulte de ce qui vient d'être dit au point 6 que, même en faisant abstraction des troubles qu'il a causés à l'ordre public, M. A... ne remplissait pas effectivement les conditions pour l'obtention d'un titre de séjour de plein droit, particulièrement sur le fondement des articles L. 313-11 7° et 2 bis, eu égard notamment à ce qu'à la date de l'arrêté il ne suivait plus une formation en CAP. Par suite, le moyen tiré de ce que l'autorité préfectorale aurait dû saisir la commission du titre de séjour préalablement à la décision en litige doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
8. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus aux points 2 à 7 que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour doit être écarté.
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision attaquée doivent être écartés.
Sur le délai de départ volontaire :
10. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ". Aux termes de l'article L. 612-6 du même code : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...). ".
11. La décision attaquée mentionne les circonstances de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté.
12. Pour refuser d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire, le préfet du Nord s'est fondé sur le motif tiré de ce que son comportement constituait une menace pour l'ordre public. Par suite le moyen tiré de ce que le préfet du Nord a entaché sa décision de refus de délai de départ volontaire d'une erreur d'appréciation doit être écarté.
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 9 que le moyen tiré de l'illégalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
Sur le pays de destination :
14. La décision attaquée mentionne les circonstances de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 9 que le moyen tiré de l'illégalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
Sur la décision faisant interdiction de retour sur le territoire français :
16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 15 que les moyens tirés de l'illégalité des décisions faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire ne peuvent qu'être écartés.
17. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".
18. Il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse que, pour fixer à douze mois la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français notifiée à M. A..., le préfet du Nord s'est fondé sur l'absence d'attaches privées et familiales en France de l'intéressé qui, à la date de cette décision, était célibataire et sans enfant à charge en France. Le requérant n'établit l'existence d'aucune circonstance humanitaire qui aurait pu justifier que l'autorité administrative ne prononce pas à son encontre d'interdiction de retour sur le territoire français. Dans ces conditions, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant à douze mois la durée de cette interdiction.
19. Si M. A... allègue avoir été soigné en France pour une hépatite B, depuis l'année 2016, et suivre un traitement médicamenteux, il n'a pas fait de demande de titre de séjour en raison de son état de santé et n'apporte aucune pièce à l'appui de ses allégations, hormis un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration daté du 9 février 2021, soit postérieur d'un an à l'arrêté en cause, qui estime que des soins doivent être poursuivis pendant six mois . Cet avis ne suffit pas à établir qu'à la date de l'arrêté son état de santé était tel qu'il aurait fait obstacle à son éloignement. Par suite le moyen tiré de ce que l'arrêté méconnaîtrait l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Eurielle Rivière et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Denis Perrin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.
Le président-rapporteur,
Signé : M. D...La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Chloé Huls-Carlier
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N°21DA00422