Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2019, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant ce tribunal.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n°603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant de la République de Guinée né le 11 février 1997, serait entré sur le territoire français, selon ses déclarations, le 15 juillet 2018. Il s'est présenté à la préfecture de la Seine-Maritime le 9 août 2018 dans le but de former une demande d'asile. Toutefois, une consultation du fichier Eurodac a permis d'établir que M. A...était connu, en tant que demandeur d'asile, des autorités italiennes, qui avaient prélevé ses empreintes digitales le 29 novembre 2016. Ces autorités ayant accepté la reprise en charge de M.A..., la préfète de la Seine-Maritime a prescrit, par un arrêté du 24 septembre 2018, son transfert en Italie. La préfète de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 14 décembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé, pour excès de pouvoir, la décision de transfert prise par cet arrêté et lui a fait injonction de se prononcer de nouveau sur la situation de l'intéressé.
2. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " (...) 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application des dispositions du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de le remettre aux autorités responsables de l'examen de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits et les modalités d'application du règlement, par écrit et dans une langue qu'il comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Cette information doit comporter l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de ce même article 4 et constitue une garantie pour le demandeur d'asile.
4. Pour annuler, par le jugement attaqué, l'arrêté du 24 septembre 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a prescrit le transfert de M. A...en Italie, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a relevé qu'alors que l'intéressé avait déclaré comprendre le peul, les documents d'information qui lui ont été remis le 9 août 2018 ne sont rédigés qu'en langue française et ne lui ont pas été notifiés avec l'assistance d'un interprète. Il a ensuite estimé qu'il n'était aucunement établi que l'entretien qui s'est tenu une heure après la remise de ces informations aurait lui-même eu lieu avec l'assistance d'un interprète et qu'il n'était pas davantage établi que M. A...aurait déclaré comprendre le français. Le premier juge a tiré de ces constats et appréciations qu'il ne pouvait, dans ces conditions, être tenu pour établi que M. A...aurait reçu les informations visées à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 dans une langue comprise de lui et que ce vice de procédure entachait la légalité de l'arrêté en litige.
5. Toutefois, ainsi que la préfète de la Seine-Maritime le fait observer à l'appui de sa requête, M.A..., qui est un ressortissant de la République de Guinée, dont la langue officielle est le français, a, parmi les éléments d'information qu'il a communiqués à l'administration et qui ont été transcrits dans un document intitulé " Recueil n° 405510 ", daté du 9 août 2018 et signé de la main de l'intéressé, indiqué qu'il comprenait le peul et le français. Ce document, sur lequel il était possible de nuancer le niveau de maîtrise de la langue française par l'intéressé, en précisant qu'il n'en avait qu'une compréhension orale et succincte, ne comporte aucune précision en ce sens. Ainsi, en notifiant à M. A..., le même jour à 9 h 48, ainsi que l'intéressé en a attesté, les deux brochures A et B contenant les éléments d'information exigés par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, à savoir celles explicitant les modalités d'application de ce règlement, de même que le guide du demandeur d'asile, dans leur version rédigée en langue française, comprise de M.A..., la préfète de la Seine-Maritime n'a pas méconnu ces dispositions, peu important que cette remise d'informations et l'entretien individuel qui l'a suivi n'aient pas eu lieu par l'entremise d'un interprète, et n'a pas davantage commis une irrégularité de procédure de nature à entacher la légalité de l'arrêté en litige. La circonstance que les motifs de l'arrêté en litige énoncent, par erreur, que ces documents ont été notifiés en langue peul et que l'intéressé a été assisté par un interprète lors de l'entretien individuel dont il a bénéficié, est, par elle-même, dépourvue d'incidence sur l'appréciation du respect par l'autorité préfectorale des garanties de procédure organisées par le règlement (UE) n° 604/2013 et par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que la préfète de la Seine-Maritime est fondée à soutenir que, pour prononcer l'annulation de cet arrêté, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a accueilli à tort ces moyens.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A...devant la juridiction administrative.
