Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 juin et 19 septembre 2016, la SAS Yerville Distribution, représentée par Me B...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1402758 du 26 avril 2016 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, de taxes sur les véhicules de tourisme des années de 2009 et 2010, et des pénalités appliquées en vertu de l'article 1759 du code général des impôts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Yerville Distribution, après avoir fait l'objet d'une vérification de comptabilité, s'est vu notifier une proposition de rectification en date du 14 août 2012, concernant notamment des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, l'assujettissement à la taxe sur les véhicules de société pour la période allant du 1er octobre 2008 au 30 septembre 2010, et de l'application de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts à certains rehaussements. Par jugement du 26 avril 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires et pénalités mises en recouvrement le 22 novembre 2013. La société relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Par le jugement en litige, le tribunal a relevé que la société Yerville Distribution a inscrit en comptabilité des dépenses présentant un caractère personnel pour des travaux réalisés au domicile de M. et MmeA.... Il a également relevé que ces travaux avaient donné lieu à des factures de complaisance et à la modification de données figurant sur certaines factures. Au vu de ces éléments, le tribunal a jugé qu'en raison de son manque de sincérité, la comptabilité de la SAS Yerville Distribution devait être écartée comme non probante. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient omis de statuer de manière motivée sur le moyen tiré de ce que la comptabilité de la société aurait été à tort écartée par l'administration manque en fait.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
3. Pour écarter comme non probante la comptabilité de la SAS Yerville Distribution au titre des exercices vérifiés, le vérificateur a notamment retenu l'inscription à l'actif d'immobilisations destinées au patrimoine personnel de ses dirigeants, l'omission de comptabilisation de certaines recettes, l'imputation en charges de dépenses présentant un caractère personnel correspondant à des travaux réalisés au domicile de M. et MmeA..., respectivement président directeur général et comptable de cette société, par le biais de factures de complaisance ou de factures dont certaines données ont été modifiées. Ces circonstances, compte tenu de la nature des irrégularités en cause, suffisent à jeter un doute sur la sincérité des écritures comptables. Elles sont ainsi, à elles seules, de nature à priver la comptabilité de la SAS Yerville Distribution de toute valeur probante.
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
4. Dans le cas où la comptabilité du redevable a été à bon droit écartée comme non probante, il appartient à l'administration de procéder à l'évaluation du chiffre d'affaires d'après les éléments dont elle dispose. Lorsque la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'a pas été demandée, l'intéressé supporte la charge d'établir que l'évaluation faite par l'administration est exagérée.
5. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. ". Selon l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts, repris à l'article 208 de la même annexe, la taxe sur la valeur ajoutée dont la déduction a été omise sur la déclaration afférente au mois au titre duquel elle était déductible ne peut, à condition de faire l'objet d'une inscription distincte, figurer que sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission.
6. L'administration fiscale a remis en cause la déduction opérée par la SAS Yerville Distribution, au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2007, de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé notamment les dépenses afférentes à l'achat de pneumatiques et de carrelage.
S'agissant de la remise en cause de la déduction de taxe sur la valeur ajoutée afférente à une facture d'acquisition de pneus :
7. Pour remettre en cause le caractère déductible de la taxe ayant grevé l'acquisition de pneus, l'administration s'appuie sur les mentions d'une facture du 22 mai 2007, enregistrée le 30 juin 2010, qui fait apparaître deux prestations, à savoir, d'une part, la fourniture de dix pneus pour un véhicule de type fourgon, Ford Transit précisément identifié de la société et la réparation d'un pneu pour un autre véhicule également identifié par son immatriculation. Alors que le premier de ces véhicules n'a que six roues, la société, à laquelle incombe la charge de la preuve de la déductibilité de la taxe, ne saurait être regardée comme contestant sérieusement ce redressement en se bornant à faire valoir, sans produire la facture en question ni en remettre en cause le contenu, que, contrairement aux mentions précises de la facture telles qu'exposées par l'administration, les dix pneus acquis étaient destinés aux dix roues des deux véhicules en cause, alors que les quatre pneus supplémentaires n'ont fait l'objet d'aucune inscription dans les stocks de la société. Dans ces conditions c'est à bon droit qu'en l'absence de preuve de ce que l'achat de quatre des dix pneus acquis a été réalisé pour les besoins du fonctionnement de l'entreprise, la somme facturée n'a été regardée comme déductible qu'à hauteur des 6/10èmes de son montant, le droit à déduction étant toutefois prescrit en 2010, s'agissant d'une facture de mai 2007.
