Par un jugement n° 1503850, 1508519 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Lille a joint les deux requêtes, a fait partiellement droit aux demandes de M. E...et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 juillet 2016 et 14 mai 2018 sous le n° 16DA01251, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 juin 2016 en tant qu'il a prononcé une réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. E...a été assujetti au titre des années 2008 et 2009 et des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des mêmes années ;
2°) de remettre à la charge de M. E...les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 et 2009 et des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des mêmes années.
3°) de réformer en ce sens le jugement du 9 juin 2016.
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II. Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 juillet 2016 et 14 mai 2018 sous le n° 16DA01252, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 juin 2016 en tant qu'il a prononcé une réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. E...a été assujetti au titre des années 2008 et 2009 et des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des mêmes années ;
2°) de remettre à la charge de M. E...les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 et 2009 et des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des mêmes années.
3°) de réformer en ce sens le jugement du 9 juin 2016.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant M. D...légataire universel de
M.E....
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 16DA01251 et 16DA01252, dirigées contre le même jugement, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. En conséquence, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.
2. M. C...E..., qui est décédé en cours d'instance d'appel, l'instance ayant été reprise par son légataire universel, était gérant salarié de la société Sodarex dont le siège social se situe au Luxembourg. Cette société de droit luxembourgeois est associée dans la société immobilière Bellevue, établie en France. A l'issue d'opérations de vérification de comptabilité portant sur ces deux sociétés, M. E...s'est vu notifier des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2007 à 2009. M. E...a ainsi demandé au tribunal administratif de Lille, par deux requêtes, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 à 2009. Par un jugement unique du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Lille a partiellement fait droit à la demande de l'intéressé en réduisant ses bases d'imposition à l'impôt sur le revenu au titre des années 2007 à 2009 et en prononçant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondantes. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement uniquement en tant que celui-ci a prononcé la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. E...a été assujetti au titre des années 2008 et 2009.
3. Il résulte de l'instruction que M. E...a fait l'objet d'une taxation d'office portant sur des revenus d'origine indéterminée parmi lesquels figuraient des sommes inscrites sur les comptes courants d'associés qu'il détenait, à savoir une somme de 165 069 euros au titre de l'année 2008 dans le compte courant ouvert auprès de la société Sodarex et une somme de 1 244 073 euros au titre de l'année 2009 dans le compte courant ouvert auprès de la société Furiosa. Le tribunal a considéré qu'eu égard à leur inscription au crédit d'un compte courant d'associé, ces sommes étaient présumées relever de la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et ne pouvaient être imposées dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée. Le ministre de l'action et des comptes publics sollicite, auprès de la cour, une substitution de base légale et demande que les sommes en cause soient désormais imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobilier en tant que revenus distribués sur le nouveau fondement légal du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ou du c de l'article 111 du même code.
4. L'administration, qui ne peut renoncer à appliquer la loi fiscale, peut, à tout moment de la procédure, justifier l'impôt sur un nouveau fondement légal qu'elle a compétence liée pour appliquer, à condition de ne priver le contribuable d'aucune des garanties légales auxquelles il a droit.
5. Aux termes du premier alinéa de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus ". Aux termes de l'article 108 du même code : " Les dispositions des articles 109 à 117 fixent les règles suivant lesquelles sont déterminés les revenus distribués par : 1° Les personnes morales passibles de l'impôt prévu au chapitre II du présent titre ; (...) ". Aux termes de l'article 109 du même code : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ". Enfin, aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'une société de droit étranger réalise l'intégralité de ses opérations en France par l'intermédiaire d'un établissement stable passible de l'impôt sur les sociétés, les sommes figurant au crédit d'un compte courant détenu par un associé domicilié ...dans les écritures de cette société, peuvent être imposables sur le fondement de ces dispositions.
Sur les sommes figurant au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. E... dans les comptes de la société Furiosa :
7. Il résulte notamment des statuts de cette société, produits par M.E..., que la société Furiosa est une société de droit luxembourgeois ayant son siège social au Luxembourg. Il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas même allégué par l'administration fiscale que cette société réaliserait l'intégralité de son activité en France ni qu'elle disposerait d'un établissement stable passible de l'impôt sur les sociétés en France. En conséquence, l'administration fiscale n'invoquant aucun autre fondement légal, les sommes figurant au crédit du compte courant ouvert au nom de M. E...dans la société Furiosa ne peuvent constituer des revenus de capitaux mobiliers imposables sur le fondement des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ou du c de l'article 111 du même code. Par suite, il y a lieu de rejeter la demande de substitution de base légale présentée par le ministre de l'action et des comptes publics.
Sur les sommes figurant au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de M.E... dans les comptes de la société Sodarex :
8. La société Sodarex est une société de droit luxembourgeois ayant son siège social au Luxembourg. Il résulte cependant de l'instruction, et notamment des mentions figurant sur les avis de dégrèvements produits par le requérant, que si la société Sodarex a bénéficié, le 11 décembre 2017, d'un dégrèvement de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 2005 et 2009 à la suite d'un jugement définitif du tribunal administratif de Lille du 4 juillet 2017, elle a en revanche été assujettie à l'impôt sur les sociétés en France au titre de l'année 2008.