Sur la compétence de l'auteur de la décision :
7. L'arrêté du 24 septembre 2018 en litige a été signé par Mme B...E..., chef du bureau du droit d'asile de la préfecture de Seine-Maritime, qui a agi dans le cadre d'une délégation de signature qui lui avait été consentie par arrêté en date du 2 mars 2018 de la préfète de la Seine-Maritime, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture. Cette délégation habilitait Mme E...à signer tous les actes relevant des attributions de son bureau, au nombre desquels figurent notamment les arrêtés prescrivant le transfert de ressortissants étrangers demandeurs d'asile dans le cadre de l'application des dispositions du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté prescrivant le transfert de M. A...en Italie aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait.
Sur la motivation de l'arrêté en litige :
8. Les motifs de l'arrêté en litige énoncent qu'après que M. A...ait bénéficié d'un entretien individuel et qu'il se soit vu délivrer, dans une langue qu'il avait déclaré comprendre, les informations requises par l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 en ce qui concerne sa situation de demandeur d'asile et l'application de ce règlement, les autorités italiennes, qui connaissaient l'intéressé en tant que demandeur d'asile, ont été saisies, le 22 août 2018, d'une demande de reprise en charge de l'intéressé, formulée sur le fondement des dispositions du b) du 1 de l'article 18 du même règlement. Ces motifs précisent que les autorités italiennes ont implicitement accepté cette reprise en charge le 6 septembre 2018. Ainsi rédigés, ces motifs, qui ajoutent que M. A...ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale stable sur le territoire français et qu'il n'établit pas être dans l'impossibilité de retourner en Italie, exposent les considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision de transfert de M. A...en Italie. Dès lors que cette décision intervient dans le cadre d'une reprise en charge d'un ressortissant étranger dont la demande d'asile est en cours d'examen par les autorités d'un autre état membre de l'Union européenne et qui a présenté une autre demande d'asile en France, et non d'une prise en charge d'un demandeur d'asile à l'issue de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande, la préfète de la Seine-Maritime n'avait pas à motiver son arrêté au regard de l'un des critères de détermination énoncés au chapitre III du règlement (UE) n°604/2013. Il suit de là que doit être écarté le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de transfert au regard de l'exigence rappelée par les articles L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et 4 du règlement (UE) n°604/2013.
Sur la régularité de la procédure préalable :
En ce qui concerne le traitement de ses données personnelles :
9. En vertu du 1 de l'article 9 du règlement (UE) n°603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement du même jour établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale, chaque État membre relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque demandeur d'une protection internationale âgé de quatorze ans au moins et la transmet au système central dès que possible et au plus tard soixante-douze heures suivant l'introduction de la demande de protection internationale. Il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, M. A...s'est présenté à la préfecture de la Seine-Maritime afin d'y former une demande de protection internationale le 9 août 2018. Par une réponse datée du jour même, un agent compétent de la direction chargée des questions de l'asile au sein de la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur a fait connaître à la préfète de la Seine-Maritime les constatations qui ont pu lui être communiquées, conformément au 5 de l'article 8 du règlement (UE) n°603/2013, par le système central à la suite de la comparaison des données dactyloscopiques transmises concernant M. A...et celles précédemment enregistrées dans l'application Eurodac. Compte-tenu de ce que cette réponse est intervenue le jour même du dépôt par l'intéressé de sa demande de protection internationale et qu'elle rend compte de constatations opérées notamment à partir des données personnelles concernant M.A..., il y a lieu de retenir que la transmission de ces données au système central est nécessairement intervenue avant l'expiration du délai de soixante-douze heures prévu par le 1 de l'article 9 du règlement (UE) n°603/2013. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance de ce délai doit être écarté.
