Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2017, M. et MmeA..., représentés par Me B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 mai 2017 ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2010-1657 du 20 décembre 2010 de finances pour 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A...ont bénéficié, au titre de l'année 2010 et, en conséquence d'un report, au titre de l'année 2011, d'une réduction d'impôt sur le revenu, en application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, à raison d'investissements productifs réalisés outre-mer, en qualité d'associés de sociétés en participation (SEP), consistant en l'acquisition et l'installation de centrales photovoltaïques en vue de leur exploitation par des sociétés situées outre-mer. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a remis en cause cette réduction d'impôt et leur a notifié selon la procédure contradictoire de redressement, une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de ces années 2010 et 2011. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 23 mai 2017 du tribunal administratif de Rouen rejetant leur demande tendant à la décharge de cette imposition.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. L'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dispose que : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.
3. D'une part, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale, qui n'était pas tenue d'indiquer les modalités selon lesquelles elle a exercé son droit de communication, s'est fondée, pour établir l'imposition en litige, sur des documents obtenus à la suite de l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire. L'ensemble de ces informations figurait dans la proposition de rectification. Dans ces conditions, M. et Mme A...disposaient, dès réception de la proposition de rectification, des informations suffisantes pour présenter utilement des observations afin de contester les impositions supplémentaires en litige et pouvaient également solliciter la communication de ces documents. A ce titre, si les requérants soutiennent qu'ils ont demandé à l'administration fiscale la communication des documents qui ont servi à fonder les rehaussements, cette allégation n'est, en tout état de cause, corroborée par aucune des pièces versées à l'instruction, tant en première instance que devant la cour. Il ne résulte pas de l'instruction que, pour fonder les motifs et le montant des rectifications contestées, l'administration aurait eu recours à d'autres éléments ni qu'elle aurait utilisé d'autres documents obtenus de tiers. Ainsi, l'administration n'était pas tenue de communiquer aux contribuables les propositions de rectification adressées aux sociétés dont ils étaient les associés ni les informations obtenues dans le cadre des vérifications de comptabilité des sociétés intervenant dans la réalisation des investissements. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté. M. et Mme A...ne peuvent utilement invoquer, en ce qui concerne leur critique de la régularité de la procédure d'imposition, l'instruction BOI-CF-PGR-30-10 n°280 du 12 septembre 2012.
4. D'autre part, il résulte également de l'instruction que le supplément d'impôt mis à la charge de M. et Mme A...au titre des années 2010 et 2011 résulte exclusivement de la remise en cause de la réduction d'impôt sur le revenu prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts dont ils se prévalaient à titre personnel à raison d'investissements productifs réalisés outre-mer. Ce supplément d'impôt ne procède pas du rehaussement du résultat des sociétés, imposable entre les mains de leurs associés au prorata de leurs parts en application de l'article 8 du code général des impôts relatif au régime d'imposition des sociétés de personnes. Dès lors, les requérants ne sauraient utilement reprocher à l'administration de ne pas avoir mentionné dans la proposition de rectification l'existence des propositions de rectification adressées aux sociétés dans lesquelles ils ont investi. Par ailleurs, M. et Mme A...ont bénéficié d'une procédure de rectification contradictoire au cours de laquelle ils ont été mis en mesure de contester les rectifications proposées par l'administration en apportant tous les éléments justificatifs qui leur paraissaient utiles et n'ont ainsi été privés d'aucune garantie. Dans ces conditions, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les droits de la défense ont été méconnus et que l'administration a manqué au principe du contradictoire.
5. M. et Mme A...soutiennent également que l'administration aurait manqué à son obligation de loyauté en simulant un contrôle sur pièces pour fonder les redressements sans évoquer puis en niant les investigations menées par ailleurs, non seulement auprès de la société EDF mais également les vérifications de comptabilité des SEP et d'autres " opérations analogues ". Il ne résulte, toutefois, pas de l'instruction que l'administration, qui a régulièrement mis en oeuvre la procédure contradictoire de redressement, aurait procédé ainsi, ni que les renseignements obtenus dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société DTD auraient fondé les rectifications contestées. Par suite, et sans qu'il soit besoin de procéder à une mesure d'instruction, le moyen ne peut qu'être écarté.
6. S'il est également soutenu que le rapport d'expertise déposé par M. E...devant le juge judiciaire et dont l'administration a obtenu copie dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, serait entaché d'irrégularité tant en la forme que sur le fond, cette circonstance qui, au demeurant, n'a été constatée par aucune décision judiciaire, demeurerait, à la supposée avérée, dépourvue d'incidence tant sur la régularité de la procédure que sur le bien-fondé des impositions, dès lors notamment que l'administration soutient, sans être contredite, que les constatations opérées par l'expert judiciaire ne diffèrent pas des extraits du procès-verbal de synthèse établi par les services de police également communiqué par l'autorité judiciaire.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
7. Aux termes du premier alinéa de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. (...) ". Aux termes du vingtième alinéa du même article : " La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé (...) ". Enfin, aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II au même code : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée, sous réserve des dispositions de la deuxième phrase du vingtième alinéa du I du même article au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...) ".
8. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. Par suite, s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à des sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et, par suite, productives de revenus qu'à compter de cette date. Le raccordement est nécessaire pour une exploitation effective de ces installations, dès lors qu'il n'est pas contesté que l'électricité produite n'avait pas vocation à être consommée et stockée par les sociétés exploitantes. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au terme de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, si un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 199 undecies B du code général des impôts.
9. Il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal de synthèse des investigations menées par la brigade de répression de la délinquance économique du 31 août 2011, qu'aux dates des 31 décembre 2010 et 2011, les installations en litige n'étaient pas raccordées au réseau public d'électricité et que leur exploitation par les entreprises locales ne pouvait ainsi commencer. A cet égard, si M. et Mme A...soutiennent que les raccordements des installations photovoltaïques ont bien eu lieu, ils n'apportent aucun commencement de preuve à l'appui de cette assertion. Par suite, et dès lors qu'au 31 décembre des années en cause, les investissements litigieux n'étaient pas en capacité d'être productifs, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article 199 undecies B du code général des impôts, et sans ajouter à la loi, que l'administration a estimé que les investissements déclarés par les requérants, qui ne sauraient se prévaloir de la seule livraison du matériel, n'avaient pas été effectivement réalisés au cours des années 2010 et 2011 et a remis en cause la réduction d'impôt correspondante. Le motif retenu ci-dessus étant, à lui seul, de nature à fonder le rehaussement contesté, l'administration était fondée, sans ajouter à la loi, à remettre en cause la réduction d'impôt appliquée par M. et Mme A... sur leur impôt sur le revenu des années 2010 et 2011.
En ce qui concerne l'application de la doctrine :
10. M. et Mme A...se prévalent, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe n° 148 de l'instruction référencée 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 aux termes duquel : " Conformément aux dispositions du vingtième alinéa du I de l'article 199 undecies B, la réduction d'impôt est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. Le premier alinéa de l'article 95 Q de l'annexe II prévoit que l'année de réalisation de l'investissement s'entend de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée, c'est-à-dire achevée, par l'entreprise ou lui est livrée au sens de l'article 1604 du code civil, ou est mise à disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail. ". Ces dispositions sont susceptibles d'être invoquées par les contribuables pour faire échec à un redressement opéré par l'administration fiscale lorsque les conditions posées par l'instruction sont remplies, notamment celle qui est énoncée au paragraphe 22, qui définit les investissements ouvrant droit à réduction d'impôt dans les termes suivants : " Conformément aux dispositions du premier alinéa du I de l'article 199 undecies B et de l'article 95 K de l'annexe II, les investissements productifs dont l'acquisition, la création ou la prise en crédit-bail est susceptible d'ouvrir droit à réduction d'impôt doivent avoir la nature d'immobilisations neuves, corporelles et amortissables. La notion même d'investissement productif implique l'acquisition ou la création de moyens d'exploitation, permanents ou durables capables de fonctionner de manière autonome. ". Ainsi, il ne ressort pas des énonciations de l'instruction du 30 janvier 2007 que l'administration a entendu donner, en ce qui concerne le fait générateur de la réduction d'impôt, une interprétation du texte fiscal différente de celle énoncée au point 8, qui lui serait opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
11. M. et Mme A...ne peuvent utilement se prévaloir du rescrit 2012/36 publié le 29 mai 2012, cet extrait de doctrine administrative étant postérieur aux années d'imposition en litige. Ils ne sauraient davantage se prévaloir d'une interprétation de la loi n° 2010-1657 du 20 décembre 2010, ni des commentaires apportés sur cette nouvelle loi dans une instruction référencée 7 S-5-11 du 9 décembre 2011, dans le champ d'application desquels ils n'entrent pas, cette instruction ayant trait à l'impôt de solidarité sur la fortune et excluant expressément du bénéfice d'une réduction de cet impôt les souscriptions au capital de sociétés qui produisent de l'électricité en utilisant l'énergie radiative du soleil. Au demeurant, le bénéfice des dispositions transitoires prévues par l'article 36 de cette loi du 29 décembre 2010 est, en tout état de cause, subordonné, en vertu du 1 du VI de cet article, au respect des conditions énoncées au point 8 du présent arrêt, qui ne sont pas satisfaites en l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 9.
12. Si les requérants, en invoquant l'attestation fiscale délivrée par la société Diane, entendent se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales des instructions référencées BOI-BIC-RICI 20-30-10-20 n° 140 et BOI-IS-GEO-10-30-20-20-2012 du 12 septembre 2012, ainsi que des réponses ministérielles à MM. C... etD..., députés en date des 3 mai 2005 et 11 avril 2006, ils n'entrent pas dans le champ d'application de ces doctrines, qui portent sur le mécénat ou les réductions d'impôt pour les dons en faveur d'oeuvres d'intérêt général ou d'organismes agréés, sur les dons au profit d'associations, ou encore sur l'application de l'article 217 undecies du code général des impôts.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°17DA01531