Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 décembre 2016, 30 mai 2017 et 24 août 2018, la SARL CCTAP, Me A...B..., agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société et la SELARL Grave Randoux, agissant en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société, représentés par la SCP Bejin-Camus-Belot, demandent à la cour :
1°) la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la SARL CCTAP a été assujettie au titre des années 2007 et 2008 ;
2°) la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009.
3°) la réformation en ce sens du jugement de première instance.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
1. Eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification tout ou partie de la comptabilité tenue par l'entreprise vérifiée mais se trouvant chez un tiers, de soumettre l'examen des pièces obtenues à un débat oral et contradictoire avec le contribuable. Toutefois, il n'en va pas de même lorsque des documents ne présentant pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée sont communiqués à l'administration.
2. Il résulte de l'instruction, en particulier des informations figurant dans la proposition de rectification du 30 juillet 2010, et n'est d'ailleurs pas contesté par la société, que, dans l'exercice du droit de communication, le service a demandé à la SARL Laetitia et à la SARL SGD de Fontaine, une copie du compte client de la société CCTAP sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 et une copie des factures relatives aux opérations de ce compte. En réponse, la société Laetitia a informé le vérificateur n'avoir effectué aucune opération avec la société au cours de la période en question. Le vérificateur n'a donc obtenu aucune pièce de la part de cette société. La société SGD de Fontaine, pour sa part, a répondu au service, par une télécopie du 1er juillet 2010, que, pour des raisons pratiques, il lui était impossible de fournir les justificatifs demandés. Ensuite, à la demande de la société contrôlée, elle a établi des factures annuelles, à partir des chiffres comptables fournis par la société CCTAP elle-même. Il résulte de ce qui vient d'être dit que les réponses ou documents fournis par ces deux sociétés ne sont pas constitutifs de documents comptables. Il n'était, par suite, pas nécessaire de les soumettre à un débat oral et contradictoire avec le contribuable. Au surplus, ils n'apportaient aucun élément que le service et la société CCTAP ne connussent déjà.
3. Les relevés de comptes bancaires d'une entreprise dont l'administration a eu connaissance dans le cadre de l'exercice, auprès d'un établissement bancaire, de son droit de communication ne constituent pas un élément de la comptabilité tenue par cette entreprise.
4. Si la société appelante soutient que le service aurait exercé son droit de communication auprès de l'organisme bancaire sur les livres duquel elle disposait d'un compte bancaire, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses dires alors que le service fait valoir, sans être sérieusement contesté, que le vérificateur a obtenu de la société des relevés de ce compte bancaire lors des opérations de contrôle sur place. En tout état de cause, à supposer même que le service ait effectivement obtenu des relevés de compte bancaire par exercice du droit de communication, la société n'est pas fondée à soutenir, au regard de ce qui a été rappelé au point 3, que ces relevés auraient dû être soumis à un débat oral et contradictoire.
5. Contrairement à ce que soutient que la société appelante, la décision n°380459 du 12 février 2016 du Conseil d'Etat dont se prévaut l'administration fiscale devant la cour ne constitue pas un revirement de jurisprudence. Par suite, et en tout état de cause, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que l'application de cette jurisprudence devrait être écartée afin d'assurer le respect du principe de sécurité juridique.
Sur les avis de mise en recouvrement :
6. Aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. / Un avis de mise en recouvrement est également adressé par le comptable public compétent pour la restitution des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature mentionnés au premier alinéa et indûment versés par l'Etat. / L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret. Les pouvoirs de l'autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public compétent ". Par ailleurs, selon l'article R. 256 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / L'avis de mise en recouvrement mentionne également que d'autres intérêts de retard pourront être liquidés après le paiement intégral des droits. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. / (...) ".
7. Le courrier du 7 décembre 2011 de l'administration fiscale ne comporte aucune décision d'abandon de rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, la société ne peut utilement soutenir que l'avis de mise en recouvrement concernant ces rappels serait irrégulier en l'absence de mention de ce courrier dans l'avis de mise en recouvrement.
8. Il n'est pas contesté que, d'une part, les amendes pour distribution occulte de l'article 1759 du code général des impôts, ont été remises par application du I de l'article 1756 du code général des impôts du fait du placement de la société en redressement judiciaire, postérieurement à l'émission des avis de mise en recouvrement du 22 janvier 2013 et que, d'autre part, les amendes prévues par l'article 1737 du code général ont donné lieu à un dégrèvement en cours de première instance. Par suite, la société appelante ne saurait davantage utilement se prévaloir de l'absence de mention de la lettre du 7 décembre 2011 dans l'avis de recouvrement du 22 janvier 2013, absence qui ne saurait avoir eu pour effet de la priver effectivement d'une quelconque garantie.
9. Il est constant que le second avis de mise en recouvrement du 22 janvier 2013, portant sur les rappels d'impôts sur les sociétés ne fait pas référence, comme il aurait dû le faire, à la lettre du 7 décembre 2011 informant la société de la baisse des rectifications opérées à ce titre. Néanmoins, la seule circonstance que l'avis de mise en recouvrement ne fasse pas état de cette lettre du 7 décembre 2011 n'a pas privé la contribuable de la garantie tenant à pouvoir utilement contester les redressements dès lors, d'une part, qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs ni soutenu ni allégué, que le montant figurant sur l'avis de mise en recouvrement au titre de l'impôt sur les sociétés n'aurait pas pris en compte les abandons de rectification annoncés par lettre du 7 décembre 2011 et, d'autre part, qu'il n'est pas plus contesté que la société a bien été destinataire de cette lettre.
Sur l'application de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales :
10. Aux termes de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. / Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France ".
11. Il ne résulte pas de l'instruction que le service aurait commis, dans la procédure d'imposition, une erreur ayant eu pour effet, notamment, de porter atteinte aux droits de la défense. La société n'est donc pas fondée à se prévaloir des dispositions du second paragraphe de l'article L. 80 CA précité. Par ailleurs, les dispositions du premier paragraphe de l'article L. 80 CA précité confèrent au juge une simple faculté dont il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application.
Sur l'application de la doctrine administrative :
12. La doctrine BOI-REC-PREA-10-10-20 ayant été publiée le 7 juillet 2015, soit postérieurement aux avis de mise en recouvrement en cause, la société appelante ne saurait, de ce fait, utilement s'en prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, au regard de ce qui a été dit au point 8, le moyen tiré, sur le fondement des mêmes dispositions du livre des procédures fiscales, de la méconnaissance des paragraphes 30 et 310 de la doctrine administrative de même référence mais dans sa version en vigueur du 12 septembre 2012 au 16 juillet 2015, ne peut qu'être écarté. En tout état de cause, les doctrines en question se rapportant à la procédure d'imposition, elles ne sauraient être utilement invoquées à l'appui de conclusions tendant à la décharge de l'imposition.
13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société CCTAP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL CCTAP est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL CCTAP, à Me A...B..., à la SELARL Grave Randoux et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera transmise pour information à l'administrateur général des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°16DA02554