10. Si M. A...soutient qu'il ne serait pas établi que les autorités italiennes puis françaises auraient sollicité son accord avant de prélever ses empreintes digitales, il n'apporte, au soutient de ce moyen, aucune précision circonstanciée qui soit de nature à permettre d'en douter sérieusement. Celui-ci ne peut, par suite et en tout état de cause, qu'être écarté. Il en est de même du moyen tiré par M. A...de la méconnaissance, par ces autorités, du motif n°21 du règlement (UE) n°603/2013 du 26 juin 2013 qui énonce l'un des objectifs recherchés par le Parlement européen et le Conseil en prenant les dispositions contenues dans ce règlement, à savoir que la fiabilité de l'examen des empreintes digitales enregistrées sur l'application Eurodac soit garanti par le recours à des personnes ayant un niveau d'expertise suffisant, mais qui n'a, par lui-même, aucune portée contraignante.
11. En vertu de l'article 29 du règlement (UE) n°603/2013 du 26 juin 2013, toute personne dont les empreintes digitales ont fait l'objet d'un relevé aux fins d'enregistrement dans le système Eurodac bénéficie, de la part des autorités de l'Etat ayant procédé à ce relevé, d'une information relative notamment à l'identité du responsable du traitement de ces données ou de son représentant, à la raison pour laquelle ces données vont être traitées par le système Eurodac, aux destinataires de celles-ci, enfin, à l'existence d'un droit d'accès et d'un droit de rectification. Toutefois, ce droit à information ayant pour seul objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, son éventuelle méconnaissance est, par elle-même, dépourvue d'incidence tant sur la légalité de la décision prescrivant le transfert d'un demandeur d'asile vers l'Etat membre compétent pour sa prise ou sa reprise en charge que sur la régularité de la procédure préalable à l'édiction d'une telle décision. Il suit de là que le moyen tiré, en l'espèce, par M. A...de la méconnaissance de ces dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n°603/2013 doit être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne l'entretien individuel :
12. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ". Aux termes de l'article 35 de ce règlement : " 1. Chaque État membre notifie sans délai à la Commission les autorités chargées en particulier de l'exécution des obligations découlant du présent règlement et toute modification concernant ces autorités. (...) / (...) / 3. Les autorités visées au paragraphe 1 reçoivent la formation nécessaire en ce qui concerne l'application du présent règlement. / (...) " et aux termes de l'article 4 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres désignent pour toutes les procédures une autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes conformément à la présente directive. (...) / (...) / 4. Lorsqu'une autorité est désignée (...), les États membres veillent à ce que le personnel de cette autorité dispose des connaissances appropriées ou reçoive la formation nécessaire pour remplir ses obligations lors de la mise en oeuvre de la présente directive. / (...) ".
13. Il ressort des pièces du dossier et notamment du compte-rendu produit à l'instruction, que M. A...a bénéficié, ainsi qu'il a été dit au point 5, de l'entretien individuel prévu par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dans les locaux de la préfecture de la Seine-Maritime, le 9 août 2018 et que cet entretien s'est tenu en langue française, que l'intéressé avait déclaré comprendre. En se bornant à soutenir, sans apporter aucun élément ni aucune précision circonstanciée à l'appui de cette allégation, qu'il ne serait pas établi que cet entretien aurait été conduit selon des modalités ayant permis le respect de la confidentialité, ce dont aucune des pièces du dossier ne permet de mettre en doute, M. A... n'introduit pas une contestation sérieuse sur ce point. Enfin, en l'absence de tout élément de nature à faire naître un doute sérieux sur ce point, le seul fait que ce compte-rendu ne comporte pas la mention du nom et de la qualité de l'agent de la préfecture qui a mené cet entretien ne peut suffire à établir que cet agent n'aurait pas été mandaté à cet effet par la préfète de la Seine-Maritime après avoir bénéficié d'une formation appropriée, et ne serait, par suite, pas une " personne qualifiée en vertu du droit national " au sens des dispositions citées au point précédent. Dans ces conditions, le moyen tiré par M. A...de ce que les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 auraient été méconnues en l'espèce doit être écarté.