9. Il résulte de l'instruction que M. E...résidait habituellement, et notamment au titre de l'année 2008, à Halluin. Il est également constant qu'il détient des comptes dans des établissements bancaires ouverts en France. M. E...indiquait d'ailleurs lui-même devant la cour, avoir souscrit une déclaration de revenus en France au titre de l'année 2008. En conséquence, il doit être regardé comme ayant disposé d'un foyer fiscal en France au titre de l'année 2008 au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 4 A du code général des impôts. L'intimé n'avance, par ailleurs, aucun élément pour remettre en cause le fait que M. E...a eu la disposition de la somme de 165 069 euros portée au crédit du compte courant ouvert à son nom dans les comptes de la société Sodarex au titre de l'année 2008 et en conséquence, le caractère imposable de cette somme dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
10. Il résulte enfin de l'instruction que le recours à la procédure de taxation d'office prévue par les dispositions des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales a été régulier et que, en tout état de cause, malgré cette situation de taxation d'office de la somme en litige, l'administration fiscale a adressé à M.E..., une proposition de rectification dont la motivation répondait aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, notamment en ce qu'elle précisait au contribuable qu'il disposait d'un délai de trente jours pour faire connaître son acceptation ou ses observations et avait la possibilité de se faire assister d'un conseil. Le supplément d'imposition résultant de ce rehaussement a été mis en recouvrement après que le délai laissé par l'administration au contribuable pour formuler ses observations eut expiré. Par suite, s'agissant de revenus de capitaux mobiliers, l'administration, qui justifie ainsi avoir respecté l'ensemble des garanties offertes au contribuable, est en droit de fonder les impositions litigieuses sur cette dernière qualification en application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
Sur les revenus d'origine indéterminée :
11. Il résulte de l'instruction que, pour déterminer une partie des revenus d'origine indéterminée au titre de l'année 2009 l'administration a procédé à l'établissement d'une balance de trésorerie dont le solde a été imposé dans cette catégorie. Pour arrêter le montant des disponibilités employées, l'administration a retenu des dépenses figurant sur un compte ouvert à la banque Schroders par la société Aberlady et réalisées à l'aide d'une carte de crédit établie au nom de M.E.... Le montant de ces dépenses pour les mois de janvier à mai 2009 correspond au montant figurant sur les relevés bancaires afférents à ce compte. Pour les mois de juin à décembre 2009, en l'absence des relevés bancaires, l'administration a procédé à une extrapolation en retenant une somme de 11 000 euros mensuels, correspondant à la moyenne des dépenses constatées sur le compte au cours des sept mois précédents. Toutefois, pour déterminer le montant des dépenses connues permettant d'établir le solde d'une balance de trésorerie, l'administration, ne saurait avoir recours à une méthode d'évaluation par extrapolation présentant un caractère approximatif et incertain s'agissant de dépenses réalisées à l'aide d'une carte bancaire sur un compte bancaire précisément identifié. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que parmi les dépenses effectuées sur le compte Schroders au cours de l'année 2009 l'administration ne pouvait retenir qu'une somme de 53 937 euros correspondant aux dépenses effectivement enregistrées sur ce compte.
12. Enfin, M. E...fait valoir, sous un intitulé " demande de compensation ", que certaines sommes auraient fait l'objet d'une double imposition. A ce titre, il soutient que si dans les " disponibilités employées " de la balance de trésorerie, figuraient des sommes de 15 500 euros pour 2008 et 108 550 euros pour 2009 au titre des " Dépenses SCI Bellevue ", l'administration a omis de mentionner les mêmes sommes, correspondant aux prélèvements d'espèces sur le compte bancaire de la SCI Bellevue dans la colonne " ressources connues " conduisant ainsi à une double imposition des sommes en question, d'une part, en tant que revenus d'origine indéterminée et, d'autre part, en tant que revenus de capitaux mobiliers. Toutefois, il résulte de l'instruction que, si les sommes en cause figurent dans la colonne " disponibilités employées " et ne figurent pas dans la colonne " ressources connues ", l'administration fiscale après avoir fait la soustraction entre ces deux colonnes et constaté un solde de balance de trésorerie inexpliqué, a déduit du montant de ce solde, avant de l'imposer comme revenu d'origine indéterminée, les montants éventuellement justifiés après demande auprès du contribuable et les " Distributions SCI Bellevue " pour des montants de 15 500 euros et 108 550 euros. Ainsi, les sommes en cause n'ont fait l'objet d'aucune imposition en tant que revenus d'origine indéterminée, mais seulement en tant que revenus de capitaux mobiliers. Par suite, à supposer que M. E...ait entendu présenter une demande de compensation, celle-ci ne peut qu'être écartée.
13. Il résulte de tout ce qui précède, que le ministre de l'action et des comptes publics est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a prononcé la réduction des bases d'imposition de M. E...à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008 à concurrence d'une somme de 165 069 euros correspondant au montant inscrit au crédit de son compte courant d'associé dans les comptes de la société Sodarex au titre de cette année et a prononcé la décharge correspondante des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociales auxquelles il a été assujetti.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande M. D...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La base d'imposition de M. E...à l'impôt sur le revenu de l'année 2008 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers est majorée de la somme de 165 069 euros correspondant au crédit du compte courant d'associé de M. E...dans les comptes de la société Sodarex au titre de la même année.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2008, en droits et pénalités, procédant de ce qui a été décidé à l'article 1er sont mises à la charge du contribuable.
Article 3 : Le jugement n° 1503850, 1508519 du tribunal administratif de Lille du 9 juin 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à M. A...D....
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N° 16DA01251, 16DA01252