Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 avril 2019, M. C... A..., représenté par Me B... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 août 2018 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 24 mai 1957, de nationalité albanaise, est entré en France, selon ses déclarations, en avril 2012. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 7 janvier 2014. Il a bénéficié d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Toutefois, le préfet de l'Eure lui a refusé le renouvellement de ce titre par arrêté du 2 août 2018, portant également obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 19 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. M. A... soutient que le jugement est irrégulier faute de s'être prononcé sur le moyen tiré de la régularité de la procédure, la preuve de la désignation régulière des médecins composant le collège de l'office français de l'immigration et de l'intégration n'étant pas apportée. Toutefois, ce moyen n'avait pas été soulevé en première instance. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement contesté est irrégulier pour ce motif.
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
3.Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ". L'article R. 313-23 du même code, dans sa version applicable, dispose pour sa part que : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège ... ". Il ne résulte ni des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), ni des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 de ce code, ni des dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22 du même code, qui est transmis au collège de médecins de l'Office. Par suite, lorsque le requérant soutient que le médecin rapporteur a siégé au sein du collège de médecins de l'office, il lui appartient de produire tous éléments au soutien de ses allégations et il revient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins.
4. En l'espèce, le préfet a produit, comme l'ont constaté les premiers juges, une attestation de la directrice territoriale de l'office français de l'immigration et de l'intégration qui mentionne le nom du médecin rapporteur, démontrant ainsi qu'il ne siégeait pas au sein du collège de médecins, l'avis étant signé par trois autres médecins. Elle indique également que le rapport a été transmis au collège de médecins le 15 septembre 2017, soit antérieurement à la date de cet avis, rendu le 14 janvier 2018. Le moyen tiré du vice de procédure sur ces points sera donc écarté.
5. M. A... soutient pour la première fois en appel que la preuve n'est pas apportée de la désignation régulière des médecins membres du collège de l'office français de l'immigration et de l'intégration. Par une décision du 2 janvier 2018, publiée sur le site de l'office français de l'immigration et de l'intégration ainsi qu'au bulletin officiel du ministère de l'intérieur, les médecins signataires de l'avis ont été désignés pour siéger au sein du collège médical. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif a écarté à tort le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du collège de médecins de l'office de l'immigration et de l'intégration.
6. La décision contestée vise les textes dont elle fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. Le préfet, lorsqu'il se prononce sur le droit au séjour d'un étranger n'a pas à reprendre dans sa décision l'ensemble des déclarations de l'intéressé mais les seuls éléments de fait établis produits par celui-ci. En l'espèce, il n'avait donc pas à faire état de la situation en France d'un des fils de l'appelant dès lors que celui-ci n'apportait aucun élément probant au soutien de ses allégations. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée sera écarté.
7. M. A... soutient que les premiers juges auraient dû retenir l'erreur de fait soulevée en première instance relative à la situation en France de deux de ses trois enfants. Toutefois, s'il soutient que son fils Aurel réside en France, il n'a produit aucun élément ni en première instance, ni en cause d'appel, à l'appui de ces allégations et a fortiori ne démontre pas qu'il résiderait de manière régulière en France, alors que le préfet affirme sans être contredit que son fils a fait l'objet d'un refus de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 17 septembre 2015, confirmée par jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 février 2016. De même, s'il soutient que Gazment, son autre fils, a régularisé sa situation en France, il ne l'établit pas. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté, pour ces motifs, le moyen tiré de l'erreur de fait. Au surplus, le refus de titre en cause fait état de l'absence d'insertion de M. A.... S'il ressort des pièces du dossier que celui-ci a suivi, outre des cours de français, des formations d'agent de propreté, d'habilitation électrique, de montage d'échafaudage et de sauveteur-secouriste du travail, il s'agit, toutefois, de formations courtes et peu spécialisées. De même, si M. A... travaille, il n'a obtenu que des contrats de travail à durée déterminée et à temps partiel ou des missions d'intérim, à l'exception de son dernier contrat, à temps plein, conclu en août 2018, concomitamment donc à la décision du préfet de l'Eure de refus de titre. M. A... qui n'avait pas demandé un titre en tant que salarié, ne démontre donc pas, par ces seuls éléments, une insertion particulière, intense et stable, dans la société française. Au surplus, pour considérer que sa décision ne portait pas une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de l'intéressé, le préfet n'a pas pris en compte ce seul élément. Par suite, le moyen tiré d'erreurs de fait sera écarté.
8. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous les éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
9. En l'espèce, le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 14 janvier 2018, que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner une prise en charge médicale mais qu'il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Les pièces médicales produites par M. A... indiquent qu'il est victime d'apnée du sommeil et doit être équipé, durant la nuit, d'un appareil électrique branché en permanence. Ces certificats médicaux ne démontrent pas qu'il n'existerait pas de traitement approprié de l'apnée du sommeil en Albanie. M. A... produit un extrait de document destiné aux touristes indiquant des risques de coupures électriques et de variations de tension dans certaines régions du nord et du centre du pays. Toutefois, ce seul élément ne suffit à démontrer qu'il ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement dans son pays d'origine. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement contesté a écarté le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sera donc également écarté.
10. M A... déclare être entré en France en 2012. Toutefois, la durée de son séjour résulte de ses démarches pour obtenir l'asile, demande définitivement rejetée le 7 janvier 2014, puis de ses démarches de soins. Il ne justifie toutefois pas que son état de santé nécessiterait son maintien sur le territoire français, ainsi qu'il a été dit au point 9. Par ailleurs, si sa fille dispose d'une carte de séjour valable jusqu'au 7 juillet 2019, il n'établit pas ainsi qu'il a été dit au point 7 que ses deux autres enfants résident régulièrement en France. Par ailleurs, il a résidé habituellement dans son pays jusqu'à l'âge de cinquante-cinq ans. S'il a suivi des formations et a travaillé en France, cette circonstance ne suffit à démontrer l'intensité de son insertion dans la société française, ainsi qu'il a été dit également au point 7. Enfin, s'il se prévaut de la présence en France de son épouse, celle-ci a fait l'objet d'un refus de titre assorti d'une obligation de quitter le territoire, pris par le préfet de l'Eure le 2 août 2018 et confirmé par jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 19 mars 2019. Par un arrêt du même jour, la présente cour a rejeté l'appel de son épouse. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales seront écartés.
11. Ainsi qu'il a été dit au point 7, la circonstance que M. A... travaille ne suffit à démontrer une insertion particulière en l'espèce dans la société française, d'autant que, comme le fait valoir le préfet dans sa décision, l'intéressé ne dégage pas, de son travail, des revenus lui permettant d'assurer sa subsistance, à l'exception du seul mois d'août 2018. Par suite, il ne résulte ni des termes de la décision, ni des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle et familiale de M. A... avant de prendre sa décision. En conséquence, le moyen tiré du défaut d'examen sera écarté.
12. Il ne résulte pas non plus de tout ce qui précède que M. A... puisse justifier de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant qu'une carte de séjour lui soit délivrée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autant qu'il n'avait pas demandé de carte de séjour à ce titre. Par suite, le moyen tiré de la violation de ces dispositions sera écarté.
13. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. A... sera écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. Il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'office de l'immigration et de l'intégration, dans son avis rendu le 14 janvier 2018, sur lequel se fonde la décision contestée, a estimé, contrairement à ce que soutient le requérant, que l'état de santé de l'intéressé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Ce moyen sera donc écarté.
15. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité du refus de titre, base légale de l'obligation de quitter le territoire ne pourra qu'être écarté.
16. Ainsi qu'il a été dit au point 9, M. A... n'a pas établi par les éléments médicaux produits, que le défaut de prise en charge de son état de santé pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ne conteste pas sérieusement l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration considérant qu'il peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Le moyen tiré de la violation du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sera donc écarté.
17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle du requérant seront écartés.
Sur la décision fixant le pays de destination :
18. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, base légale de la décision fixant le pays de destination, ne pourra qu'être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et à Me B... D....
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.
N°19DA01007 2
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