Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2015, M.H..., représenté par Me E...G..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er octobre 2015 du tribunal administratif de Rouen ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 mars 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision lui refusant un tire de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'illégalité de la décision d'admission au séjour a pour conséquence l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure faute d'avoir été précédée de la saisine pour avis du médecin de l'agence régionale de santé en application de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Maritime, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. H...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 octobre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Albertini, président de chambre,
- et les observations de Me C...F..., substituant Me E...G..., représentant M.H....
Sur la légalité du refus de séjour :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : / (...) / 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code (...) " et qu'aux termes de l'article L. 742-7, alors en vigueur, de ce code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre, doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI " ;
2. Considérant que M.H..., de nationalité arménienne, a sollicité l'admission au séjour sur le fondement des articles L. 314-11-8° ou L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande d'asile du requérant par une décision du 20 novembre 2014, notifiée le 27 novembre suivant ; qu'il ressort des motifs de la décision contestée, qui n'avait pas à mentionner son état de santé alors qu'il n'établit pas ni même n'allègue s'en être prévalu lors de sa demande d'admission au séjour, qu'elle énonce suffisamment les considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde le refus d'admission au séjour de M. H...; que, par suite la décision de refus de séjour est suffisamment motivée au regard de l'exigence posée par la loi du 11 juillet 1979 ;
3. Considérant que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. H...a présenté sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article des articles L. 314-11-8° ou L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur celui du 11° de l'article L. 313-11 ; que, par suite, le préfet n'était pas tenu de solliciter l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;
5. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, M. H...n'a pas sollicité de titre de séjour en qualité d'étranger malade ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 de ce code est inopérant ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant que M. H...est célibataire et sans charge de famille ; qu'il n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-huit ans et où résident encore sa mère et son frère ; qu'il n'allègue pas disposer de liens affectifs et sociaux sur le territoire français ; que dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour ces mêmes motifs et alors qu'il ressort des pièces du dossier que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ainsi que cela a déjà été précisé au point 2, et qu'il n'établit pas par les documents ou avis médicaux versés au dossier, au demeurant postérieurs à la décision en litige, que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. H... n'est pas fondé à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 de ce code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 511-1 de ce code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux trois premiers alinéas de l'article R. 313-22 " et qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) " ;
9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. H...ait porté en temps utile à la connaissance du préfet de la Seine-Maritime des éléments précis de nature à le conduire à s'interroger sur le point de savoir s'il était susceptible de figurer parmi les étrangers visés par les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, en raison de leur état de santé, ne peuvent légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'au demeurant, ni l'attestation, peu circonstanciée et postérieure à la décision en lige, rédigée le 11 mars 2015 par le DrD..., médecin généraliste, qui ne comporte aucune précision sur les conséquences susceptibles de résulter du défaut de prise en charge médicale de l'affection dont il est atteint, ni les courriers du même jour adressés par ce praticien au Pr Vittecoq, rhumatologue, et au Dr A..., spécialiste en médecine interne, en vue de solliciter leur avis médical sur l'état de santé de M.H..., ni les autres pièces du dossier ne révèlent que l'état de santé du requérant nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ou qu'un traitement approprié serait indisponible dans son pays d'origine ; qu'eu égard en outre à ce qui a été dit aux points 2 à 5, il n'est pas établi que M. H...était, à la date à laquelle l'arrêté contesté à été pris, au nombre des ressortissants étrangers visés au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne peuvent légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français par le préfet, qui n'était, par suite, pas tenu de consulter le médecin de l'agence régionale de santé avant de prendre une telle décision à l'égard de M. H...;
10. Considérant qu'eu égard à ce qui vient d'être dit aux points 2 à 7, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour serait entachée d'illégalités de nature à affecter la décision faisant obligation à M. H...de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté ;
11. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 du présent arrêt, la décision faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français n'a pas, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M.H..., porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, ni n'a méconnu, par suite, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que cet article 3 énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
13. Considérant que M. H...se borne à verser au dossier un certificat médical établi en Arménie, ainsi qu'un témoignage visant à attester qu'il est recherché par les autorités du pays dont il a la nationalité, en raison de ses opinions politiques, qui sont dépourvus de garanties suffisantes d'authenticité et n'ont, au demeurant, pas convaincu l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'il ne produit aucun élément probant de nature à établir la réalité des risques personnels, directs et actuels qu'il encourrait en cas de retour en Arménie ; qu'ainsi, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont été méconnues par le préfet de la Seine-Maritime pour fixer l'Arménie comme le pays à destination duquel M. H...pourra être reconduit d'office ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. H...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. H...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...H..., au ministre de l'intérieur. et à Me E... G...
Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 23 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 juillet 2016.
L'assesseur le plus ancien,
Signé : O. NIZETLe président de chambre,
président rapporteur,
Signé : P.-L. ALBERTINI
Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°15DA01813