Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2019, MM.B..., représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces deux arrêtés ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de leur délivrer un titre de séjour, portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...B...et M. C...B..., ressortissants Albanais, nés respectivement le 16 mai 1996 et le 25 mars 1999, sont entrés en France, selon leurs déclarations, le 29 mai 2012. Ils ont tous deux formé, le 29 mars 2018, une demande de régularisation de leur situation administrative au titre de l'admission exceptionnelle au séjour. Par deux arrêtés du 26 juin 2018 le préfet de l'Oise a refusé de faire droit à leurs demandes et leur a fait à chacun obligation de quitter sans délai le territoire français. Par ces mêmes arrêtés, le préfet de l'Oise a fixé l'Albanie comme pays à destination duquel MM. B...pourraient être reconduits d'office et leur a interdit tout retour sur le territoire français pour une durée d'une année. MM. B... relèvent appel du jugement du 9 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de ces arrêtés et à ce qu'il soit fait injonction au préfet de l'Oise de leur délivrer un titre de séjour.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. L'article 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ".
3. MM. A...et C...B...seraient, selon leurs dires, arrivés sur le territoire français en 2012 soit respectivement à l'âge de seize et de treize ans. Il ressort des pièces du dossier que M. A...B..., après avoir obtenu un certificat d'aptitude professionnelle en maintenance automobile en 2015, a été admis dans une filière de préparation au baccalauréat professionnel mention " maintenance des matériels option aéroportuaire ", diplôme qu'il a obtenu en 2017. L'engagement de M. A...B...a été particulièrement souligné par les entreprises qui l'ont accueilli en stage, de même que sa ponctualité, l'une de ces entreprises ayant même envisagé de le recruter durant la saison d'été au sein de son équipe de mécaniciens. Pour sa part, M. C...B..., s'est particulièrement investi, dès son entrée sur le territoire français, dans sa scolarité en collège, ses efforts lui ayant permis d'obtenir, malgré de réelles difficultés pour acquérir une bonne maîtrise de la langue française, le brevet des collèges avec la mention assez bien en 2014. Ayant été admis en lycée technologique pour la rentrée scolaire 2014-2015, il a poursuivi son investissement dans son parcours scolaire, qui a été salué par ses professeurs et qui lui a permis d'obtenir un baccalauréat technologique en sciences et technologies de l'industrie et du développement durable, dans la spécialité de l'énergie et de l'environnement, avec la mention assez bien en 2017. A la date à laquelle l'arrêté du 26 juin 2018 dont il conteste la légalité a été pris, M. C...B...était inscrit en première année de préparation d'un brevet de technicien supérieur en fonderie en alternance, le refus de délivrance de titre de séjour qui lui a été opposé ayant toutefois fait obstacle à ce qu'il puisse signer un contrat d'apprentissage. Il a, lui aussi, fait particulièrement montre de sa motivation lors de ses stages, de même que dans le domaine sportif, ce qui lui a permis de pouvoir prendre part, en 2014, aux championnats de France scolaires d'athlétisme. S'il ressort toutefois des pièces du dossier que le séjour de MM. B...a été effectué en partie dans des conditions irrégulières et que les intéressés se sont notamment maintenus sur le territoire français en dépit de précédentes mesures d'éloignement exécutoires, cette situation, si elle doit être prise en compte, ne peut, par elle-même, suffire à disqualifier les réels efforts d'intégration et d'insertion dans leur scolarité et leur formation professionnelle que ces deux jeunes majeurs ont déployés, en dépit de difficultés liées à leur absence de maîtrise de la langue française, depuis leur arrivée en France et dont les refus de séjour en litige risquent de compromettre la concrétisation, en faisant obstacle à ce qu'ils puissent s'insérer professionnellement. Ainsi, dans les conditions particulières de l'espèce, pour refuser de faire bénéficier MM. B...d'une mesure de régularisation, le préfet de l'Oise doit être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, les décisions de refus de séjour prononcées par les deux arrêtés du 26 juin 2018 en litige doivent être annulées. Par voie de conséquence, il y a lieu d'annuler les décisions faisant obligation à MM. B...de quitter le territoire français, leur refusant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination, prononcées par les mêmes arrêtés.
4. Il résulte de tout ce qui précède que MM. B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 9 octobre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt, qui annule les décisions de refus de séjour prononcées par les deux arrêtés du préfet de l'Oise du 26 juin 2018 au motif qu'elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et, par voie de conséquence, les autres décisions prononcées par les mêmes arrêtés, n'implique pas, par lui-même, que le préfet de l'Oise délivre un titre de séjour aux intéressés. Cet arrêt implique, en revanche, que le préfet de l'Oise, ou tout autre préfet qui serait devenu entre-temps territorialement compétent, procède à un nouvel examen des demandes de titre de séjour formées par MM. B..., après les avoir autorisés à demeurer provisoirement en France, et qu'il se prononce de nouveau sur ces demandes, en tenant compte des éléments de droit et de fait existants à la date à laquelle il prendra ses décisions. Il y a lieu d'impartir, pour ce faire, à cette autorité, un délai de quinze jours à compter de la date de notification du présent arrêt pour mettre les intéressés en possession d'une autorisation provisoire de séjour valable le temps nécessaire à ce réexamen et un délai de deux mois pour se prononcer de nouveau sur la situation de MM.B....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 9 octobre 2018 du tribunal administratif d'Amiens et les arrêtés du 26 juin 2018 du préfet de l'Oise refusant de délivrer un titre de séjour à MM.B..., leur faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination de ces mesures et leur faisant interdiction de retour sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Oise, ou à tout autre préfet qui serait devenu territorialement compétent, de délivrer à MM.B..., dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification du présent arrêt, une autorisation provisoire de séjour valable le temps nécessaire à un nouvel examen de leur demande de titre de séjour et de procéder, dans un délai de deux mois à compter de cette même date, à ce réexamen.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MM. A...et C...B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Oise.
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N°19DA00089