Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2018, le préfet du Nord, représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant ce tribunal.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n°603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les articles 20 et suivants du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride fixent les règles selon lesquelles sont organisées les procédures de prise en charge ou de reprise en charge d'un demandeur d'asile par l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile. Ces articles déterminent notamment les conditions dans lesquelles l'Etat sur le territoire duquel se trouve le demandeur d'asile requiert de l'Etat qu'il estime responsable de l'examen de la demande de prendre ou de reprendre en charge le demandeur d'asile.
2. Dans ce cadre, le paragraphe 1 de l'article 26 du règlement précise : " Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale ". Le paragraphe 1 de l'article 27 du règlement prévoit, pour sa part, que le demandeur " dispose d'un droit de recours effectif, sous la forme d'un recours contre la décision de transfert ou d'une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction ". Enfin, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. ".
3. Il résulte de l'examen des motifs de l'arrêté du 22 novembre 2017 en litige, par lequel le préfet du Nord a prescrit le transfert de M.A..., ressortissant guinéen, vers l'Italie, que ceux-ci relèvent notamment que les empreintes digitales de l'intéressé ont été enregistrées sur le fichier Eurodac par les autorités italiennes, une première fois le 25 février 2017, sous le numéro IT 2 RC01DL4, puis une seconde fois le 28 février 2017, sous le numéro IT 1 LO00T9T. Ces motifs indiquent aussi que, dès lors que M. A...s'est vu ainsi attribuer par ces autorités, à l'occasion du second de ces enregistrements, un numéro d'identification commençant par le chiffre 1, qui correspond, en vertu de l'article 24 du règlement (UE) n°603/2013 du 26 juin 2013, à la situation d'un demandeur d'asile, l'intéressé ne peut sérieusement soutenir qu'il n'aurait formé aucune demande d'asile en Italie. Enfin, ces mêmes motifs précisent que les autorités italiennes, saisies d'une demande de reprise en charge de M. A...formulée en application du b du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ont accepté cette reprise en charge par un accord implicite intervenu dans les conditions prévues au 2 de l'article 25 de ce règlement et qu'elles doivent être regardées comme responsables de l'examen de la demande d'asile de l'intéressé en application de l'article 3 et du chapitre III du même règlement.
4. Il ressort de ces motifs que les autorités italiennes ont été saisies d'une demande de reprise en charge émise sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, disposition qui impose aux Etats membres de l'Union européenne de reprendre en charge le demandeur d'asile dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. En précisant, en outre, expressément que M. A... a formé une demande d'asile en Italie et en se référant aux dispositions du 2 de l'article 25 du même règlement pour déduire que les autorités italiennes devaient être regardées comme ayant donné leur accord implicite à cette demande, ces motifs permettent ainsi au destinataire de l'arrêté en litige de saisir que le préfet du Nord a entendu mettre en oeuvre une telle procédure de reprise en charge en ce qui le concerne. Par suite, conformément aux prescriptions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision de transfert en litige. Ils permettent ainsi à son destinataire de comprendre celles-ci et de disposer du recours effectif prévu par le paragraphe 1 de l'article 27 du règlement. Dès lors la décision de transfert est suffisamment motivée, peu important la référence surabondante au chapitre III du même règlement.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a accueilli à tort le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision pour en prononcer l'annulation et, par voie de conséquence, celle de la décision du même jour assignant M. A...à résidence dans le département du Nord.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant la juridiction administrative.
Sur la légalité de la décision de transfert :
7. Si M. A...soutient que la décision de transfert en litige serait prématurée pour avoir été prise avant l'expiration du délai d'acceptation tacite de deux mois prévu au 7 de l'article 22 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, il résulte de la lettre même de cette disposition que celle-ci s'applique exclusivement aux demandes de prise en charge formulées sur le fondement du a) du 1 de l'article 18 de ce règlement. Or, ainsi qu'il a été dit au point 4, M. A... n'a pas fait l'objet d'une telle demande, mais d'une demande de reprise en charge, formée auprès des autorités italiennes sur le fondement du b) du 1 de cet article 18, demande pour laquelle le délai d'acceptation tacite est d'un mois en vertu du 2 de l'article 25 du même règlement. Il suit de là que le moyen doit être écarté comme inopérant.
Sur la légalité de l'assignation à résidence :
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 7 que la décision prescrivant le transfert de M. A...en Italie n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision assignant M. A...à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans le département du Nord devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de transfert ne peut qu'être écarté.
9. L'avant dernier alinéa de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui s'applique aux assignations à résidence prononcées en application de l'article L. 561-2 en vertu du neuvième alinéa de ce même article, dispose que : " L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Il doit également se présenter, lorsque l'autorité administrative le lui demande, aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage. (...) L'autorité administrative peut prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité dans les conditions prévues à l'article L. 611-2 (...) ". En outre, en vertu de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence.
10. Il résulte des dispositions citées au point précédent qu'une mesure d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile consiste, pour l'autorité administrative qui la prononce, à déterminer un périmètre que l'étranger ne peut quitter et au sein duquel il est autorisé à circuler et, afin de s'assurer du respect de cette obligation, à lui imposer de se présenter, selon une périodicité déterminée, aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Une telle mesure n'a pas, en dehors des hypothèses où elle inclut une astreinte à domicile pour une durée limitée, pour effet d'obliger celui qui en fait l'objet à demeurer à son domicile. Dès lors, les décisions par lesquelles le préfet assigne à résidence, sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les étrangers faisant l'objet d'une mesure de transfert en application de l'article L. 742-3 du même code peuvent être prononcées à l'égard des étrangers qui ne disposent que d'une simple domiciliation postale et l'indication dans de telles décisions d'une adresse qui correspond uniquement à une domiciliation postale ne saurait imposer à l'intéressé de demeurer à cette adresse.
11. Il résulte de ce qui vient d'être dit au point précédent que le seul fait que M. A...a été assigné à résidence à l'adresse d'une association auprès de laquelle il bénéficie d'une domiciliation postale ne saurait suffire à établir une méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 561-2 et R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 6 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 22 novembre 2017 prescrivant le transfert de M. A... en Italie et assignant l'intéressé à résidence dans le département du Nord. Par voie de conséquence, la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille et les conclusions qu'il présente, en cause d'appel, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 6 décembre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D... A...et à MeC....
Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Nord.
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N°18DA00101