Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 novembre 2017 et 30 juillet 2018, la SARL GarageA..., représentée par Me B...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2008 au 31 décembre 2011 et des pénalités afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant la SARL GarageA....
Considérant ce qui suit :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
1. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ".
2. Par une proposition de rectification du 30 août 2012, l'administration fiscale a indiqué qu'elle remettait en cause, sur le fondement de l'article 271 du code général des impôts, la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des factures, qu'elle vise précisément, émises par l'EURL Philippe A...et dont la société appelante s'est acquittée. Elle s'est référée au 1 et 2 de l'article 271-II du code général des impôts qui subordonne le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée notamment à la conformité des factures aux dispositions de l'article 289 et au 8° de l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts en ce qu'il précise que, parmi les mentions obligatoires d'une facture figure la description précise des services rendus. L'administration a ensuite relevé qu'au titre de l'exercice clos en 2011, plusieurs factures émises par l'EURL Philippe A...ont fait l'objet d'une déduction de taxe sur la valeur ajoutée par la SARL GarageA..., que ces factures portaient le libellé " prestation holding " et qu'en dépit d'une demande de renseignements, aucune explication sur l'objet exact de la dépense n'a pu être obtenue. Par ces éléments, qui permettaient à la société de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation concernant la remise en cause de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces factures, l'administration fiscale a suffisamment motivé sa proposition de rectification. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit, par suite, être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :
En ce qui concerne les frais de restaurant :
3. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; / b) Celle qui est perçue à l'importation ; / c) Celle qui est acquittée par les redevables eux-mêmes lors de l'achat ou de la livraison à soi-même des biens ou des services ; / (...) 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, soit de la déclaration d'importation sur laquelle ils sont désignés comme destinataires réels. (...) ". Aux termes de l'article 272 du code général des impôts : " (...) 2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 283 du code général des impôts : " (...) 4. Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée. (...) ".
4. Il résulte de l'instruction que le service a refusé la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des frais de restaurant dont les bénéficiaires ne sont, soit pas du tout identifiés, soit indiqués comme étant des membres de la police, de la gendarmerie ou de deux communes du Pas-de-Calais.
5. La société Garage A...n'apporte aucun élément de nature à établir que les frais de restaurant, dont les bénéficiaires ne sont aucunement identifiés, participent à la réalisation d'une opération économique, présentent un caractère professionnel et que, par suite, la taxe afférente à ces frais soit déductible.
6. Les autres dépenses dont la déduction a été remise en cause par le service concernent des frais de restaurant et des cadeaux de bouteilles d'alcool dont les bénéficiaires seraient des personnes appartenant à des institutions publiques locales, l'identité de ces institutions figurant sur un document produit en première instance. A supposer même que ces personnes appartiennent effectivement aux institutions publiques dont la société fait état, cette dernière, par les quelques factures de dépannage produites, au demeurant postérieures à la période contrôlée, n'apporte pas d'éléments probants de nature à établir que de tels repas et cadeaux auraient été susceptibles de lui permettre d'améliorer les résultats de la société. Elle n'établit ainsi pas que ces dépenses ont été exposées dans le cadre d'une opération économique réalisée pour les besoins de l'activité de l'entreprise. C'est par suite à juste titre que l'administration fiscale a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces frais de restaurant et cadeaux.
En ce qui concerne les prestations de holding :
7. Un assujetti n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe portée sur des factures correspondant à des biens ou à des prestations de services qui ne lui ont pas été effectivement fournis dès lors qu'il ne pouvait en ignorer l'existence.
8. Il résulte de l'instruction qu'à compter du 1er octobre 2010 et jusqu'au 1er décembre 2011 au moins, la société Garage A...a versé mensuellement à l'EURL Philippe A...la somme de 4 500 euros hors taxe. M. C...A...est gérant et associé unique de ces deux sociétés. Pour justifier de ces versements, la société appelante s'est prévalue, d'une part, d'une convention de groupe datée du 1er septembre 2010 conclue entre la société Philippe A...d'une part et la société Garage A...et, d'autre part, d'un procès-verbal de délibérations de l'associé unique, datée du 24 septembre 2010, par laquelle cet associé, par une première résolution, a précisé les prestations qui seraient fournies par l'EURL A...et, par une seconde résolution, a fixé à 4 500 euros hors taxe, le paiement à effectuer par la filiale à la société mère holding.
9. Il résulte de l'instruction que la société appelante, dont le gérant, ainsi qu'il a été dit au point précédent, est le même que celui de l'EURL A...émettrice des factures en cause, n'a pas été en mesure d'apporter une quelconque précision sur la nature exacte des prestations prétendument réalisées dont la nature telle que définie notamment dans la convention du 1er septembre 2010, est d'ailleurs particulièrement imprécise. Si les différents documents produits par la société font bien état de l'intervention de M. C...A...au bénéfice de la société appelante, il n'est à aucun moment précisé, et il n'est pas plus justifié à l'instance, qu'il serait intervenu au titre de l'EURL Philippe A...alors qu'il est par ailleurs gérant de la SARL GarageA.... Dans ces conditions, la réalité même des prestations prétendument réalisées par l'EURL Philippe A...n'est pas établie et c'est à juste titre que le service a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces factures.
En ce qui concerne la remise en compte d'un avoir comptabilisé à l'exercice clos en 2011 :
10. Il résulte de l'instruction que, dans son grand livre, la société Garage A...a indiqué, au titre des prestations holding, au débit, d'une part, quinze factures d'un montant de 4 500 euros chacune, soit une somme totale de 67 500 euros, dont la déduction a été remise en cause par le service et, d'autre part, une somme de 2 700 euros portant le libellé " EURL A...2010 " qui, au vu des pièces du dossier, n'a pas été contestée par l'administration fiscale. Figure par ailleurs au crédit de ce même compte, au 31 décembre 2011, la somme de 6 000 euros portant le libellé " 4098 avoir a rece holding ". Le solde du compte en cause à la date de clôture de l'exercice 2011 s'élève à la somme de 64 200 euros.
11. Une facture d'avoir donne lieu, en principe, à la régularisation d'une taxe antérieurement déduite, limitant ainsi le droit à déduction. Par les pièces versées au dossier, l'administration fiscale n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'absence de régularisation de la taxe déduite. La société Garage A...est par suite fondée à demander la réduction, au titre de l'exercice clos en 2011, du rappel en base d'une somme de 3 300 euros.
Sur la majoration pour manquement délibéré :
12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
13. En relevant notamment que la réalité des prestations de holding prétendument réalisées n'était pas établie et que le dirigeant de la société, qui est par ailleurs également gérant et associé unique de l'EURL Philippe A...ne pouvait l'ignorer, l'administration fiscale apporte la preuve, qui lui incombe, du caractère délibéré du manquement imputé à la société. C'est par suite à juste titre que le service a mis à la charge de la société appelante la majoration de 40 % de l'article 1729 du code général des impôts.
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 13 que la société Garage A...est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille n'a pas fait droit à sa demande de réduction en base du rappel contesté d'une somme de 3 300 euros au titre de l'exercice clos en 2011. Le jugement de première instance du tribunal administratif de Lille doit donc, dans cette mesure, être réformé.
Sur les frais liés au litige :
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Garage A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La société Garage A...est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2011 dans la mesure d'une réduction en base des rappels d'un montant de 3 300 euros.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Garage A...est rejeté.
Article 3 : Le jugement du 3 octobre 2017 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Garage A...et au ministre de l'action et des comptes publics
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°17DA02244