S'agissant de la remise en cause de la déduction de taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'achat de carrelages :
8. La SAS Yerville Distribution a comptabilisé deux factures émises par la société Dente Carrelages en septembre 2009 et juin 2010 pour l'achat de carrelage de dimension 50 sur 50 cm. Elle a exposé, lors de la vérification, que ce carrelage aurait été utilisé pour agrandir la surface commerciale dédiée à la poissonnerie située dans son magasin. L'administration a cependant relevé sur place que le carrelage posé est de dimension 20x20 cm. En outre, elle oppose le fait qu'une facture au nom de la société Landry et non de la société Dente a été émise pour les travaux d'agrandissement de la poissonnerie, incluant l'aménagement du sol. Dans ces conditions la société requérante n'établit pas que les achats en question auprès de la société Dente Carrelages ont été effectués pour les besoins de l'exploitation. En conséquence, l'administration fiscale a pu procéder au rappel des droits de taxe sur la valeur ajoutée correspondants au titre des exercices clos en 2009 et 2010.
En ce qui concerne les rappels de taxe sur les véhicules de société :
9. Aux termes de l'article 1010 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " Les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules qu'elles utilisent en France quel que soit l'Etat dans lequel ils sont immatriculés, ou qu'elles possèdent et qui sont immatriculés en France, lorsque ces véhicules sont immatriculés dans la catégorie des voitures particulières au sens du 1 du C de l'annexe II à la directive 70/156/CEE du Conseil, du 6 février 1970, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la réception des véhicules à moteur et de leurs remorques. (...) La taxe n'est toutefois pas applicable aux véhicules destinés exclusivement soit à la vente, soit à la location de courte durée, soit à l'exécution d'un service de transport à la disposition du public, lorsque ces opérations correspondent à l'activité normale de la société propriétaire. / (...) Lorsqu'elle est exigible en raison des véhicules pris en location, la taxe est à la charge de la société locataire. Les conditions d'application du présent alinéa sont fixées par décret. ". Le III de l'article 406 bis de l'annexe III à ce code précise en outre que : " (...) En ce qui concerne toutefois les véhicules loués, la taxe n'est due que si la durée de la location excède une période d'un mois civil ou de trente jours consécutifs (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions que les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu'elles utilisent en France, quel que soit l'Etat dans lequel ils sont immatriculés, et à raison des véhicules de tourisme qu'elles possèdent et qui sont immatriculés en France. Par suite, l'administration est tenue d'assujettir tous les véhicules qui remplissent l'un des critères alternatifs d'assujettissement ainsi définis, à la seule exception des véhicules exclusivement destinés à l'une des trois activités limitativement énumérées au quatrième alinéa de l'article 1010 du code général des impôts, au nombre desquelles figure la location de courte durée, à la condition que cette activité corresponde à l'activité normale de la société propriétaire. Toutefois, lorsque le locataire est une société, la taxe exigible à raison de véhicules pris en location pour une durée qui excède une période d'un mois civil ou de trente jours consécutifs n'est due que par ce locataire en vertu du dernier alinéa de l'article 1010 du code général des impôts et du III de l'article 406 bis de l'annexe III à ce code.
11. La vérification des comptes de la société, qui exerce une activité d'exploitation de supermarchés, a permis de constater qu'elle louait avec option d'achat un véhicule de marque BMW de type X5. De ce seul fait, et peu important l'absence de passation d'écritures de charge et l'imputation de cette dépense sur le compte courant d'associé de M. et MmeA..., qui auraient eu l'usage de ce véhicule à titre personnel, ce qui n'est d'ailleurs nullement établi, ce véhicule entrait dans le champ d'application de la taxe annuelle prévue à l'article 1010 du code précité. Ainsi, l'administration était fondée à procéder au rappel de la somme de 3 600 euros de droits de taxe sur les véhicules de société au titre des exercices 2009 et 2010.
Sur l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts :
12. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. ".
13. La société requérante, qui ne conteste pas avoir été invitée à fournir l'identité des bénéficiaires de certains revenus distribués, estime que, faute de distributions de revenus, il ne saurait lui être fait grief de ne pas avoir désigné de bénéficiaires. Cependant en se limitant à contester le caractère de revenus distribués des achats et dépenses repris aux points 5 (pneus) et 7 (carrelages), elle n'a pas satisfait à la demande qui lui avait été faite. En outre, s'agissant des omissions de facturations pour des véhicules donnés en location, évaluées par l'administration à hauteur de 9 506 euros et 14 242 euros pour les exercices 2009 et 2010, elle se borne à faire valoir sans établir l'absence de bien-fondé de ces distributions, que ces sommes ont été évaluées selon des tableaux incomplets du contrôleur alors même que l'administration a repris dans sa réponse aux observations le détail des fiches par véhicule loué. Enfin, si la société expose que la facturation de la somme de 26 000 euros portée en compte fournisseur aurait été rectifiée le 31 juillet 2011, elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'annulation de cette dépense et par suite, de l'absence de distribution. Dès lors l'administration pouvait infliger à la société l'amende prévue à l'article 1759 du code précité pour défaut de réponse à sa demande de désignation des bénéficiaires.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Yerville Distribution n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Yerville Distribution est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Yerville Distribution et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie sera en transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°16DA01147