Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2017 sous le n°17DA02240, la société par actions simplifiée Ocean Build Enterprises, venant aux droits de la SAS Burger Services, représentée par Me B...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 28 septembre 2017 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions en litige.
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II. Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2017 sous le n°17DA02356, la SAS Ocean Build Enterprises, représentée par Me B...A..., demande à la cour de décider, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, qu'il sera sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lille du 28 septembre 2017 jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa requête au fond.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la SAS Ocean Build Enterprises.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes enregistrées sous les numéros 17DA02240 et 17DA02356 et introduites par la société par actions simplifiée Ocean Build Enterprises sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
2. La société par actions simplifiée United Arab Agencies France, membre d'un groupe fiscalement intégré ayant pour société mère la SAS Burger Services et qui exerce ses activités dans les domaines de l'affrètement et de l'organisation des transports, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période couvrant les mois de janvier 2009 à décembre 2010. Les rectifications envisagées à l'issue de ce contrôle ont été portées à la connaissance de la SAS United Arab Agencies France au moyen d'une proposition de rectification datée du 21 décembre 2012, qui n'a donné lieu à aucune observation de sa part. La SAS Ocean Build Enterprises, venant aux droits de la SAS Burger Services, relève appel du jugement du 28 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles la société Burger Services, en tant que société mère d'un groupe fiscalement intégré, a été assujettie au titre des années 2009 et 2010. Par une requête distincte, elle demande à la cour de décider qu'il sera sursis à l'exécution de ce jugement jusqu'à ce qu'elle se prononce sur le fond de l'affaire.
Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions en litige :
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions en litige :
3. En vertu du 5° du I de l'article 39 du code général des impôts, le bénéfice net est établi sous déduction, notamment, des provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent en outre comme probables eu égard aux circonstances de fait constatées à la date de clôture de l'exercice, et qu'enfin, elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. Il appartient à cette dernière, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre à son égard, de justifier tant du montant des provisions qu'elle entend déduire, sur le fondement de ces dispositions du I de l'article 39 du code général des impôts, du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.
4. Pour asseoir les rehaussements en litige, l'administration a notamment retenu que deux provisions portées, au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2010, dans la comptabilité de la SAS United Arab Agencies France, d'une part, pour un montant de 1 200 947 euros, d'autre part, pour un montant de 528 000 euros, afin de tenir compte, dans ses relations avec un armateur, la société UASC, de charges ou pertes susceptibles de résulter de la cessation de leur collaboration commerciale, n'étaient justifiées ni dans leur principe, ni dans leur montant.
5. Pour justifier de la déductibilité de la première de ces provisions, la SAS Ocean Build Enterprises, a invoqué, devant les premiers juges un état de rapprochement établi par les sociétés United Arab Agencies France et UASC, ainsi que divers courriers électroniques échangés en langue anglaise et présentés comme révélant l'existence d'une dette qui resterait due par la SAS United Arab Agencies France à l'égard de la société UASC après la cessation de leur collaboration. En outre, pour justifier de la déductibilité de la seconde de ces provisions, la SAS Ocean Build Enterprises s'est prévalue, sans toutefois produire l'intégralité de ce document, d'un accord conclu le 27 septembre 2010 entre les sociétés United Arab Agencies France et UASC pour organiser la cessation de leurs relations contractuelles. Elle a notamment invoqué les stipulations de cet accord prévoyant le versement, par la société UASC, d'une indemnité de 1 056 800 euros dont la moitié seulement aurait été versée à la SAS United Arab Agencies France à la clôture de l'exercice 2010.
6. En cause d'appel, la SAS Ocean Build Enterprises, qui indique expressément renoncer à cette argumentation, ne conteste pas les motifs par lesquels le tribunal administratif de Lille a écarté celle-ci et soutient désormais exclusivement que les deux sommes portées en provision dans la comptabilité de sa filiale, la SAS United Arab Agencies France, correspondraient, en réalité, à des détournements de fonds opérés par l'un de ses salariés, qui exerçait les fonctions de directeur administratif et financier du groupe, et que la déductibilité de celles-ci serait justifiée par le fait que la perte définitive de ces deux sommes pouvait être regardée comme probable au 31 décembre 2010.
7. Toutefois, la SAS Ocean Build Enterprises ne saurait, après la clôture de l'exercice 2010 au cours de laquelle ces provisions ont été portées dans la comptabilité de la SAS United Arab Agencies France, dans un compte de provision pour dépréciation d'un en-cours, respectivement avec les libellés " Fret UASC " et " UASC ", justifier de leur déductibilité par un motif étranger aux relations contractuelles entre les sociétés United Arab Agencies France et UASC. Au surplus, elle n'établit pas avoir, avant la clôture de l'exercice en cause, engagé les actions propres à lui permettre de recouvrer, auprès de l'auteur présumé des détournements invoqués, les sommes correspondantes en saisissant les juridictions compétentes. En effet, elle a versé à l'instruction, d'une part, un récépissé de dépôt de plainte émis le 17 décembre 2013 par le secrétariat du Procureur de la République de Dunkerque, d'autre part, un jugement du 2 mars 2017 par lequel le tribunal de grande instance de Dunkerque a condamné l'ancien salarié qu'elle met en cause, à lui payer diverses sommes, enfin, un arrêt du 15 mars 2017 par lequel la cour d'appel de Casablanca a condamné l'intéressé à une peine de quatre années et demi d'emprisonnement pour des faits d'escroquerie. Or, il résulte de l'examen de ces documents que ceux-ci sont intervenus dans le cadre d'actions judiciaires engagées à des dates postérieures au 31 décembre 2010.
8. Dans ces conditions, faute pour la société appelante de démontrer que sa filiale risquait, au 31 décembre 2010, d'être exposée à des charges ou à des pertes présentant un caractère probable eu égard aux circonstances de fait constatées à cette date, l'administration a pu, sans méconnaître les dispositions et principes rappelés au point 3, remettre en cause la déductibilité des sommes ainsi inscrites à titre de provision dans la comptabilité de la SAS United Arab Agencies France.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Ocean Build Enterprises n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 28 septembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant au sursis à l'exécution du jugement :
10. Dès lors que le présent arrêt se prononce, dans le cadre de l'examen de la requête n°17DA02240 présentée par la SAS Ocean Build Enterprises, sur le bien-fondé des impositions en litige, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n°17DA02356 par laquelle cette société demande à la cour de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement attaqué jusqu'à ce qu'elle se prononce sur le fond de l'affaire.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SAS Ocean Build Enterprises, enregistrée sous le n°17DA02356, tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lille du 28 septembre 2017.
Article 2 : La requête n°17DA02240, présentée par la SAS Ocean Build Enterprises, est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Ocean Build Enterprises et au ministre de l'action des des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord
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Nos17DA02240, 17DA02356
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N°"Numéro"