Sur le moyen tiré de l'erreur de droit :
14. Le seul fait que les pièces du dossier ne permettent pas d'établir de façon formelle que la demande d'asile formée par M. A...en Italie était toujours en cours d'examen n'est pas de nature à remettre en cause la légalité de l'arrêt en litige, dès lors que les autorités Italiennes, saisies d'une demande de reprise en charge formulée sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n°604/2013, qui vise le cas d'un demandeur d'asile dont la demande est en cours d'examen et qui a formé une demande de protection internationale auprès d'un autre Etat membre de l'Union européenne, n'ont pas opposé un refus à cette demande dans le délai qui leur était imparti, mais qu'elles ont, au contraire, laissé naître une décision implicite d'acceptation de cette demande. A cet égard, si M. A...a nié, à l'audience devant le premier juge, avoir formé une demande d'asile auprès des autorités italiennes, il ressort des pièces du dossier que les données issues du système Eurodac et reprises sur la correspondance émanant de la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur du 9 août 2018, mentionnée au point 9, permettent d'identifier formellement M. A...comme ayant formé une demande d'asile en Italie. L'intéressé, qui ne produit aucun élément de nature à remettre en cause ces données, doit, par suite, être regardé comme relevant de la situation visée au b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n°604/2013, qui permettait à la préfète de la Seine-Maritime de prescrire légalement, par la décision du 24 septembre 2018 en litige, son transfert vers l'Italie en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur de droit doit être écarté.
Sur les garanties de reprises en charge offertes par l'Italie :
15. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Et aux termes des dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
16. L'Italie étant membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.
17. Si M. A...soutient qu'il existe une incapacité des institutions italiennes à traiter les demandeurs d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le droit d'asile en faisant référence à plusieurs rapports publiés en 2016 par des organisations non-gouvernementales, il n'établit pas que la situation générale dans ce pays ne permettrait pas d'assurer, à la date à laquelle l'arrêté du 24 septembre 2018 en litige a été pris, un niveau de protection suffisant aux demandeurs d'asile ni que ce pays l'exposerait à un risque personnel de traitement inhumain ou dégradant. Il ne ressort pas des pièces du dossier que sa demande ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision de transfert en litige aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
Sur l'invocation de la clause dérogatoire :
18. L'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 prévoit la possibilité pour chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement ou de demander à un autre Etat membre de prendre l'intéressé en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères fixés par ce règlement.
19. Si M. A...soutient présenter un état de vulnérabilité lié à des problèmes gastriques sévères ainsi qu'aux craintes qu'il éprouve à la perspective d'un retour forcé en République de Guinée, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait fait état de cette situation auprès de la préfète de la Seine-Maritime, le compte-rendu de l'entretien individuel dont il a bénéficié faisant état de troubles d'une autre nature, à savoir de douleurs au coeur et au pied non prises en charge médicalement. Par ces allégations fluctuantes et imprécises, M. A...ne peut ainsi être regardé comme ayant invoqué des considérations humanitaires tirées de sa situation personnelle ou familiale, ni d'aucun motif particulier susceptible de justifier que les autorités françaises procèdent, à titre dérogatoire, à l'examen de sa demande d'asile ou à son transfert à destination d'un autre Etat que l'Italie. Il suit de là que le moyen tiré de ce que, pour prescrire son transfert en Italie sans le faire bénéficier de cette clause dérogatoire, la préfète de la Seine-Maritime aurait méconnu les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 ne peut qu'être écarté. Il en est de même, dans ces conditions, du moyen tiré de ce que, pour prendre cette décision, la préfète de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de celle-ci sur la situation personnelle de l'intéressé.
20. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Seine-Maritime est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 14 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 24 septembre 2018 et lui a fait injonction de se prononcer de nouveau sur la situation de M.A.... Par voie de conséquence, la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Rouen et les conclusions qu'il présente en appel au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 14 décembre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant ce tribunal et les conclusions qu'il présente en cause d'appel au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. F...A...et à Me C...D....
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.
1
2
N°19DA00144